Tenir et se retenir

Parfois, les parents envoient le message sournois : « Faites ce que je dis, mais ne faites pas ce que je fais ». C'est évidemment hypocrite. Les actes sont plus forts que les mots et ont une plus gran

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Yehudit H'anan

Posté sur 17.03.21

Une façon efficace, d'être parent est de garder la bouche fermée. S'immiscer dans le combat spirituel d'un enfant peut le détourner et le soustraire de sa recherche personnelle. Lorsque nous endossons le dilemme de notre enfant, nous transformons le problème à résoudre en une guerre de pouvoir, qui n'a pas lieu d'être.

 

Ma plus jeune fille, Miriam, a eu du mal à décider quoi faire après l'école secondaire. Elle a fait son chirout leoumi (service national) dans un dispensaire, elle a ensuite trouvé un emploi de serveuse, pour se payer un voyage avec des copines et voir le monde. Le jour où j'ai vu sa photo en train de laver un éléphant en Thaïlande j'ai finalement admis que je n’avais aucun contrôle sur sa vie. En tant que baalat techouva, mon rêve était d'élever des filles très religieuses et les activités de Miriam ne correspondaient pas à ce projet.

 

Entre les voyages, Miriam travaillait comme nounou et continuait à être serveuse dans une salle de mariage luxueuse. Pendant les périodes de l'année où les juifs ne peuvent pas se marier, les Arabes utilisent cette salle. Au début, j’ai eu très peur par, mais après un certain temps, je me suis calmée et j’ai même appris sur les mariages arabes. Elle me racontait que comparés aux mariages juifs ils étaient vraiment plus calmes (sans alcool) et les femmes qu’elle servait, la traitaient poliment

 

Mais ce n'était pas ce que j'avais imaginé pour ma fille ! Miriam est une jeune femme exceptionnellement mature, en partie parce qu’elle a dû grandir avec une sœur aînée qui subit un arrêt cardiaque à l'âge de seize ans, Miriam n'avait alors que onze ans. Au cours de son adolescence, Miriam a été témoin et a participé à la difficile récupération de sa sœur. Ce n'était un pique-nique pour personne, mais étant plus jeune, Miriam a vu et appris la patience, l'empathie et la compassion. Mais je ne saurais jamais combien cela l'a aussi perturbée.

 

Je voulais que Miriam étudie, pour être éducatrice spécialisée ou psychologue pour enfant, elle est tellement compréhensive avec eux. Je voulais aussi qu'elle continue d'apprendre la Torah comme elle l'avait fait au lycée. Elle ne semblait intéressée par aucune de ces options ; alors j'ai laissé tomber ces sujets comme les autres, le mariage, son IPhone et aussi mon sujet favori depuis des années : « ta jupe est trop courte » ! La " fille de mes rêves" s'effaçait rapidement.

 

Mais parce que Miriam était une bonne fille (même si elle n’était pas "Beit Yaakov" comme je l'avais toujours imaginée), j'ai décidé de la laisser seule. Je ne voulais pas qu'elle ressente ma déception. Elle est respectueuse, gentille, pose des questions sur la cachrout et s'assure de donner chaque mois son ma'aser (dîme). En voyage, elle passe Chabbat chez les Chabad, ce qu'elle prétend être, une véritable formation. Elle a aussi été à Ouman. Les drogues, l’alcool et les garçons n'ont jamais été son problème, Grace à Dieu et j’en suis très reconnaissante. Mais il m'a fallu du temps pour accepter que Miriam ne soit vraiment pas « religieuse ». Elle n’y aspire pas, même si moi, je le suis.

Est-ce que d’une certaine manière j'ai échoué ? Je suppose que si mon objectif était de faire d’elle, autre chose : j’ai échoué. Mais alors, ai-je réussi ? Absolument. C’est une fille merveilleuse. Je dois seulement me rappeler, que mes enfants ont le libre arbitre et qu'ils aiment l'utiliser.

 

Finalement, après quelques années où j’ai fermé ma bouche et serré les dents, Miriam m'a dit qu'elle avait fini avec les voyages. C'était fascinant, mais elle en avait assez. Elle voulait faire quelque chose de sa vie. "Je suis trop vieille pour être serveuse", m'a-t-elle dit, "j'ai vingt et un ans et c'est vraiment un travail pour les gamines." à mes oreilles, c'était de la musique, comme une chanson touchante, que j'espérais entendre à la radio.

 

Elle a finalement décidé de devenir styliste, elle en est maintenant, dans sa deuxième année d’étude. Elle a également rejoint un cours hebdomadaire de Torah pour les jeunes femmes, à Jérusalem, et l'apprécie beaucoup. (Bingo !) Elle a bientôt vingt-deux ans, l'âge que j'avais lorsque je suis venue étudier en Israël. Elle voudrait se marier mais préfère d'abord attendre sa sœur aînée. Je la comprends.

 

Je suis tellement reconnaissante ! Je n’ai jamais critiqué ni condamné ma fille ! J'ai appris d’une façon difficile, comment gagner la confiance de nos enfants ; c'est la meilleure façon de rester proche. Parce que Miriam a pu partager ses sentiments en toute sécurité, nous avions des débats honnêtes sur la société, le judaïsme et Dieu. Dans le passé, quand j’éduquais mes enfants à mon image, je n'avais pas ce type de communication ouverte et honnête et j'ai payé le prix : j’ai, avec eux, une certaine distance émotionnelle.

 

En regardant en arrière, les moments où j'ai poussé et tiré mes enfants plus âgés, je n'aurais pas dû le faire. S’inquiéter que nos enfants ni se blessent, ni ne blessent les autres et pour le reste, nous pouvons nous détendre et les laisser faire leur route. Tous les enfants ne savent pas exactement ce qu'ils veulent faire, et tous les enfants ne franchissent pas, facilement, les différentes étapes de la vie. Nos enfants ont besoin d'espace pour comprendre les choses. La vie prend du temps.

Une autre de mes filles a pris beaucoup de poids après une grossesse. Cela m'a fait mal de la voir lourde et forte parce que pour moi, sa prise de poids est liée à un trop plein d’émotion. Mais je savais qu'elle en avait conscience et qu'elle n’arrivait pas à s’occuper d'elle ; elle me connaissait assez bien pour savoir que son poids et ses inconvénients m’affligeaient. Mais j'ai gardé la bouche fermée parce que je ne voulais pas ajouter à son inconfort ni que cela devienne « notre » problème ?  Sa santé est sa responsabilité, et non la mienne. Comme le programme des 12 étapes le conseille : retirez-vous du problème des autres. Un an plus tard, elle a rejoint un club d’amaigrissement et va à la gym. Elle a perdu 15 kilos et se sent merveilleusement bien. Elle est revenue à elle-même avec l'aide de Dieu, et non de la mienne.

 

Est-il facile de garder le silence ? Non.

 

Mais je n'ai pas eu à parler. Nos enfants nous connaissent et savent ce que nous aimons. Mon mari et moi-même mangeons des aliments sains et faisons de l’exercice parce que nous voulons rester en bonne santé.

Parfois, les parents envoient des messages sournois "Faites ce que je dis, mais ne faites pas ce que je fais". C'est évidemment hypocrite. Non seulement les actions parlent plus fort que les mots, mais les discours, les avis et les constantes suggestions entravent leur croissance spirituelle plutôt que de la faciliter. Parfois, le silence est le meilleur catalyseur.

Comme disent les sages, « Rien n'est meilleur pour l'âme que le silence. » Et peut-être aussi pour les âmes de nos enfants.

Traduction Simha Benchaya

 

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