L’apparition du monothéisme

Il défit toute logique de croire que la croyance d'une élite égyptienne se serait répandue en peu de temps dans l'ensemble du peuple juif.

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David-Yits'haq Trauttman

Posté sur 06.04.21

(Nous vous conseillons de lire l'introduction à cette série d'articles qui décrit la pensée du Rav Elie Benamozegh.)

L'idée maîtresse du monothéisme – religion qui n'admet l'existence que d'un D-ieu Unique – apparaît avec le judaïsme. Auparavant, toutes les religions anciennes s'adressaient à un peuple en particulier et ne se préoccupaient nullement de la notion d'universalisme. Ces religions concernaient un empire, un royaume, un peuple ou une ethnie. En aucun cas, le concept du “bien de l'humanité” apparaît dans leurs écrits.
 
Pour ces religions, il n'y avait pas de contradiction à croire en une certaine forme d'un dieu, tout en sachant que la nation voisine croyait en une divinité différente. À la façon de deux personnes dont chacune possède son artiste préféré et qui accepte que son voisin pense autrement, les religions de l'antiquité vivaient dans un relativisme d'avant la lettre.
 
La situation change diamétralement avec l'apparition de la Loi de Moché (Moïse). Une lecture – même superficielle – de la Bible ne laisse planer aucun doute : D-ieu est Un et Unique. Les exhortations à se séparer de toute forme d'idolâtrie abondent et les exemples de croyances polythéistes sont dénoncées les unes après les autres.
 
La révolution est double : si l'idée de multiples dieux s'efface, c'est également une vision englobante qui apparaît. De fait, la lecture de la Bible doit s'effectuer en deux niveaux : le premier concerne ce qui est demandé aux juifs et qui ne s'adresse donc qu'à ces derniers, ainsi qu'à ceux qui voudraient les rejoindre.
 
Cependant, la Bible s'adresse également à l'humanité toute entière. Ici se révèle également la nouveauté. Avec la Bible, c'est l'idée d'universalisme qui descend sur terre. Un universalisme bien différent de ce que le christianisme et l'islam prôneront des siècles plus tard. Point de conversion forcée, de croyance imposée. D-ieu – dans Sa compassion infinie – sait parfaitement qu'il ne sait à rien de vouloir imposer. Il est donné au genre humain le temps pour apprécier à sa juste valeur le monde nouveau qu'on lui propose.
 
C'est ce temps qui fera défaut aux religions qui suivront et qui chercheront à bousculer les convictions des peuples, à forcer les cœurs à croire. Comme si cela était possible, souhaitable.           
 
Nous avons déjà noté dans notre introduction le service qu'à rendu le christianisme à l'humanité : celui de répandre dans le monde le concept du monothéisme. De nos jours, environ quatre milliards d'individus savent qu'il n'y a qu'un D-ieu et qu'Il est le Créateur du monde. Quelle avancée ! Si nous admettons que le monde a été créé dans le but de révéler la gloire de D-ieu, savoir que la majorité de la population mondiale croit en un seul D-ieu est à apprécier à sa juste valeur.
 
Certes, tous ne croient pas de la même façon, mais peu importe : chacun de ces individus établit sa propre relation avec le Maître du monde, essaie de vivre tant bien que mal selon les Principes divins plutôt que les siens. Ainsi, la première étape a été franchie : celle où nous réalisons que nous ne sommes pas nos propres patrons et que notre objectif dans le monde n'est pas de vivre selon nos désirs avides et futiles, mais selon des principes plus élevés, plus nobles.
 
Le monothéisme est l'héritage spirituel légué par le judaïsme au monde entier. Ici, il nous semble approprié de marquer une pause afin de nous poser la question suivante : se pourrait-il que le monothéisme dont nous parlons fut celui hérité par les juifs de la part des égyptiens, lors du séjour des hébreux dans le pays des pyramides ?
 
La question peut surprendre, mais à entendre certains, cela aurait été le cas. Pour répondre à cette question, nous devons d'abord analyser le monothéisme égyptien. Force est de constater qu'à l'exception de la courte période du règne du pharaon d'Akhenaton (14ième siècle avant ère commune), les Égyptiens ont toujours cru en une multitude de dieux. Il est d'ailleurs intéressant de relever que la période à laquelle Akhenaton a régné correspond à celle où les juifs séjournaient en Égypte.
 
Ainsi, le monothéisme égyptien avant l'époque du pharaon Akhenaton n'existait pas réellement. De plus, la fin du règne de ce pharaon a signifié également la fin de ce monothéisme égyptien de courte durée. De la sorte, il semble difficile d'admettre que les juifs ont été influencés d'une façon aussi importante par un concept religieux qui n'a pas duré dans le pays même où il serait apparu.
 
Ne semble-t-il pas plus logique de dire que c'est précisément sous l'influence des hébreux que les égyptiens ont goûté au monothéisme ? Implanté récemment dans leur culture, ce monothéisme n'aurait pas survécu au départ des juifs, voyant les égyptiens revenir à une croyance en des dieux multiples.
 
Il faut également savoir que le monothéisme égyptien en était un d'élite plutôt que de masse. Ceci est exactement l'opposé de ce qu'on trouve chez les juifs. Même si l'on admet que le séjour des hébreux en Égypte n'a pas toujours été marqué par une terrible oppression, il défit toute logique de croire que la croyance d'une élite égyptienne se serait répandue en peu de temps dans l'ensemble du peuple juif.
 
Certes, les juifs ont pu emprunter certaines valeurs de la culture égyptienne. N'est-ce pas là le lot de toutes minorités ? Cette culture a même pu sembler attirante à certains juifs. N'oublions pas que lors de la sortie des juifs d'Égypte, ce sont 4/5 du peuple juif qui refusa de quitter le pays où ils vivaient depuis plusieurs générations ! Lorsque la porte de la prison s'ouvre, rares sont les prisonniers qui se retiennent pour s'en échapper.
 
S'il est possible de penser que les juifs n'ont pas toujours vécu les pires souffrances entre les mains des égyptiens – même s'il y eut des périodes de douleurs intenses – il est d'autant probable qu'ils aient été influencés par les mœurs de ces derniers. Cependant, au-delà de certains apports marginaux, il nous semble improbable que les juifs aient reçu en héritage égyptien le monothéisme.
 
Plutôt, il faut convenir que ce dernier correspond à la tradition patriarcale inaugurée par Avraham. De fait, certains historiens de l'Égypte ont suggéré que le “premier ministre” choisi par le pharaon Akhenaton était ni plus ni moins Yossef, le fils d'Yits'haq, fils d'Avraham. Il importe peu que cette hypothèse soit exacte ; ce qui nous semble plus important de retenir est qu'elle correspond à ce qui est certainement arrivé : les hébreux eurent une influence non négligeable en Égypte et cela leur permit de donner en héritage le monothéisme au peuple égyptien.
 
À suivre…   

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