Dévoiler l’existence de D-ieu

Comment l’homme parvient-il à ressentir l’existence de D. en toute circonstance, au point de toujours justifier les événements qui lui arrivent?

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le Rav David Hanania Pinto

Posté sur 05.04.21

 «Et Yossef dit à ses frères: Je suis Yossef…» (Béréchith 45:3).

Le ‘Hafets ‘Hayim écrit à ce sujet dans son commentaire de la Torah: «Lorsqu’ils allèrent en Egypte pour la première fois pour acheter du blé, Yossef se conduisit comme un étranger vis-à-vis d’eux et leur parla durement, comme il est écrit (ibid. 42:7): «Il se dissimula vis-à-vis d’eux et leur parla rudement» , et il les accusa «d’être des espions» (ibid. v. 16). Les frères se posaient beaucoup de questions, ils cherchaient à comprendre la raison d’un tel comportement, comme il est écrit (ibid v. 28): «Qu’est-ce donc que le Seigneur nous fait là?» Ils cherchaient une explication et ils s’accusaient mutuellement, disant (ibid. v. 21): «Nous sommes coupables à cause de notre frère» .

De même, lorsqu’ils descendirent en Egypte pour la deuxième fois, ils se demandèrent: «Qu’est-ce donc que le Seigneur nous fait là?» Lorsqu’ils entendirent de la bouche de leur frère les mots: «Je suis Yossef» , toutes leurs questions, tous leurs doutes et tous les événements qu’ils ne pouvaient pas s’expliquer s’éclaircirent, et ils comprirent ce qui s’était passé» .

Et il poursuit: «De même, lorsque les nations du monde entendront les mots: «Je suis l’Eternel» , ils comprendront tout ce qu’elles n’avaient pas compris jusque-là concernant la direction du monde, car la Providence divine est une chose étonnante. Alors tout leur deviendra clair, transparent et limpide et «tous les hommes ensemble en seront témoins: c’est la bouche de l’Eternel qui a parlé» (Ichaya 40:5), et tous verront que tout ce que D. a voulu est pour notre bien» .

Ressentir le sens de «Je suis l’Eternel» , connaître l’existence de D., est le but essentiel de l’homme en ce monde. Il faut sentir et même vivre ces paroles et alors, dans n’importe quelle situation, en période de crise ou dans le bonheur, on sentira l’existence de D. C’est ce que disent les Sages (Brach’ot 54a; Yérouchalmi Brach’ot 9:5): «L’homme doit bénir D. tant pour les malheurs que pour les joies» c’est-à-dire qu’il faut sentir effectivement, même dans le malheur (à D. ne plaise), la Providence divine et Le bénir pour tout.

Et les Sages ajoutent (Brach’ot 60b; Zohar I, 181a): «Tout ce que D. fait est pour le bien» , comme il est écrit (Ekhah 3:38): «De la bouche de l’Eternel n’émane pas le mal, mais le bien» . Il advient dans le monde des circonstances que l’homme a du mal à accepter, des choses qui lui semblent mauvaises. Comment peut-on dire que de tels incidents soient pour le bien? Pourtant, lorsque l’homme ressent, même dans une situation difficile, l’existence de D. – «Je suis l’Eternel» – il prend conscience qu’en fin de compte tout est pour le bien, et le doute disparaît de son coeur.

Comment l’homme parvient-il à ressentir l’existence de D. en toute circonstance, au point de toujours justifier les événements qui lui arrivent? , comme il est écrit (Téhilim 19:10): «Les jugements de l’Eternel sont vérité, ils sont tous ensemble parfaits» ? Si l’homme se rappelle les paroles de David HaMelekh (ibid. 16:8): «Je fixe constamment mes regards sur l’Eternel!» la fin du verset se réalisera aussi: «S’Il est à ma droite, je ne chancellerai pas!»

