Les ouchpizin

Chez les séfarades, on a la coutume de préparer dans la souka une chaise ornée qui est recouverte d'un tissu fin et sur laquelle sont placés des livres saints...

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la rédaction de Breslev Israël

Posté sur 08.11.21

Quand le peuple d'Israël a quitté sa maison et est entré dans la souka – au nom de Hachem – il a mérité d'accueillir la Présence divine. Les sept bergers sont alors descendus du Gan Éden et sont entrés dans la souka comme leurs invités (Zohar).
 
 
Rabbi Lévi Yits'haq de Berditchev avait la plus grande souka de la ville. Elle se devait d'être grande. Après tout, il devait y avoir de la place pour sa famille, pour tous ses étudiants et beaucoup d'autres invités. Chaque année, pour la première nuit de Soukoth, Rabbi Lévi Yits'haq invitait tous les étrangers de la synagogue à venir dans sa souka pour le souper. La majorité des visiteurs étaient très excités à cette idée. De fait, c'était un honneur d'être invité dans la souka d'un rabbin de l'envergure de Rabbi Lévi Yits'haq de Berditchev.
 
Cependant une certaine année, il y avait un étranger dans la ville était particulièrement mal élevé et grossier. Pendant que tout le monde était assis et restait silencieux autour de la table – en attendant que le rabbi prononce le qidouch – l'étranger se servit du vin et commença à se servir des salades. Lorsqu'on lui suggéra d'attendre, il répondit : "Pour quelle raison est-ce si long ?" Très vite, tout le monde fut agacé – tout le monde – sauf le rabbin. Finalement, la femme du rabbin se décida à demander à son mari comment il pouvait tolérer un invité si difficile.  
Rabbi Lévi Yits'haq sourit et dit : "Dans quelques minutes nous allons accueillir le premier des ouchpizin (invités) Avraham Avinou (Avraham notre père) dans notre souka. Je me demande comment un invité d'une telle grandeur peut honorer des gens comme nous. Mais Avraham revient encore, chaque année. Si Avraham peut avoir de la patience avec des gens comme nous, je suis certain qu'on peut amener cet invité particulier à se sentir le bienvenu." 
 
Qui sont les ouchpizin ?
 
Il est dit dans le Zohar : "Quand le peuple d'Israël a quitté sa maison et est entré dans la souka – au nom de Hachem – il a mérité d'accueillir la Présence divine. Les sept bergers sont alors descendus du Gan Éden et sont entrés dans la souka comme leurs invités."
 
Qui sont ces sept invités d'honneur [ouchpizin] ? Ceux-ci sont Avraham, Yits'haq  (Isaac), Ya'aqov (Jacob), Yossef (Joseph), Moché (Moïse), Aharon (Aaron) et David (le Roi David). (Certains textes placent Moché et Aharon avant Yossef.) Ces sept invités résident avec les juifs – dans leur souka – pendant les sept jours de la fête et chaque jour, un d'entre eux introduit les six autres dans la souka.
      
* Le premier jour : Avraham Avinou en premier, accompagné de Yits'haq, Ya'aqov, Moché, Aharon, Yossef et David.
     
* Le deuxième jour : Yits'haq Avinou  en premier, accompagné d'Avraham, Ya'aqov, Moché, Aharon, Yossef et David.
      
* Le troisième jour : Ya'aqov Avinou en premier, accompagné d'Avraham, Yits'haq, Moché, Aharon, Yossef et David.
      
* Le quatrième jour : Moché Avinou en premier, accompagné d'Avraham, Yits'haq, Ya'aqov, Aharon, Yossef et David.
    
* Le cinquième jour : Aharon le prêtre en premier, accompagné d'Avraham, Yits'haq, Ya'aqov, Moché, Yossef et David.
     
* Le sixième jour: Yossef le juste en premier, accompagné d'Avraham, Yits'haq, Ya'aqov, Moché, Aharon et David.
    
* Le septième jour, à Hochana Rabba : le roi David en premier, accompagné d'Avraham, Yits'haq, Ya'aqov, Moché, Aharon et Yossef.
 
Lorsqu'on est sur le point d'entrer dans la souka, on a la coutume d'inviter les ouchpizin à entrer avec nous en récitant la formule araméenne traditionnelle contenue dans les livres de prière.
 
Chez les séfarades, on a la coutume de préparer dans la souka une chaise ornée qui est recouverte d'un tissu fin et sur laquelle sont placés des livres saints. L'hôte déclare alors : "Ceci est la chaise des ouchpizin." Une bougie est également allumée en l'honneur des ouchpizin.
  
Rabbi Pin'has de Koretz était un géant spirituel dans sa génération. Au début, sa grandeur n'était presque pas connue de ses contemporains. Cela ne lui donnait aucun regret; en réalité, cela lui convenait parfaitement. Il passait ses jours et ses nuits dans l'étude de la Tora, la prière et la méditation. Étant peu connu, il était rarement interrompu dans ses études.
    
Cependant, au fil des années, la nouvelle commença à se propager – sans doute de la part des disciples du Ba'al Chem Tov – que Rabbi Pin'has était un homme réellement spécial.
 
De plus en plus de personnes commencèrent à lui rendre visite régulièrement, cherchant ses conseils, sollicitant son soutien, demandant ses prières et implorant sa bénédiction. Plus il les aidait, plus ils venaient. L'affluence à sa porte devînt un ruisseau et le ruisseau devînt un flot journalier d'histoires personnelles et de demandes d'aide.
   
