Le Rap au secours de nos enfants

Si le Ciel ne nous tiendra pas rigueur d'avoir été le cauchemar de notre banquier pendant toute notre vie, nous aurons certainement des comptes à rendre sur la façon dont nous avons élevé nos enfants.

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David-Yits'haq Trauttman

Posté sur 06.04.21

23 chévat 5770 – 7 février 2010

À l'exception de traverser une rue en Israël (et éviter les véhicules qui y circulent), la chose la plus difficile au monde est sans doute élever nos enfants. La difficulté est double : non seulement nous devons savoir quoi dire à notre progéniture, quand le dire et comment le dire, mais de plus, lorsque certaines personnes (dont je ne fais pas partie) excellent dans cette connaissance, elles s'aperçoivent que tout ce qu'elles ont appris est approprié pour un de leurs enfants, mais pas pour les autres !
Cela est plutôt frustrant. Passer un temps infini à obtenir une expertise qui ne pourra s'appliquer qu'à une seule personne est décourageant et mine toute volonté de vouloir parvenir à la perfection. Pourtant, avons-nous le choix ? Si le Ciel ne nous tiendra pas rigueur d'avoir été le cauchemar de notre banquier pendant toute notre vie (à cause de nos chèques impayés, nos découverts, nos interdictions bancaires…), nous aurons certainement des comptes à rendre sur la façon dont nous avons élevé nos enfants.
 La méthode RAP
L'éducation de nos enfants est complexe, fatigante, onéreuse et souvent angoissante. L'amour que nous portons envers nos chers enfants rend particulièrement délicates toutes les décisions que nous avons à prendre en ce domaine ; cette délicatesse est augmentée lorsque leur âge permet à nos enfants de commencer à prendre leurs propres décisions.
Le choix du type d'enseignement que nous voulons leur faire suivre, le comportement de leurs amis, leurs loisirs, leur façon de s'habiller… autant d'aspects où nous devons prendre des décisions, accepter ou refuser, concéder ou imposer. Correspondant au nombre de nos enfants, augmentent les occasions où nous ne pouvons pas jouer le rôle de l'abonné absent.
 