«Lorsque la coupe fut découverte dans la sacoche de Benyamin, tous les frères commencèrent à le frapper au dos, lui disant: Ta mère aussi a volé les idoles de son père Laban, comme il est écrit (Béréchith 31:19): «Ra’hel déroba les pénates de son père» . Tu fais comme elle, tu as volé la coupe de divination… Mais Benyamin ne réagit pas et ne dit rien» (Béréchith Rabah 92:8; Yefat Toar fin de Mikets). Un autre Midrach dit au contraire que Benyamin leur fit remarquer que c’était la vente de Yossef qui était cause de leur malheur tandis que, selon le Midrach Tan’houma, Benyamin n’a pas répondu à leurs accusations. «D. dit à Benyamin: parce que tu n’as rien répondu, Je jure que le Temple sera construit sur ton territoire» (Tan’houma Mikets 10), comme il est écrit (Devarim 33:12): «…qui lui prête son abri pour toujours, qui réside entre ses épaules» (une allusion aux collines de Jérusalem)» , et l’on sait que le Temple est appelé «la nuque» (Zohar I, 209b) et qu’il est construit en partie sur le territoire de Benyamin.

Nous découvrons là une idée merveilleuse et sublime. A cause de quelques coups reçus sur les épaules et auxquels il n’a pas réagi, Benyamin mérita la récompense incommensurable de voir le Temple construit sur son territoire et cela parce qu’en se taisant, il avait amoindri une haine sans fondement. S’il leur avait répondu et s’était opposé à eux en soutenant qu’il n’était pas un voleur, qui sait quelle en aurait été la conséquence? Peut-être ses frères lui en auraient-ils gardé rancune et qui aurait pu redresser les torts qui en auraient résulté? Mais Benyamin n’a pas réagi, il a gardé le silence et attendu qu’ils finissent de déverser leur colère sur lui et qu’ils se rendent compte par eux-mêmes de leur mauvaise conduite. Effectivement, Yéhouda finit par dire que la vie de Benyamin était attachée à celle de son père (Béréchith 44:30), et il se proposa comme esclave à sa place afin que Benyamin puisse rentrer avec ses frères (ibid. 33:34).
Il faut se demander pourquoi en fait, Benyamin ne répond pas? Comme le dit Rabbi Chimon ben Elazar (Avoth IV:23): «N’essaye pas de calmer ton prochain lorsqu’il est dans le feu de la colère» et les Sages ont dit (Brach’ot 7a): «On n’apaise pas son prochain lorsqu’il est en colère» car cela ne fait que l’exciter. Benyamin, bien qu’innocent, n’a pas répondu et c’est pourquoi il a mérité que le Temple soit construit sur son territoire.

La nuque indique une base. Les frères lui firent honte en le frappant justement sur le dos entre les épaules, mais il ne leur répondit rien, «il se laisse insulter et n’insulte pas, il entend leurs calomnies et il ne répond rien…» (Chabath 88b; Yoma 23a, Guitin 36b). C’est pourquoi il reçut une si grande récompense, «mesure pour mesure» (Chabath 105b; Nédarim 32a; Sanhédrin 90a). Il a évité une dispute qui en fin de compte n’aurait causé que destruction et catastrophe. Sa récompense est donc que le Temple sera construit sur son territoire, car la Maison de D. symbolise l’union, comme il est dit (Zohar I, 84b): «Le Temple est le coeur du monde» , et (Chemoth 25:8): «Je résiderai parmi eux» – dans le coeur de chacun d’eux. Le Temple, qui est le symbole de l’unité, est construit sur le territoire de Benyamin qui est appelé «le bien-aimé de D.» (Devarim 33:12) car c’est lui qui a consolidé l’amitié dans le monde en éteignant le feu de la discorde entre lui et ses frères.

Cela nous montre quelle est la récompense réservée à celui qui pratique les commandements, surtout les commandements inter-personnels qui apportent le bien-être, la bénédiction, la prospérité et l’honneur tant à celui qui les pratique qu’au monde entier et surtout à Israël. De quelqu’un qui ne pratique qu’un seul commandement mais à fond, les Sages disent (Kidouchin 40b; Kohéleth Rabah 10:1): «Heureux celui qui a fait pencher sa balance et la balance du monde entier favorablement» , et cela, si le nombre de ses fautes est égal au nombre de ses mérites (et alors, une seule bonne action fait pencher la balance). C’est pourquoi il faut multiplier la pratique des commandements et des bonnes actions car il est impossible de mesurer la conséquence de chaque commandement pour soi et pour le monde entier. C’est ce qui est dit (Avoth II:1): «Observe les préceptes les moins importants en apparence aussi soigneusement que les préceptes les plus sévères, car tu ignores quelle est la récompense attachée à l’accomplissement de chacun d’eux» .

