La foi

Aussi longtemps que nous nous trouvons dans ce monde, nous ne pouvons saisir l'ordre de la création par la connaissance claire de la vérité. Notre lien avec la vérité ne peut s'établir que par l'inter

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le rabbin Avraham Greenbaum

Posté sur 06.04.21

La lumière de la Tora est cachée par un grand nombre de voiles dans ce monde. La sagesse qu'elle prodigue se traduit souvent sous forme de contes et proverbes obscurs, remplis de symboles mystérieux. Ses enseignements sont souvent très vagues et semblent n'avoir qu'un lien ténu avec la vie quotidienne telle que nous la connaissons.

Si un certain nombre de mitswoth semblent compréhensibles, accessibles à notre entendement : amour du prochain, recherche de la justice, etc, d'autres sont complètement hermétiques. Il semble par exemple qu'il n'y ait aucune différence pour la santé physique de l'homme à consommer ou non de la nourriture kachère. Pourquoi, d'autre part, est-il permis le Chabath de déplacer à grand peine un meuble important, à la maison, alors qu'il est défendu d'actionner du bout du doigt un interrupteur électrique ?
 
Les nombreux doutes et les innombrables questions que les gens se posent sur la Tora ne constituent pas les moindres voiles qui cachent sa lumière : « Quelle est sa valeur ? Sa vérité ? Quelles preuves en donner ? Etc »
 
Sous la table, le Prince ne peut pas concevoir que le monde alentour soit tout sauf un royaume de dindons. Dans sa perspective inférieure, il ne peut appréhender de la cour royale qu'un aspect partiel, déformé, qui n'a finalement aucun sens. Supposons maintenant qu'un membre de la cour se rabaisse au niveau du Prince et essaie de lui expliquer la signification réelle des chaussures et des pieds qu'il voit autour de lui et combien les os et les miettes de pain sont inférieures aux mets délicats servis à table. Le Prince le croirait-il ?
 
Que pourrait lui dire le courtisan, sinon : « Allons, habille-toi, lève-toi et regarde par toi-même ! »
 
On ne peut accéder à la vérité de la Tora qu'en l'acceptant à priori et en la pratiquant en toute confiance. La Tora sert de clé à tout l'ordre de la création ; cet ordre est cependant si imposant et si complexe que de notre position peu avantageuse dans ce monde d'obscurité, nous pouvons à peine en saisir la notion la plus simple. Ce monde ayant été conçu pour nous fourvoyer, nous ne pouvons trouver de preuve irréfutable de l'ordre supérieur, si nous ne considérons que l'apparence des choses.
 
Au contraire, les différents systèmes de croyances qui réfutent l'existence même de cet ordre et soutiennent que l'homme n'est qu'un animal complexe peuvent parfois paraître tout à fait plausibles. Aussi longtemps que nous nous trouvons dans ce monde, nous ne pouvons saisir l'ordre de la création par la connaissance claire de la vérité. Notre lien avec la vérité ne peut s'établir que par l'intermédiaire de l'émouna (foi).
 
L'émouna, cela signifie plus que la simple croyance intellectuelle en l'existence de D-ieu. Elle consiste d'abord et avant tout à admettre nos limites à l'intérieur d'un univers nous confrontant avec des mystères que nous ne pouvons pas comprendre. Elle est fondée sur notre intuition profonde que la vie constitue quelque chose de considérable et de prodigieux. La foi, c'est l'acceptation de la sagesse supérieure de la Tora sans exigence de preuves. C'est une affirmation de l'existence de D-ieu et une volonté déterminée pour « L'atteindre » à tous les niveaux de notre être : pensée, sentiments, paroles et actions.
 
La conscience du dindon
 
La vie du dindon présente un grand nombre d'attraits.
 
Les dindons font ce qu'ils veulent, quand lis veulent : effort minimum, gratification instantanée. Ils mangent tout ce qu'ils aiment : os, miettes… Si un malheureux lézard ou un scarabée se présentent, ils sont les bienvenus. S'ils grossissent, tant mieux. Le dindon a tout un harem à sa disposition ; il s'en réjouit autant qu'il veut… pour l'abandonner à sa guise, libre de tout souci et de toute responsabilité. Il se pavane à cœur joie, exhibant son plumage superbe… Et s'il se sent quelque peu morose, il peut toujours déployer sa queue en éventail et glousser contre le reste du monde…
 
Si on l'engraisse, c'est pour mieux le manger. Et alors ? Il s'est bien amusé pendant ces cinq ans de vie et espère seulement ne pas sentir sa fin arriver, quand on l'aura égorgé et plumé, vidé , salé, rôti, découpé, mâché, avalé et digéré. Pas de caveau, pas de tombe pour couvrir ses os ; pas le moindre souvenir de sa courte vie sans intérêt. Mais qui s'en soucie ? Si nous devons mourir demain, alors mangeons, buvons et amusons-nous aujourd'hui !
 
