Sim’hath Tora : le baromètre de joie

Dans le judaïsme, il existe deux moments connus de tous pour danser: les mariages et le jour de Sim'hath Tora. Ces deux évènements se ressemblent d'une façon remarquable...

5 Temps de lecture

le rabbin Lazer Brody

Posté sur 08.11.21

Rabbi Na'hman attribuait une valeur très importante à être joyeux le jour de Sim'hath Tora ; Rabbi Na'hman accordait une importance toute aussi grande à ce que ses 'hassidim soient joyeux lors de Sim'hath Tora.
 
 Le jour de Sim'hath Tora, nous passons plusieurs heures à danser avec les rouleaux de la Tora, une première fois le soir et une seconde fois le lendemain matin. Nous nous réjouissons d'avoir complété la lecture de toute la Tora. C'est également lors de Sim'hath Tora que nous commençons – une nouvelle fois – la lecture de la Tora, depuis son début. À coup sûr, Sim'hath Tora est une fête remplie de joie ; cependant, pour quelle raison dansons-nous jusqu'à ce que nos vêtements soient – littéralement – trempés de sueur et que nous puissions à peine tenir debout ?
 
Rabbi Nathan a écrit (Si'hoth HaRan, 299) : “J'avais l'habitude de voir le Rabbi  [Rabbi Na'hman de Breslov] chaque année, après Sim'hath Tora. Le Rabbi me demandait toujours si je m'étais réellement réjouit pendant le jour de fête. Plusieurs fois il me parla de la façon dont toute la communauté célébrait cette fête dans sa maison et le plaisir qu'il éprouvait en constatant leur joie. Une fois, le Rabbi me parla de Sim'hath Tora alors que nous étions au milieu de l'année. Il me demanda: “Ressens-tu de la joie à ce moment précis dans ton coeur ? Ressens-tu le bonheur, au moins une fois dans l'année ?”…
 
Le Rabbi désirait vraiment que nous soyons tous joyeux pendant toute l'année et plus particulièrement pendant Sim'hath Tora… Le Rabbi me dit qu'une certaine année – à Sim'hath Tora – il avait éprouvait un tel sentiment de joie qu'il avait dansé tout seul dans sa chambre.”
 
Nous pouvons apprendre plusieurs choses très importantes de cela. Tout d'abord: que Rabbi Na'hman attribuait une valeur très importante à être joyeux le jour de Sim'hath Tora ; ensuite, que Rabbi Na'hman accordait une importance toute aussi grande à ce que ses 'hassidim soient joyeux lors de Sim'hath Tora et qu'il tirait un grand plaisir lorsqu'ils l'étaient; nous apprenons également que Sim'hath Tora est le jour de la “moisson” du bonheur – “la joie dans le coeur” – pour l'année entière; enfin, nous apprenons que Rabbi Na'hman lui-même exprimait sa joie en dansant.  
 
Dans le judaïsme, il existe deux moments connus de tous pour danser: les mariages et le jour de Sim'hath Tora. Ces deux évènements se ressemblent d'une façon remarquable: un mariage est la célébration d'un lien nouvellement créé entre les nouveaux mariés ; d'autre part, Sim'hath Tora est la célébration d'un lien renouvelé entre la Tora – la jeune mariée spirituelle qui est promise au peuple d'Israël – et le jeune marié. Plus la joie que ressentent les jeunes mariés entre eux est importante, plus leur danse sera intense et enthousiaste.
 
Rabbi Na'hman possédait des objectifs très élevés à l'endroit de Rav Nathan, son disciple principal. De fait, Rabbi Na'hman désirait que Rav Nathan atteigne le niveau parfait et sans tâche dans son amour pour la Tora. Par conséquent, il s'informait – chaque année – du véritable sentiment de joie qu'avait éprouvé Rav Nathan lors de Sim'hath Tora car d'une façon évidente, la joie que nous éprouvons ce jour-là est le véritable baromètre d'amour que nous avons pour la Tora. Cela peut être expliqué par une parabole.
 
Goldstein et Klein étaient deux marchands opulents dans le domaine des pierres précieuses et de la bijouterie de luxe. Chaque année, ils quittaient leur ville respective – Varsovie et Munich – pour aller assister à la grande exposition de Leipzig. Étant des amis de longue date, ils avaient l'habitude de loger, manger, prier et conduire leur commerce ensemble. Il leur arrivait même de mettre en commun leurs ressources mutuelles pour le bénéfice de chacun.
 
