Surmonter les obstacles

En 1989 – avec la chute du communisme – la porte s'ouvrit pour les breslovers qui désiraient se rendre à Ouman. J'entendis parler pour la première fois de cette possibilité...

9 Temps de lecture

Yonathan Gerchom

Posté sur 06.04.21

Quand j’ai regardé mon calendrier là-bas à Berlin, je pouvais difficilement y croire : ce voyage m’amènerait en Europe deux semaines avant Roch Hachana ! Le vrai miracle était la parfaite synchronisation. 
 
Mon pèlerinage à Ouman a réellement commencé dans le milieu des années soixante-dix, quand pour la première fois j’ai lu que Rabbi Na’hman de Breslev avait promis qu’il serait l’avocat céleste de tout ceux qui feraient ce voyage :
 
"Quiconque viendra sur ma tombe à Ouman, Ukraine, réciter les Dix Psaumes du Tiqoun Haklali (le Remède général) et donnera une pièce de monnaie pour la charité – peu importe la gravité des péchés de cette personne – je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour la sauver, même si je dois parcourir la totalité de la création, dans toute sa largueur et dans toute sa longueur. Je nettoierai cette personne et je la protègerai… S’il le faut, je la tirerai par ses peyoth (les boucles de cheveux typiques des ‘hassidiques) et je la ferai sortir de guehinom (l’enfer) (La sagesse de Rabbi Na’hman #141). 
 
"Par ses peyoth je le sortirai du guehinom" le Rabbi a dit. J’ai vraiment pris cela à coeur. Pendant de nombreuses années je plaisantais en disant que c’était la raison pour laquelle j’avais de si longues papillotes – car lorsque mon heure serait arrivée – après 120 ans – je voulais être certain que le Rabbi puisse bien me saisir !
 
Mais soyons sérieux, le guehinom n’est pas forcément un endroit diabolique réservé pour quelques uns après leur vie ; de fait, on peut aussi vivre en guehinom ici-même, sur terre. Ma vie à ce moment-là était vraiment infernale et j’avais de nombreux problèmes personnels dans mon propre guehinom pour lesquels je ne voyais pas la fin. Quelque chose dans la promesse du Rabbi avait profondément touché mon coeur et m’avait fait prendre un itinéraire particulier qui m’a mené – en 1997 – à Ouman. Ainsi, mon pèlerinage a vraiment commencé ce jour-là, il y a environ deux décennies, quand j’ai commencé à désirer faire ce voyage. 
 
Un petit peu d’histoire…
 
Qui était Rabbi Na’hman ? L’arrière petit-fils de Rabbi Israël ben Eliézer – plus connu sous le nom du Ba’al Chem Tov (“celui qui porte un bon nom”) – et  fondateur du ‘hassidisme. Rabbi Na’hman est né en 1772 dans ce qui est aujourd’hui la République ukrainienne. Il est le fondateur du mouvement ‘hassidique breslev. Il contracta la tuberculose à une époque où il n’y avait pas de guérison possible et mourut de cette maladie en 1810, alors qu’il n’était âgé que de 38 ans. Quelques mois avant sa mort, il exprima son désir de se faire enterrer à Ouman, parmi les milliers de juifs qui y avaient été persécutés. Rabbi Na’hman est décédé le quatrième jour de Soukoth – le 16 octobre 1810 – et selon ses instructions, il a été enterré dans le cimetière juif d’Ouman, en Ukraine.  
 
Le premier pèlerinage sur sa tombe fut mené par son principal disciple, Rabbi Nathan, au printemps de l’année 1811. À partir de cette époque, la coutume pour les ‘hassidim breslev consistait à essayer de faire le voyage au moins une fois dans leur vie. Même si ce pèlerinage pouvait être fait à n’importe quel moment de l’année, le plus important rassemblement fut toujours celui de Roch Hachana (le nouvel an juif). "Ouman, Ouman, Roch Hachana" devint le cri de ralliement des breslovers pour ce rassembler en ce jour saint.
 