Rabbi Pin'has était perplexe. Il avait le sentiment qu'il ne servait pas D-ieu correctement, parce qu'il n'avait plus le temps suffisant pour étudier, prier et méditer comme il le faisait auparavant. Il ne savait plus que faire. Il avait besoin de plus d'intimité et de moins de distraction, mais comment pouvait-il refouler des douzaines et même des centaines de personnes qui pensaient sincèrement qu'il pouvait les aider ? Comment pouvait-il les convaincre d'aller chercher ailleurs, vers d'autres qui étaient plus disponibles et qualifiés que lui ? 
    
C'est alors qu'il eut une idée : il prierait pour avoir une aide céleste pour cette affaire. Laissons D-ieu faire en sorte que les gens ne soient plus à sa quête ! Fasse que D-ieu le rende méprisable aux yeux de toutes ces personnes ! 
    
Il est dit que : "Le tsadiq décrète et le ciel  consent". Rabbi Pin'has pria jusqu'à ce que cela arrive et peu de temps après, plus une seule personne ne lui rendît visite. De plus, toutes les fois où il se rendait en ville, les gens se détournaient de lui et lui jetaient un regard froid.
   
Cela ne dérangeait absolument pas Rabbi Pin'has. En fait, il était ravi ; il avait maintenant tout le temps qu'il désirait pour étudier, prier et méditer. L'ancienne routine était rétablie et il était rarement interrompu. Plus personne ne venait chercher ses conseils, solliciter son soutien, demander ses prières ou implorer sa bénédiction.
   
Ainsi, les jours du jugement – Roch Hachana et Yom Kipour – passèrent et il ne restait plus seulement que quatre jours très chargés à préparer la fête de Soukoth. Chaque année, il y avait une multitude d'étudiants de la yéchiva – ou des gens de la ville – qui se proposaient d'aider le pieux rabbi à construire sa souka. Cependant cette année-là, pas une seule âme n'arriva. Personne ne semblait aimait le rabbi et par conséquent, personne n'avait pensé à l'aider.    
    
N'étant pas très adroit de ses mains, le rabbi ne savait que faire. Finalement, n'ayant pas le choix, il fût contraint d'engager un non juif pour construire sa souka à sa place. Cependant, le non juif ne possédait pas les outils nécessaires pour construire la souka et Rabbi Pin'has ne trouva pas un seul juif dans son voisinage qui désirait lui prêter des outils. En fin de compte, sa femme dut aller emprunter elle-même les outils et même cela fut une tâche difficile à accomplir à cause du sentiment que tout le monde éprouvait envers son mari. C'est seulement quelques heures avant le début de la fête que la souka fut construite. Celle-ci était plus petite et semblait plus fragile que les années précédentes.
  
Quand le soleil commença à se faufiler derrière les branches des arbres de la forêt et que la rabbanite alluma les bougies pour la fête, Rabbi Pin'has se dépêcha d'aller à la synagogue. Il était très important pour le tsadiq d'assister à la prière de la congrégation pendant les jours de fêtes ; en plus il ne voulait pas rater l'occasion d'avoir un invité pour le repas festif, chose qui fait partie intégrante de l'essence de la fête.   
     
À cette époque en Europe, les gens qui désiraient une invitation pour un repas attendaient au fond de la synagogue après la fin de la prière. Les chefs de famille proposaient leur invitation lorsqu'ils étaient sur le point de sortir, heureux d'accomplir aussi facilement la mitswa de l'hospitalité. Rabbi Pin'has, malheureusement, ne trouva pas cela aussi simple. Même ces gens qui n'avaient pas d'endroit où manger et qui étaient désespérés d'avoir une invitation dans une souka refusèrent son invitation. Finalement, tous ceux qui voulaient être invités et tous ceux qui recherchaient un invité furent satisfaits, sauf le tsadiq, Rabbi Pin'has.       
    
Le Rabbi se rendit jusqu'à chez lui tout seul, triste et bouleversé en réalisant qu'il n'allait peut-être pas avoir d'invité, même pas pour le repas spécial de la première nuit de Soukoth. Cela faisait partie du prix à payer pour garder sa liberté.
     
S'arrêtant un instant – juste à l'entrée de sa souka – il commença à chanter l'invitation traditionnelle des ouchpizin, les "sept invités célestes" qui rendent visitent aux juifs dans chaque souka. Bien que le nombre de personnes qui ont le privilège de voir réellement ces visiteurs glorieux est extrêmement restreint, Rabbi Pin'has était définitivement un de ces rares privilégiés. Cette année-là, il leva les yeux et vit le patriarche Avraham – le premier des ouchpizin et donc, l'invité d'honneur pour la première nuit – debout, à l'extérieur de la souka, gardant ses distances.        
 
Rabbi Pin'has pleura avec angoisse :"Notre Père Avraham ! Pourquoi n'entres-tu donc pas dans ma souka ? Quel péché ai-je commis ?”  
       
Le patriarche répondit : "Je suis la personnification du 'hessed (de l'amour) ; j'ai toujours servi D-ieu à travers des actes de bonté et d'amour. L'hospitalité est ma spécialité. Je ne me joindrai pas une table de fête où il n'y a pas d'invité." 
     
Découragé, Rabbi Pin'has réorganisa rapidement ses priorités : il pria pour que tout redevienne comme avant et qu'il retrouve grâce aux yeux de ses fidèles. De nouveau sa prière fut acceptée. Très rapidement, une foule de gens revint franchir le seuil de sa porte, cherchant ses conseils, sollicitant son soutien, demandant ses prières et implorant sa bénédiction. Plus jamais, il ne pouvait dévouer tout, où la majorité de son temps, à l'étude de la Tora, à la prière et à la méditation. Cependant, grâce à son invité glorieux de Soukoth, Rabbi Pin'has ne considérait plus ceci comme un problème.