Pour certaines personnes, chacune de ces interventions parentales obligatoires est une source d'inquiétude importante et de stress continu. Très vite, l'éducation de nos enfants peut devenir une charge trop lourde face à laquelle nous ne voyons qu'une possibilité : baisser les bras et tout laisser aller.
Nous aurions tort de nous leurrer : l'abandon n'est pas un choix et la fuite en avant n'a jamais donné de résultats satisfaisants. Si nous avons de la difficulté à trouver une source d'inspiration dans la façon de se comporter de nos enfants, c'est en nous qu'il faut la trouver. Si nous parvenons à séparer entièrement cette source de vitalité des faits et gestes de nos petits trésors, nous aurons alors de grandes chances de la conserver intacte.
Pour leur permettre d'y voir un peu plus clair, je conseille à tous les parents de respecter trois règles précises. Cette méthode est celle du RAP et elle possède trois volets : 1) le Rapprochement commence à la maison ; 2) l'Amour est une composante indispensable et 3) la Paix doit régner en notre foyer.
Le Rapprochement commence à la maison. La plupart d'entre nous sommes convaincus de l'importance de rapprocher les âmes éperdues dans ce monde. Lorsqu'une âme juive se trouve dans un corps qui mène la vie des non juifs, c'est notre vie propre qui est en danger. Nous ressentons souvent cela au fond de nous lorsque nous discutons avec une personne qui est éloignée de la Tora et que nous aimerions voir s'en rapprocher.
Dans ces situations, nous sommes capables de déployer des trésors de patience et d'amabilité pour montrer le visage agréable du judaïsme. Nos paroles se font douces et notre cœur se réjouit du moindre aspect positif que nous pouvons trouver en la personne à qui nous parlons.
Le soir venu, nous rentrons chez nous pour retrouver notre petite famille. Sans nous en apercevoir, nous sommes devenu une personne différente. Le discours de rapprochement avec le Divin que nous tenions il y a encore peu de temps se transforme alors en un de reproches envers chacun des membres de notre famille. Chaque occasion est bonne pour relever un comportement inadéquat, une parole déplacée, une attitude surprenante… Celui qui désirait rapprocher s'est transformé en celui qui accuse. En d'autres termes, celui qui pouvait attirer est devenu celui qui repousse.
Nous oublions souvent que les seules personnes dont nous pouvons être certains d'avoir la responsabilité d'enseigner le rapprochement sont nos enfants. Évidement, il est de grande vertu de s'intéresser aux âmes égarées, mais faut-il encore se poser la question si cela est de notre responsabilité. Ainsi, avant de dépenser moult efforts pour tendre la main vers les personnes qui ne sont pas forcément sous notre responsabilité, nous devons nous assurer que nous la tendons à celles qui le sont à coup sûr.
Faites un test : pour chacun de vos enfants, tracer deux colonnes sur un carnet. Dans la première, vous ferez un x chaque fois que vous aurez prononcé une parole positive, gentille et encourageante à son égard. Dans la seconde, vous tracerez un x chaque fois que vous lui aurez fait un reproche ou pointer du doigt pour une raison particulière. En fin de journée, faites le compte et constatez de vous-mêmes la situation : si la colonne des reproches représente plus de 10% de celles des compliments vous devez vous inquiéter.
L'amour est une composante indispensable. Lors de la cérémonie de félicitations pour ses élèves qui venaient d'obtenir le titre de « rabbin », le Rav Noah Wienberg z.ts.l., avait l'habitude de prononcer la phrase suivante : « Considérez que chaque âme juive que vous rencontrerez se trouve dans un wagon qui l'amène à Auschwitz. Votre mission est de tout faire pour la sauver. »
Lorsque nous aimons une personne, nous ne sommes pas avares d'efforts pour venir à son aide. Le plus souvent, à l'aune de l'intensité de nos sentiments envers une personne en particulier se mesure notre engagement à l'aider. L'amour est ce qui fait la différence entre une intervention (si elle a lieu) car « cela se fait » et une situation qui nous affecte au plus haut point et que nous prenons réellement à cœur d'améliorer.
Éduquer nos enfants, c'est ne jamais oublier que nous les aimons et qu'ils sont ce que nous avons de plus précieux sur terre. C'est lorsque nous faisons passer nos propres intérêts avant les leurs que nous abîmons nos enfants et que ternissons l'éducation que nous leur donnons. Eux-mêmes le savent qui pardonneront beaucoup plus facilement une erreur de notre part que notre égoïsme.
Si le Maître du monde nous a confié l'éducation de nos enfants, c'est parce qu'Il a considéré que ce sont eux dont nous avons besoin pour nous rapprocher de Lui, plutôt que des enfants du voisin, de notre cousine… En d'autres termes, la question ne consiste pas à relever sans cesse les défauts de notre progéniture, mais à lui fournir les conditions optimales que nous pouvons pour qu'elle s'élève vers le Divin. S'il n'est pas de notre ressort de l'élever nous-mêmes, nous devons cependant lui offrir le meilleur piédestal pour grimper.
La paix doit régner en notre foyer. L'histoire est celle d'un client qui entre dans une brasserie parisienne. Celui-ci n'a pas choisi cet établissement par hasard : il sait que c'est le seul endroit dans toute la capitale où sa bière favorite est servie. Son plus grand défi consiste à accepter avec le sourire le service peu amical du serveur. De fait, ce dernier est lent, irascible et à la moindre réflexion d'un client, est capable de le faire attendre une demi-heure sa commande ! Peu importe : l'idée de se régaler d'un verre de la meilleure bière au monde à ses yeux mérite tous les compromis imaginables.
Qu'en est-il de nos enfants ? Leur valeur n'est-elle pas plus élevée que celle d'une bière ? Les réflexions inappropriées d'un serveur de brasserie, ses innombrables défauts et sa mauvaise volonté ne nous ébranlent pas car nous gardons à l'esprit un objectif final bien précis. Pour nos enfants, nous ne devrions jamais oublier le but ultime : les assurer que nous les aimons.
Si nous n'oublions jamais cela, les nombreuses occasions de rappeler à notre conjoint(e) qu'il ou qu'elle n'est parfait(e) pourront éventuellement se saisir, mais dans l'intérêt de nos enfants et pas à leurs dépends. Ainsi, ce sont les disputes, les réflexions mesquines, les regards révélateurs et toutes les autres attitudes négatives que nous devons absolument proscrire à l'égard de notre conjoint(e) en présence de nos enfants.
Si nous devions réussir qu'une seule chose dans notre vie, cela serait de préserver un environnement de quiétude et d'amour entre les murs de notre résidence. Malgré les nombreuses fautes que nous aurions pu commettre lors de notre passage dans ce monde, nous pourrions au moins rappeler ce fait au Tribunal céleste lorsque notre heure viendra d'y être convoqué(e).
En faisant le maximum d'efforts pour appliquer ces trois principes de base dans l'éducation de nos enfants, nous mettons de notre côté toutes les chances de réussite. De la sorte, nous pourrons nous tourner vers le Ciel en criant notre désespoir lorsque nous nous trompons et que nous n'avons pas été à la hauteur. Ceci aussi est une composante essentielle de l'éducation de nos enfants ; il ne faudrait pas l'oublier.

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