Parler pour bien parler

Les paroles que nous prononçons de façon légère peuvent rester des années dans l'esprit de celui qui écoute ; en quelque sorte, comme une signature qu'on appose sur un document.

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Alice Jonsson

Posté sur 06.04.21

Mon amie Ingrid et moi-même, avons la conversation téléphonique qui suit environ tous les dix jours : 
 
"Bonjour !" 
"OK, alors qu'ai-je encore fait ?"
Rires mutuels.
"Rien du tout !"
"Non, sérieusement. Je crois que j'ai vraiment été odieuse hier ; je suis désolée si j'ai été grossière ou irritée, ou je ne sais quoi …"
"Ecoute, je te le dis sincèrement : je n'ai aucune idée à quoi tu fais allusion. Je ne suis pas du tout en colère contre toi."
"Alors, je n'ai pas été stupide ? J'ai ce sentiment horrible d'avoir été une abrutie hier. Bon, je me sens mieux maintenant. Alors quand est-ce que l'on se fait un resto ?"
 
Nous aimons nous assurer que notre amitié est solide, nous ne voulons pas être trop sans-gêne et semer la discorde en nous, que D-ieu nous préserve. Nous vérifions si nous n'avons pas fait d'erreurs, comme si nous voulions dire : "Je m'excuse si je n'ai pas été moi-même ; tu as peut être vu mon côté dur et strict, mais je t'assure que cela n'est pas vraiment moi. Le vrai 'moi' est lorsque je suis douce, attentive. Je ne veux pas que mon 'moi' véritable devienne obscur, tendu."
 
L'amitié est quelque chose de trop précieux pour la prendre à la légère. Plus je vieillis, plus je m'en rends compte. De plus, je m'aperçois que les quelques paroles qu'il nous arrive de prononcer de façon légère peuvent rester des années dans l'esprit de celui qui écoute ; en quelque sorte, comme une signature qu'on appose sur un document : il ne prend que quelques secondes pour l'écrire, mais elle restera très longtemps visible.
 
Il y a quelques années de cela, j'ai acheté le livre du 'Hafetz 'Hayim : "Une leçon, un jour – Les concepts et les lois de lachone har'a". [Pour en savoir plus sur lachone har'a (la médisance), cliquez ici.] Les versions pour enfants devraient être distribuées dans les nurseries ! Tout ce qui est écrit dans ce livre est tellement important. Malgré cela, je suis persuadée que ces lois sont celles qui sont le moins respectées sur la terre. Contrôler sa langue et les mots que nous prononçons est un réel challenge et j'imagine sans difficulté que la plupart des gens baissent les bras dès l'instant où ils pensent vouloir s'améliorer dans ce domaine.
 
Je suis certaine que certains grands rabbins qui écrivent dans le site de Breslev Israël peuvent expliquer ce qui arrive au niveau spirituel quand une personne décide de se remettre en question comme parler correctement ; pour ma part, j'en suis incapable. Cependant, je peux vous dire que cela est si difficile qu'on peut être certains qu'Hachem tiendra compte de notre volonté, même si nos progrès sont moindres. 
 
Parler de manière appropriée demande les efforts de toute une vie et la progression sur ce chemin se fait à petit pas. Cependant, nous devons réaliser qu'en fin de compte, il s'agit de la meilleure façon pour obtenir la paix : en nous-mêmes, au sein de notre entourage, dans le monde entier. Le livre du 'Hafetz "Hayim est l'équivalent d'un miroir dans lequel on se regarde. Le miroir se trouve dans une pièce claire et le moindre détail y est révélé. On peut ne pas aimer ce qu'on lit dans ce livre, comme on peut ne pas aimer ce qu'on voit dans le miroir.
 
A vrai dire, j'ai eu plusieurs fois l'envie de reposer ce livre sur une étagère et de le laisser prendre une couche épaisse de poussière ! Pourtant, je me force à le reprendre chaque fois et je sais que cela me fait avancer vers la bonne direction. Suivez-mon conseil et cessez de vous morfondre. Faites un petit pas.
  
C'est une confession embarrassante mais vraie : après avoir parcouru seulement quelques pages du livre, j'ai découvert quelque chose de renversant. De fait, j'ai réalisé qu'il y avait une époque où  je n'avais rien à dire, si ce n'était pour étiqueter une personne avec laquelle j'avais un sentiment de frustration. Je ne veux même pas mettre ces mots par écrit ; j'en ai tellement honte ! Prendre conscience de cela à mon sujet a provoqué en moi un changement structurel qui a eu lieu dans ma conscience. 
 
