Quand la maison devient école

Nous avons eu de nombreuses réunions alors qu'Yits'haq régressait de jour en jour. Chaque jour, je considérais l'idée de le retirer de l'école...

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Meira Samuels

Posté sur 06.04.21

Nous avons eu de nombreuses réunions et discussions avec les autorités locales scolaires alors qu'Yits'haq régressait de jour en jour. Chaque jour, je considérais l'idée de le retirer de l'école et de le reprendre à la maison, mais cette idée me faisait peur.
 
 
Avant que mon fils Yits'haq naisse, je pensais que les familles qui éduquaient leurs enfants à la maison étaient bizarres. Les enfants sont supposés se lever le matin et aller à l'école avec leurs pairs; cela semble être normal. L'école à la maison ne me semblait pas quelque chose de normal.
Yits'haq a commencé à recevoir des services d'interventions quand il était seulement âgé de huit mois. À 14 mois, il reçut des traitements éducatifs, de thérapie du langage et de physiothérapie – deux à trois fois par semaine. Je me souviens avoir pensé : "C'est comme l'école à la maison, mais c'est pour un bébé." Je ne pensais pas que cela se poursuivrait jusqu'à ce qu'il soit en âge d'être scolarisé, car je trouvais cela encore bizarre.  
Quand Yits'haq eut deux ans et demi, il commença à aller – le matin – à un centre spécialisé dans les problèmes de comportement. Pendant la seconde partie de la journée, il recevait des séances de thérapie à la maison. À trois ans, il commença à aller à l'école à plein temps et à recevoir des heures supplémentaires de thérapie à la maison.
Un peu de place pour respirer
 
Yits'haq faisait d'énormes progrès et je me souviens avoir eu un sentiment de soulagement chaque jour lorsqu'il montait dans le bus pour à l'école. Pendant les six heures qui suivaient, je n'avais pas besoin d'être toujours derrière lui dans la maison afin m'assurer qu'il n'allait pas faire de sottises. Je pouvais faire les courses dont j'avais besoin sans me soucier de se qu'il risquait de casser dans le magasin. J'étais capable de prendre mon petit déjeuner et mon déjeuner à une allure normale, sans me hâter parce qu'il venait juste de se sauver de la table. En résumé, pendant ces six heures, j'étais une personne.
 
Cela ne veut pas dire que j'étais assise sur une chaise longue au soleil entrain de siroter une boisson rafraîchissante (bien que je ne vois rien de mal à cela). J'avais beaucoup à faire : appeler les thérapeutes, les conseillers et les docteurs; chercher de nouvelles interventions, de nouveaux thérapeutes; tout cela dans le but de constituer l'équipe dont Yits'haq avait besoin à la maison. J'essayais également de discuter le plus possible avec d'autres parents qui se trouvaient dans la même situation que moi; je réfléchissais constamment pour trouver des manières de développer le mieux possible le potentiel d'Yits'haq.
 
Lorsque mon fils revenait de l'école, notre école à la maison commençait. Des thérapeutes venaient pour des séances de deux heures et essayaient d'aider Yits'haq à généraliser les aptitudes qu'il avait acquises à l'école et à le motiver afin qu'il puisse atteindre ses objectifs.
 
Quand Yits'haq fut âgé de 5 ans, il dut faire la transition de la maternelle à l'école élémentaire. Mon mari et moi étions si heureux et chanceux d'avoir pu placer Yits'haq dans une école maternelle juive ! Cependant, il n'y avait pas d'écoles élémentaires juives dans la ville où nous vivions qui possédaient un programme adapté pour les enfants atteints des troubles d'autisme. Nous dûmes nous résoudre à placer Yits'haq dans une école spécialisée publique de la région.
 
Même si nous avions le cœur brisé de voir Yits'haq aller dans une école publique, nous espérions que ses progrès continueraient et qu'il réussirait dans le programme où il se trouvait. Nous connaissions d'autres parents dont les enfants avaient été enchantés de ce programme; il avait une bonne réputation et le conseiller qui travaillait à la maternelle avec Yits'haq devait également être son conseiller dans cette école.
 