Cependant, à l’époque où j’entendis parlé de Ouman – dans les années 1970 – l’Ukraine faisait partie de l’Union Soviétique et la guerre froide était totale. Il était pratiquement impossible à quiconque de faire un pèlerinage à Ouman. Je dis bien "pratiquement impossible", car une poignée de ‘hassidiques breslovers parvenait malgré tout à atteindre régulièrement Ouman à l’époque du régime communiste – malgré les coûts exorbitants du voyage et le risque permanent qu’ils encouraient. À l’époque, il était nécessaire de voyager jusqu’à Kiev afin d’obtenir seulement le visa ; les chances d’obtenir ce dernier étaient aussi grandes que celles d’essuyer un refus ! Et même lorsqu’on obtenait le visa, c’était seulement pour faire l’aller-retour le même jour. Passer la nuit à Ouman – et plus particulièrement pendant Roch Hachana – n’était pas autorisé par les autorités soviétiques. Par conséquent, pour moi, voyager à Ouman faisait partie d’un rêve.
 
Après la chute du communisme
 
En 1989 – avec la chute du communisme – la porte s’ouvrit pour les breslovers qui désiraient se rendre à Ouman. J’entendis parler pour la première fois de cette possibilité lorsque je passais un Roch Hachana avec la communauté breslev à Brooklyn la même année. Durant presque une décennie, j’avais lu tout ce que je pouvais trouver sur Rabbi Na’hman et je me sentais très proche de son enseignement. Mais comme je vivais dans l’ouest des États-Unis – où il n’y avait pas de communauté breslev – et que je n’avais pas assez d’argent pour voyager, je n’avais eu aucun contact avec la communauté de cette époque.  
 
En 1989, la situation changea quelque peu et j’eus l’opportunité de passer Roch Hachana avec les breslovers ‘hassidiques de New York. Cela était passionnant pour moi, car à l’époque où j’avais entendu pour la première fois parler de Rabbi Na’hman – dans les années 70 – je n’étais même pas certain qu’il existait encore des communautés breslev quelque part dans le monde ! De fait, à l’époque nazie, presque 14 000 juifs furent déportés de Ouman vers les camps de concentration. La merveilleuse mélodie “Ani maamin” ("Je crois"), répétée sans relâche et qui est maintenant associée à l’holocauste, est a attribuer aux breslovers ; cette mélodie fut chanter la première fois conformément à l’enseignement de Rabbi Na’hman, selon lequel : "Il ne faut jamais désespérer, ne jamais perdre espoir !" Cependant, à la fin de la deuxième guerre mondiale, moins de 150 breslovers survécurent. De ce fait, il fallut plusieurs décennies pour que la communauté se reforme et dépasse le niveau qu’elle avait avant la guerre.  
 
De retour de Brooklyn, plein de joie et plus sûr que jamais d’avoir trouvé chez les breslovers mon chemin – et en Rabbi Na’hman mon Rabbi – j’essayai du mieux que je pouvais de suivre son enseignement, surtout en faisant hitbodedouth (la prière personnelle isolée) ; de fait, je faisais déjà hitbodedouth depuis mon enfance, bien avant d’en avoir entendu parlé dans l’enseignement breslev. Maintenant je le faisais avec une plus grande intensité et elle faisait partie intégrante de ma pratique spirituelle quotidienne.
 
Je commençais à réciter les 10 psaumes (16, 32, 41, 42, 59, 77, 90, 105, 137, et 150 dans cet ordre) recommandés par le Rabbi dans son Tiqoun HaKlali (“le Remède général”). Lorsque j’étais à Brooklyn, j’avais appris que les breslovers essaient de réciter ces dix psaumes chaque jour et pas seulement sur la tombe du Rabbi. Ainsi, je commençai à les réciter – le plus souvent en anglais (ma langue natale) car je suis dyslexique et mon niveau de lecture en hébreu n’est pas très bon. Je connaissais un air agréable et joyeux pour le psaume 150 ; je pris alors l’habitude de terminer ma récitation en chantant ce psaume en hébreu et – si personne ne me voyait – je me mettais même à danser un peu. Cette pratique m’a beaucoup aidé lors de mes périodes de crise !
 
Je continuais également à étudier les écrits du Rabbi, ce qui voulait dire lire continuellement le peu de livres breslev que je possédai, car il était très difficile de trouver de la littérature breslev dans le Minnesota. Ensuite, est apparu Internet et la possibilité de joindre plus facilement les gens aux quatre coins du monde, ainsi qu’un accès privilégié à des ressources importantes de lecture et d’information. Maintenant, enfin, je pouvais avoir des contacts réguliers avec des ‘hassidiques qui étaient de véritables breslovers. À cette époque, je voyageais régulièrement à travers tout le pays pour mon travail ; j’essayais toujours de trouver des breslovers – dans la mesure du possible – dans mes déplacements. Bien que ces rencontres ne fussent pas très nombreuses, elles m’ont grandement renforcé dans mon engagement sur le chemin du Rabbi.    
 