La semaine de l'exposition tirait à sa fin. Goldstein et Klein avaient conduit leurs affaires avec beaucoup de succès et chacun s'apprêtait à retourner dans sa ville avec un stock important de marchandise qui semblait promettre un profit substantiel. Avant de prendre leur train de retour, il leur restait une seule chose à faire – une tâche particulièrement importante – acheter un cadeau pour leur femme.
 
Un mari qui retournait les mains vides de la ville de Leipzig commettait un péché certainement plus grave que de manger le jour de Yom Kipour ! Chacun devait trouver quelque chose pour la femme de sa vie. Cependant, que peut-on acheter à la femme d'un riche marchand de pierres précieuses qui possédait déjà tous les agréments que l'argent peut offrir ? Trouver un tel cadeau s'avéra – pour Goldstein et pour Klein – un défi plus difficile à relever qu'une semaine entière de négociations et de marchandage.
 
Les deux commerçants devaient se rendre à la gare dans moins de deux heures et ils étaient encore… les mains vides. Il semblait qu'ils ne pouvaient pas mettre leurs yeux sur un cadeau que leurs femmes apprécieraient. Les deux amis savaient que cette fois-ci, une autre montre en or ou un autre diamant ne suffiraient pas. 
 
À cet instant, un vieux juif polonais – avec deux longues payoth (les boucles de cheveux typiques des 'hassidiques) et un dachiq (une casquette noire portée habituellement par les 'hassidiques polonais et ukrainiens) sur sa tête s'approcha des deux amis : “Messieurs, seriez-vous intéressés par des rares objets d'art religieux ?”
 
Goldstein et Klein se regardèrent et se sourirent. Quelle idée originale! Les objets d'art religieux représentent toujours un bon placement: ils ne perdent jamais de valeur. Le vieux juif polonais possédait – entre autres choses – deux copies illustrées à la main du fameux “Tsena ouréna”, un commentaire de la Tora en yiddish destiné aux femmes. Ces deux copies étaient imprimées sur un parchemin rare du début du 18ième siècle.
 
Plus de cent cinquante années après leur impression, les livres étaient encore dans une condition parfaite et à quatre vingt pièces d'or chaque copie, cela était une véritable affaire. Goldstein et Klein sautèrent sur l'occasion, payèrent royalement la somme demandée et se dépêchèrent de se rendre à la gare.
 
Goldstein arriva à sa maison – à Varsovie – peu avant la tombée de la nuit. Avant de défaire ses valises, il présenta le livre soigneusement emballé à sa femme. Les yeux grands ouverts, celle-ci défit le papier cadeau et en apercevant le titre de l'ouvrage, des larmes envahirent ses yeux. Un sourire resplendissant éclaira son visage tandis qu'elle agrippa le vieux livre pour le presser contre son coeur.
 
Chim'on,” commença-t-elle, “ceci est le plus fabuleux cadeau que je n'ai jamais reçu ! Je chérirai ce livre pour le restant de ma vie et j'en lirai toujours un passage le Chabath. Ce livre sera l'héritage le plus important que nous laisserons à notre plus grande fille et j'espère qu'elle le transmettra – à son tour – à sa plus grande fille et que cela pourra durer jusqu'à la fin des temps ! Seulement un mari croyant en D-ieu et magnanime comme toi pouvait trouver un tel cadeau. Ce “Tsena ouréna” est si beau… je ne sais pas comment te remercier…”
 
D'autre part, Klein reçut un accueil moins enthousiaste de la part de sa femme. À la vue du vieux livre, celle-ci s'écria : “Encore un nid à poussière ?” Elle se saisit du livre pour le déposer brutalement dans un coin de la pièce, comme s'il avait était le journal de la semaine dernière…
 
Mme. Goldstein était enchantée de son cadeau car elle montrait beaucoup de respect envers la Tora. Elle considérait les pages âgées du livre comme bien plus qu'un simple parchemin de valeur, mais comme un héritage qui serait transmis dans sa famille de génération en génération. Sa réaction représente le plus beau témoignage de son amour pour Hachem et pour Sa Tora. Cependant, les intérêts de Mme Klein étaient plus du domaine terrestre et matériel, pour dire le moins.
 
Il en va de même avec Sim'hath Tora : plus la joie que nous ressentons ce jour-là est importante et plus notre désir de frapper des mains et de danser est fort, plus nous montrons notre véritable amour pour la Tora. Dans la mesure où l'âme de chaque juif est liée à la Tora, notre joie en celle-ci pénètre dans notre âme. 
 
Sim'hath Tora est le baromètre de la joie du juif dans la vie. Plus nous aimons Hachem et Sa Tora, plus nous sommes heureux de danser avec enthousiasme. Puissions-nous tous réussir à atteindre le véritable amour de la Tora. Amen.