Il y existe un nombre infini de sujets de discussion, n'est-ce pas ? Pourtant, j'avais pris l'habitude de choisir ceux qui ne sont pas les meilleurs, ceux que nous ne devrions pas aborder. Croyez-moi : les vieilles roues du wagon peuvent se retrouver de nouveau très facilement sur les bons rails.
 
Je vous entends déjà poser la question : pour quelle raison devrait-on apporter un changement aussi important dans notre façon habituelle de parler ? Qu'est-ce que cela nous apporte de prendre les gens tels qu'ils sont et sans les juger ? Pour compliquer le tout, selon le 'Hafetz 'Hayim, on ne devrait pas seulement éviter de parler des gens, mais également s'efforcer de ne pas écouter les conversations à propos d'autres personnes. Suis-je aussi censée aller vivre sur la lune ?
 
Comment ne peut-on pas entendre lachone har'a ? Je ne suis pas à l'aise à corriger les autres dans ce domaine, même si c'est ce que je devrais faire ultimement pour eux et eux pour moi. Une chose est certaine : même si le sujet est complexe, des choses étonnantes se produisent lorsqu'on tente d'éviter d'écouter des discussions que nous ne devrions pas entendre et on peut avoir l'assurance que l'Intervention divine sera fréquente et toujours à notre avantage.
 
Selon mon expérience, à compter du jour où j'ai décidé de me surveiller, j'ai remarqué que les conversations problématiques avaient tendance à diminuer d'une façon inexplicable. Je ne m'attends pas à ce qu'elles disparaissent complètement : quel mérite aurais-je à me surveiller ? Mais je sais que D-ieu m'aide dans mes efforts. La situation globale devient plus agréable, moins difficile à gérer qu'on n'avait pensé au début. En fait, c'est toute la bataille qui perd de son intensité. Quel plaisir !
 
De plus, il y a un avantage immédiat à surveiller ce que nous disons : l'espace est créé pour d'autres sujets de conversation ou activités afin de remplir le vide. On n'a même pas le sentiment d'un vide. En fin de compte, on se sent mieux avec nous-mêmes et avec les autres.
 
A l'époque où j'allais au lycée, je rencontrais beaucoup de personnes qui se battaient avec les mots, comme moi. Cela nous permettait d'établir des positions claires dans notre vie quotidienne. J'étudiais la philosophie. Dans le département de l'université, celui qui parlait le mieux gagnait ; j'avoue que j'étais assez bonne dans les duels. Mais à quel le prix ? Pour quelle raison mettons-nous en valeur ce type de combat ? Apprécions-nous réellement cela parce que les arguments faibles sont mis de côtés par rapport aux bons arguments et que cela nous permettra d'obtenir un meilleur comportement, ou un monde meilleur ? Je crois plutôt qu'il s'agit de ressentir un frisson, un peu comme lorsqu'on suit un match de football à la télévision : peu importe qui a raison, nous désirons simplement voir notre équipe gagner.
  
Le rabbin Brody a souligné que débattre avec les gens n'est pas la meilleure activité dans laquelle il est bon de s'engager. C'est en fait une humiliation intellectuelle pour la personne qui a tort. Bien sûr, toutes les personnes qui participent à des joutes oratoires  savent cela : le débat se termine le plus souvent pour une des personnes par le sentiment d'avoir été stupide ou mal compris, au mieux. Discuter d'un sujet n'a pas besoin de s'apparenter à une dispute. Cela peut vouloir dire plus simplement approfondir un sujet par des questions posées et écouter les réponses de l'Autre. S'assoir  tranquillement et écouter. Apprendre de l'Autre dans un état paisible. Est-ce trop demander ?
 
Je prie pour qu'Hachem continue à m'aider à faire attention à ce qui sort de ma bouche, à ce que j'écoute et même à ce que je pense ; j'ai encore beaucoup de travail à faire. Rabbi Na'hman a écrit dans le sefer HaMidoth :
 
“Nos sages nous ont appris que la paix est précieuse, pour recevoir toutes les bénédictions et consolations que le Saint, bénit soit-Il, apporte sur Israël. Les prières de la prière du Chema' du soir se terminent avec la phrase : 'Celui qui étend l'abri de la paix.' La prière du Chemone 'Esré se termine avec : 'Celui qui fait la paix dans Ses hauteurs, fait la paix sur nous…' La bénédiction des prêtres se termine par : "Qu'Hachem … fasse régner la paix avec vous."  Par conséquent mon fils, "soit zélé en ce qui concerne cette qualité. Aime la paix et poursuis-là, car il y a une récompense infinie pour ceux qui agissent ainsi."

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