Yits'haq commença l'année scolaire en septembre avec une maîtresse nouvelle et inexpérimentée. Celle-ci ne suivit pas les avis du conseiller et elle ne fut pas entièrement honnête avec nous en ce qui concerne la manière dont Yits'haq se débrouillait en classe. Notre fils avait besoin d'une extrême cohérence de la part de son enseignant et cela n'était pas vraiment le cas dans sa classe. Nous avons eu de nombreuses réunions et discussions avec les autorités locales scolaires alors qu'Yits'haq régressait de jour en jour. Chaque jour, je considérais l'idée de le retirer de l'école et de le reprendre à la maison, mais cette idée me faisait peur.
 
J'avais peur et je me demandais comment j'allais me débrouiller avec lui à la maison toute la journée; avec une rotation de gens qui entreraient et sortiraient de ma maison; avec l'impression de ne plus me sentir réellement chez moi et avec – bien sûr – le coût financier que cela représentait. Je savais que je devais engager un avocat pour intenter un procès afin d'être remboursée des frais que nous avions versés à l'école. J'étais complètement accablée par cette idée. Cependant, je suis très chanceuse d'avoir une famille qui m'a toujours soutenue dans ces périodes difficiles de ma vie. Tous les membres de ma famille m'ont encouragé à faire ce que je pensais être le mieux pour Yits'haq.
 
Retour à l'école… à la maison

J'ai essayé encore et encore de faire en sorte que cela marche à l'école, mais en décembre, cela devenait clair que je devais enlever Yits'haq de cet établissement et que je devais chercher le personnel nécessaire pour qu' Yits'haq aille à l'école… à la maison. Je me préparais donc à faire la chose la plus "bizarre" que je croyais ne jamais avoir à faire.

 
Yits'haq reçut ses cours scolaires à la maison pendant neuf mois, de décembre à août. Des conseillers pour un programme d'étude après l'école venaient déjà chez moi tous les jours pour enseigner à mon fils. Avec eux, j'ai discuté de la mise en place d'un programme plus général d'école à la maison. Ensuite nous devions trouver des personnes qualifiées pour enseigner ce programme. La difficulté était augmentée par le fait que nous nous trouvions en plein milieu de l'année scolaire. Cependant, tout pu être mis en place. En fin de compte, les journées d'Yits'haq étaient remplies à peu près de 6 à 8 heures de thérapie. Des pauses entre chaque thérapeute lui permettaient de “respirer” un peu. En plus de tout cela, nous amenions Yits'haq à l'école deux fois par semaine pour la thérapie occupationnelle car il y avait un thérapeute particulièrement doué dont l'aide était très importante pour les progrès de notre fils.
 
Le personnel devint comme des membres de la famille. La conséquence d'une telle situation est que nous n'avions aucune vie privée et qu'il était impossible de s'échapper du monde autiste.

En plus d'être la maman d'Yits'haq, je travaille à mi-temps. Je vais à mon bureau seulement quelques heures par semaine, mais j'ai une aide à plein temps à la maison. C'est ce qui m'a sauvée. Si un thérapeute se décommandait à la dernière minute – ou sans prévenir – ce qui arrivait à l'occasion, je n'avais pas à rester à la maison et à m'absenter de mon travail. La personne présente chez moi faisait office de baby-sitter et elle restait le temps qu'il faillait avec Yits'haq.  

J'étais devenue aussi un des thérapeutes d'Yits'haq. J'étais extrêmement impliquée dans son programme et je travaillais très dur pour faire en sorte que ma fille ne se sente pas exclue de tous les efforts que nous faisions. Lorsqu'un thérapeute se décommandait, j'essayais de combler cette absence. Les jours où je ne pouvais pas, j'étais tourmentée de culpabilité à l'idée qu'Yits'haq n'ait pas eu suffisamment d'aide ce jour-là. Je devais apprendre à mettre la limite entre le rôle de professeur et celui de mère et je devais mettre de côté mes sentiments et frustrations afin d'éduquer mon fils du mieux que je pouvais.
Prendre le bon et le mauvais

Faire l'école à la maison possède ses côtés positifs et ses côtés négatifs. Pour commencer, nous vivons dans une maison de taille moyenne et la thérapie d'Yits'haq se déroulait dans sa chambre, qui est à côté de la mienne.