Une invitation à Berlin
 
Ensuite, il y eut mon voyage en Allemagne en avril 1997. J’avais été invité à Berlin pour une conférence sur "La réincarnation et le karma", afin de parler de mes deux livres à propos des cas de réincarnation de l’holocauste. Ceci était mon premier voyage en Europe et lorsque je mentionnais cela à Ozer Bergman (un ami breslev), il me suggéra immédiatement d’essayer de faire un détour à Ouman. Son idée semblait séduisante, mais mon emploi du temps était si serré que je n’ai pas pu faire ce détour. Quelle frustration de se sentir si près et à la fois si loin !   
 
Ceci est une évidence breslev selon laquelle, dès qu’une personne entreprend de se rendre à Ouman (où fait n’importe quelle bonne action), des obstacles apparaissent. Ces obstacles proviennent du yetser har’a (le mauvais penchant) qui essaie de nous arrêter. C’est aussi une évidence breslev qu’il ne faut jamais renoncer ou laisser ces obstacles atteindre leur but. Les obstacles sont en fait de vrais tests que le yetser har’a lance pour essayer de nous décourager à faire des mitswoth (commandements bibliques ou rabbiniques). Plus l’activité est sainte, plus le yetser har’a nous mettra des bâtons dans les roues. Ainsi, lorsque ces obstacles apparaissent, c’est le signe que nous sommes sur la bonne voie et on se doit d’aller de l’avant, à tous prix.  
   
Rav Nathan – le plus proche disciple de Rabbi Na’hman – a dit : "Même si la route pour Ouman est couverte de couteaux, je m’y traînerais – juste pour être auprès de mon Rabbi à Roch Hachana !" (Tovoth Zikhronoth p.137).  
 
Grâce au ciel, je n’ai pas eu à me traîner sur un chemin de couteaux ! Durant mon séjour à Berlin, j’appris qu’une traduction hollandaise de mon livre “Au-delà des cendres” sortirait à l’automne de la même année. L’éditeur hollandais me demanda s’il m’était possible de revenir en Europe à la mi-septembre, pour participer à une conférence multiculturelle à Bad Gandersheim, en Allemagne. Je devais en profiter également pour faire la promotion du livre à Amsterdam. L’éditeur paierait mes dépenses pour le voyage et les organisateurs de la conférence allemande paieraient mes honoraires.  
 
Quand je regardais mon calendrier, là-bas à Berlin, je pouvais difficilement en croire mes yeux : ce voyage m’amènerait en Europe, deux semaines avant Roch Hachana ! Le vrai miracle était la parfaite synchronisation. La plupart du temps, à la mi-septembre, Roch Hachana est déjà passé. Cependant, en 5758 (1997) Roch Hachana était très tard et commençait dans la nuit du 1er octobre. Si j’allais en Hollande et en Allemagne, j’aurais deux semaines pour aller – d’une façon ou d’une autre – à Ouman. Bien entendu, j’ai dit "oui" à l’invitation ! À partir du moment où j’ai pris cet engagement, une série d’évènements a conduit de nombreuses personnes à m’aider à aller sur la tombe du Rabbi, à Ouman.  
 
Surmonter les obstacles  
 
Cependant, il y eut aussi de sérieux obstacles à surmonter. Ces obstacles, je désire les détailler ici, dans le but de démontrer de quelle façon tout finit par bien s’arranger en fin de compte et de ce fait, donner du courage à ceux qui désirent se rendre à Ouman. Il est important de réaliser que les obstacles font partis du voyage ; ils sont de véritables épreuves spirituelles dont le but est de tester notre sincérité à vouloir partir. Dans mon cas, je crois que ces épreuves ont joué un grand rôle afin de purifier mon coeur et de préparer mon arrivée à Ouman.   
 