Pour faire preuve d'honnêteté, avouons cependant que même le charme de ces cinq années grasses est plus rêve que réalité pour un dindon normal. Gratter le sol tout au long de la journée constitue un dur labeur, tellement répétitif et souvent improductif. Entre un ver et un autre, c'est l'incertitude et même le désespoir. Pourquoi alors s'étonner que les dindons soient de caractère si irascible… et enclins à l'obsession sexuelle ?
 
Avec le couteau de l'égorgeur comme seule perspective, quelle signification, quel réconfort peuvent-ils trouver dans la période de solitude et de tristesse qui sépare la ponte des œufs du… rôti ? Si on est dindon par nature, il n'y a pas grand chose à faire. Mais si on est Prince ou Princesse, il est stupide de passer sa vie à penser et agir comme un dindon. Le Prince-Dindon est le symbole vivant de la perte de la foi et son remplacement par une contre-idéologie dévastatrice : le matérialisme.
 
Ceux qui souffrent de la maladie du Prince sont tout simplement victimes des apparences de ce monde. Pour eux, l'apparence c'est la réalité. La logique semble si irrésistible. « Tout ce que l'on peut voir et sentir constitue le monde matériel. C'est par conséquent tout ce qui existe. Dans une certaine mesure, le corps humain ressemble à celui du singe. L'homme doit donc être un animal. Si les animaux suivent leurs instincts, c'est que nous devrions également le faire… Agis comme tu le ressens ! »
 
Pour le Prince qui se trouve sous la table, ce n'est pas seulement le manque de lumière qui l'empêche de comprendre la vraie nature de son monde. S'il pouvait se rappeler qui il est et d'où il vient, il ne se laisserait pas décevoir par l'apparence étrange des choses qui se trouvent sous la table. Sa connaissance de la vérité lui permettrait de compenser l'étrange point de vue qu'il a maintenant. Mais le Prince a perdu tout savoir. Il croit être un Dindon ; il en a l'esprit et l'aspect et c'est la raison pour laquelle il est convaincu que son monde doit obligatoirement être un monde indépendant, séparé, un royaume de Dindon.
 
Il en est de même pour ce monde. Sa capacité à nous leurrer ne provient pas seulement de sa nature physique. Les attractions matérielles du monde constituent certes un voile qui plonge dans l'obscurité les occasions spirituelles qui s'offrent à l'homme. Les tentations « des miettes et des os » de la vie peuvent être si grandes que certaines personnes passent une grande part de leur existence, sinon toute leur existence, à courir après, sans même marquer une pause pour réfléchir sur leur but ultime.
 
Cependant, ces distractions matérielles n'auraient pas le pouvoir de nous attirer si nous conservions une optique spirituelle saine. Nous verrions parfaitement combien elles sont ternes en comparaison de la joie suprême que l'on ressent à s'attacher à D-ieu.
 
De toute façon, notre vision spirituelle est elle-même ternie dans ce monde. L'essence réelle de l'homme n'est pas – contrairement à ce que la plupart des gens tendent à croire – son corps physique, mais son âme. L'âme, c'est le Prince, elle provient des mondes les plus élevés – « la Cour du Roi » – et est appelée en fin de compte à s'élever et retourner à sa place originelle, jouissant de la valeur authentique de l'adhésion à D-ieu.
 
Si nous arrivions dans ce monde avec une âme ayant gardé intact son pouvoir supérieur, nous nous rappellerions toujours les mondes spirituels d'où provient l'âme et, voyant le monde dans sa perspective réelle, nous prendrions sa dimension spirituelle pour ce qu'elle est : une limitation que nous devons maîtriser et dépasser pour accéder au bien spirituel qui est notre destinée.
 
À suivre…
 
(Extrait du livre “Sous la table” par Avraham Greenbaum, publié aux Éditions de l'Institut Breslev)

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