 
Souvent Yits'haq courait jusqu'à notre chambre pour s'enfuir de ses devoirs scolaires; par conséquent nous avions des thérapeutes qui étaient obligés de suivre mon fils dans chaque recoin de la maison, sans aucune intimité pour mon mari et moi-même. Les thérapeutes pouvaient entendre chaque conversation téléphonique et pouvaient être au courant de plus d'informations que ce qu'on aurait voulu. D'autre part, il arrivait souvent que les thérapeutes se décommandent à la dernière minute ou arrivent en retard sans nous prévenir. Parfois, il y avait des semaines où plusieurs thérapeutes décommandaient des séances, laissant Yits'haq avec peu de temps d'étude productive. 
Quand Yits'haq était à la maison, il n'y avait pas vraiment de moment de repos pour les membres de notre pour la famille, ni d'endroits où nous pouvions discuter tranquillement. C'était très difficile pour ma fille de voir qu'Yits'haq demandait tant d'attention. Et bien sûr, la charge financière était extrêmement lourde et difficile à supporter.

Certains de ces aspects négatifs continuent de se faire ressentir, malgré le fait que mon fils soit retourné à l'école. Cela s'explique par le fait qu'il a encore plusieurs heures de thérapie chaque jour à la maison, après l'école.

 
Cependant, l'aspect positif est que lorsque j'ai retiré Yits'haq de l'école, j'ai immédiatement éprouvé un sentiment de soulagement : je savais que chez nous il serait dans un environnement sûr et agréable et que les frustrations des discussions chaque jour avec le professeur et les autorités locales scolaires étaient terminées. L'école à la maison m'a permis d'éduquer Yits'haq et d'être très impliquée dans son programme. Yits'haq ne parle pas; ainsi le programme m'a donné la chance d'être toujours avec lui et ne jamais avoir besoin de deviner ou de me demander comment il allait. Je prenais le déjeuner avec lui et je l'amenais au parc pour la "récréation." J'ai vraiment passé des moments privilégiés avec lui.

Durant les mois où il était à la maison, nous n'avons pas eu ces matins de bousculade pour être prêt pour le bus. Yits'haq ne dort pas toujours bien la nuit et il lui arrivait souvent de s'endormir tout de suite après avoir été réveillé pour prendre le bus. Cela rendait les départs toujours tendus et sous pression. Quand il était à la maison, nos matins étaient détendus. Son programme était fait sur mesure pour réunir à la fois ses objectifs: social, émotionnel et académique.

Lorsque le moment fut arrivé pour Yits'haq de retourner à l'école – en septembre dernier – je ne voulais pas l'y envoyer. Ses conseillers éducatifs, qui auparavant avaient été d'accord avec l'idée de lui faire l'école à la maison, pensaient maintenant qu'il était temps pour lui de retourner à l'école. Ils avaient le sentiment qu'il avait fait d'énormes progrès et qu'il avait besoin maintenant de s'initier à une structure extérieure à notre maison en allant à l'école et en poursuivant une routine centrée sur l'étude. Je n'étais pas heureuse à l'idée de l'envoyer de nouveau à l'école et de perdre nos moments mutuels privilégiés. Même s'il y avait définitivement des inconvénients de l'avoir à la maison, les côtés positifs l'emportaient largement.

L'école attribua un nouveau maître à la classe d'Yits'haq et son passage de la maison à l'école se déroula sans problème, baroukh Hachem. Il a fait d'énormes progrès cette année et nous espérons une autre année de succès et de croissance après l'été.

 
La relation très proche me manque. J'avais pris l'habitude d'être pleinement informée de chaque développement académique dans sa vie; maintenant, je dois faire confiance aux experts de son école et je fais confiance à Hachem pour qu'Il nous dirige dans la bonne direction en aidant le développement d'Yits'haq à atteindre tout son potentiel.
 
 
Reproduit avec l'aimable autorisation de : 

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