Revenons à mon histoire. J’avais donc maintenant le moyen d’aller en Europe, ce qui était déjà le principal point. Cependant je devais encore faire face au défi d’obtenir un visa pour l’Ukraine. Aujourd’hui, il n’est plus nécessaire d’aller jusqu’à Kiev, cependant il y a un parcours administratif à respecter et les règles changent tout le temps ; ceci explique les raisons pour lesquelles ce que je vais décrire sera sans doute obsolète le jour où vous me lirez. À cette époque, on ne pouvait pas arriver tout simplement à la frontière ukrainienne comme touriste. Ainsi, je devais posséder une invitation d’un citoyen ukrainien ou d’un groupe et je devais envoyer mon passeport – à l’avance – à l’ambassade ukrainienne de la ville de New York. Je devais aussi payer 95$ pour le visa. Tout cela peut et devrait être arrangé par l’intermédiaire d’un agent de voyage. Dans mon cas, ce fut un breslover du nom de Chlomo Fried – de l’agence “Nesia Voyage” à New York – qui me fut d’une grande aide pour venir à bout de toutes ces démarches administratives.
   
Malgré l’aide précieuse de Chlomo, il y eut un problème de taille lorsqu’à un certain moment, l’ambassade ukrainienne nous dit que je devais payer à l’avance le prix des chambres d’hôtel à Kiev. Cette demande était particulièrement scandaleuse dans la mesure où je ne devais passer aucune nuit à Kiev ! De plus, il n’existait aucun hôtel à Ouman ! (Nous reviendrons sur les moyens de logement plus tard). Je pouvais tout juste m’offrir le prix du voyage et il était hors de question que je paye pour des chambres d’hôtel inutiles. Si l’ambassade ukrainienne ne changeait pas d’avis, mon voyage à Ouman était peut-être à remettre en question…
 
Tout cela commençait à m’amener au bout du rouleau, car nous étions déjà en mi-juillet et je devais partir en Europe le 7 septembre. J’étais non seulement inquiet de ne pas obtenir un visa en envoyant mon passeport à l’ambassade ukrainienne à New York, mais également – si l’ambassade devait renvoyer mon passeport avec le plus léger retard – de ne pas le recevoir à temps pour aller en Europe !. Aussi, je passai de nombreuses heures à faire hitbodedouth en me promenant dans les bois de ma ferme et en parlant de tout cela à D-ieu. Je Le supplier, je L’implorer pour que cela réussisse. Et finalement – miracle des miracles – l’ambassade annula sa demande de chambre d’hôtel payée à l’avance et il me fut possible d’obtenir un visa. 
 
Entre-temps, le service de livraison “UPS” se mit en grève. Il m’était donc impossible d’utiliser leurs services afin d’envoyer mon passeport à New York. L’alternative consistait à l’envoyer en utilisant la compagnie “Federal Express” dont le plus proche bureau se situait à… 100 kilomètres ! À cause d’une surcharge de travail dû à la grève de “UPS”, les employés de “Fed-Ex” ne pouvaient pas récupérer mon paquet à mon domicile ; plutôt, je devais le déposer moi-même dans leurs bureaux. Cela signifiait donc un voyage inattendu de 200 kilomètres – aller-retour – pour amener mon passeport et espérer qu’il ne se perde pas dans l’accumulation des colis. Je vous garantis que cette nuit-là, j’ai beaucoup prié.
 
Un petit peu plus d’une semaine plus tard, je recevais mon passeport, avec mon visa. J’étais maintenant à la recherche des diverses possibilités de vols pour me rendre d’Europe à Kiev. Malheureusement, il me manquait 2000 points dans le programme de “passager fréquent” de la compagnie aérienne KLM pour obtenir un billet gratuit d’Amsterdam à Kiev. Je décidais alors de rejoindre un groupe breslev qui partait de Paris. Le prix était de 460$ (incluant le voyage aller-retour en bus de Kiev à Ouman) ; par "coïncidence", je venais juste d’obtenir 500$ d’un engagement pour une conférence à Washington DC. J’étais sur le point d’envoyer cet argent pour la réservation, lorsqu’une personne très généreuse – qu’elle soit bénie pour toujours ! – décida que, ne pouvant pas aller elle-même à Ouman, elle m’aiderait à y aller. Son offre : 500$! Cela paya mon billet d’avion et me permit d’utiliser mon argent pour d’autres dépenses. Les évènements m’apprirent par la suite que j’avais vraiment besoin de cet argent. De nouveau, de nouveaux obstacles…

Ecrivez-nous ce que vous pensez!

Merci pour votre réponse!

Le commentaire sera publié après approbation

Ajouter un commentaire

Featured Products