L’obsession de la performance

L’échec est devenu une source de dépression. Un grand patron d’un restaurant se suicide parce qu’il a perdu une étoile, ce qui lui prouve qu’il n’était plus performant...

3 Temps de lecture

le rabbin 'Haïm Harboun

Posté sur 06.04.21

La société actuelle a évolué très vite par rapport à l’homme. Celui-ci est envahi à longueur de journée d’informations diverses, d’inventions nouvelles et d’une technicité de plus en plus performante. Les hommes qui ne sont pas capable de suivre le rythme de l’évolution de la société sont abandonnés à leur triste sort.
 
Les autres conforment leur vie aux exigences de la société. Ils versent dans une aliénation inconsciente qui fait d’eux de véritables esclaves. Ils suivent, comme des moutons de panurge, ce que la société leur impose. Ils vivent au gré de la mode du moment. C’est ainsi que l’on a été amené à considérer la performance comme une valeur dominante.
 
Ce n’est pas le chercheur – qui passe des années dans son laboratoire pour trouver un médicament capable de guérir une maladie mortelle – qui est  l’objet d’admiration, mais le cycliste qui arrive le premier du Tour de France ou celui qui marque le maximum de buts au Mondial de football. La conséquence de cette évolution : de nouveaux dieux  sont apparus ; la star Académie, la dictature des régimes amaigrissants, les stars du football… C’est le retour à l’idolâtrie afin de supporter les frustrations et le stress permanents.
 
L’échec est devenu une source de dépression. Un grand patron d’un restaurant se suicide parce qu’il a perdu une étoile, ce qui lui prouve qu’il n’était plus performant.
 
Lorsqu’une personne – malgré beaucoup d’efforts – constate que la réussite n’arrive pas, une véritable honte et un effondrement narcissique font alors surface.
 
Pour parvenir à ses fins – c’est à dire au sommet, ou comme on dit dans les milieux spécialisés : “être au top” – on n’hésitera pas à utiliser tous les moyens : chantage, séduction, violence verbale, mensonges et parfois même la violence physique.
 
Pourquoi cette inflation de soi, cette soif d’admiration, ce besoin de domination ? Parce que les hommes veulent  montrer qu’ils sont capables d’affronter les exigences de la société actuelle. Celle-ci est devenue une grande fabrique de personnalités narcissiques.
 
Il faut savoir que ce type de personnalité se dessine dans l’enfance. Pendant les premiers temps de la vie, on n’a qu’un souci : être l’unique objet d’amour de ses parents. C’est sur l’assurance que l’on a de cet amour que se construit notre narcissisme, la confiance en nous nécessaire pour avancer et trouver sa place parmi les autres. L’amour parental est un échafaudage qui nous porte toute notre vie.
 
Cependant, l’instabilité de la société, la rapidité de la technicité, la misère qui sévit dans le monde, les catastrophes naturelles ou provoquées, l’insécurité inhérente au mode de vie de cette société, conduisent les parents à la surprotection de leurs enfants. C’est cet excès d’amour reçu qui se manifeste dans l’attitude conquérante de certains.
 
Assurés par leurs parents d’être les plus forts, les plus beaux, les plus brillants, les enfants pensent que leur identité ne peut se décliner qu’au superlatif. Ne pas rester au sommet revient à introjecter la perte de la reconnaissance parentale et plus tard celle de la société.
 
Mais le sentiment d’avoir manqué d’amour peut aussi perturber la construction narcissique. En effet, la demande d’amour du tout petit est sans limite. Chaque enfant veut être le préféré de ses parents. C’est d’ailleurs l’origine de la jalousie, l’enfant du milieu est particulièrement plus exposé. L’aîné est fort et commande, le benjamin est chuchoté.
 
Les parents doivent faire preuve d’intelligence et de savoir faire. Grâce à l’affection bien partagée des parents chacun des enfants finit par reconnaître les privilèges assurés par son rang. Une bonne éducation doit normalement conduire l’enfant à trouver sa place au sein de la famille. L’affection, en principe doit faire disparaître la jalousie, mais ce n’est que l’apparence. Dans la réalité – et inconsciemment – l’individu peut garder le sentiment d’avoir été dépossédé de sa place de leader. 
 
A défaut de pouvoir la reconquérir dans le cœur des parents, il va s’efforcer de la gagner au sein de la société. Dans ce cas, la société vient se substituer à la famille. C’est donc l’enfance – encore une fois – qui est déterminante. Pratiquement, la plupart des problèmes trouvent leur origine dans l’enfance. Ces problèmes seront réglés une fois que l’enfant deviendra adulte. C’est là l’origine de la quête permanente du succès.
 
Qui dit enfance dit aussi attitude et comportement des parents. Or, la société impose inconsciemment ses clichés et ses modes et les parents, pour être soit disant à la page, agiront sans le savoir conformément à ce qu’impose la société. Celle-ci impose une vie trépidante et l’obsession de la performance. En obéissant docilement à ces exigences, les seules victimes seront les enfants. 
 
Le rabbin 'Haïm Harboun est l'auteur du livre “Les voyageurs juifs du 16e siècle” aux éditions Massoreth.

Ecrivez-nous ce que vous pensez!

Merci pour votre réponse!

Le commentaire sera publié après approbation

Ajouter un commentaire