Benyamin n’a rien répondu à ses frères bien qu’ils l’aient frappé sans raison et ce, parce qu’il gardait toujours à l’esprit la notion de «Je suis l’Eternel» . Il savait que s’il devait essuyer ces coups et ces blessures, c’est que telle était la volonté de D. Il n’en doutait pas, il savait parfaitement que D. n’envoie pas le mal à l’homme et que tout ce qui arrive est en fin de compte bénéfique; et donc il a donc gardé le silence et n’a pas réagi. Il savait que «D. châtie celui qu’Il aime» (Michley 3:12), et il savait aussi que «Comme un père qui châtie son fils, l’Eternel ton D. te châtie» (Devarim 8:5). La conséquence heureuse de cet événement malheureux fut que le Temple soit construit sur son territoire. Cela nous enseigne un principe fondamental: D. veut doter l’homme de mérite, un mérite dont le monde entier profitera, et la récompense de ses actes lui est réservée au centuple dans l’autre monde, comme il est dit (Makoth 23b; Avoth D’Rabbi Nathan 41:17): «D. a voulu donner du mérite à Israël, c’est pourquoi il a multiplié pour lui l’enseignement de la Torah et le nombre des
commandements» grâce auxquels la prospérité remplit le monde, et comme le disent les Sages (Chabath 32a; Bamidbar Rabah 13:17; Pessikta Zouta Emor 24:12): «Le mérite est transmis par l’intermédiaire d’une personne méritante» . D. place l’homme dans des situations difficiles afin qu’il les surmonte, et alors, grâce à son mérite, le bien-être est dispensé dans le monde. Pour pouvoir affronter une situation difficile sans désespérer, l’homme doit ressentir en permanence que «Je suis l’Eternel», il doit savoir que s’il reçoit des coups, c’est la volonté de D. Il ne faut pas avoir de doute là-dessus ni s’étonner ou mettre en question les voies de D.

Depuis longtemps déjà, je conseille aux gens qui souffrent ou qui se débattent avec des problèmes juridiques ou de santé, de ne pas s’empresser d’aller consulter un avocat ou un médecin, mais tout d’abord de reconnaître la Justice divine et de ressentir vraiment que «L’Eternel l’a voulu ainsi» (Téhilim 118:23), et que «Tout ce que D. fait dans Sa bonté est pour le bien» . Loin de nous la pensée que D. nous frappe sans raison, puisque les Sages nous ont enseigné (Brach’ot 5a) que «D. ne frappe de souffrances que celui qu’Il aime» . Si l’homme accepte ces souffrances, c’est un signe qu’il en reconnaît la justice, car elles lui sont infligées pour les fautes et les transgressions commises même à son insu soit qu’il ait ignoré que telle ou telle chose était interdite, soit qu’il ait commis une faute quelconque par inadvertance. Il est possible aussi que D. ait désiré lui donner du mérite, à lui et au monde entier, et que grâce à lui le bénéfice de ce mérite s’étendra à son entourage. Les Sages racontent à propos de Rabeinou HaKadoch (Baba Metsya 85a; Béréchith Rabah 96:9; Yérouchalmi Kilayim 9:3): «Tant qu’il souffrait de rages de dents, aucune femme en Israël n’a fait de fausse couche» , c’est-à-dire que ses douleurs protégeaient tout le monde contre les maladies et les souffrances. Chacun doit donc tout d’abord accepter son sort, et seulement après, aller avec une confiance totale en D., consulter un avocat ou un médecin. Ce n’est que grâce à son attachement à D., à ses prières et à l’acceptation du jugement divin qu’il éveillera la miséricorde divine en sa faveur et qu’il sera sauvé et guéri par l’intermédiaire du traitement prescrit par le médecin. Mais si l’homme n’accepte pas le jugement de D., sa maladie ou son problème risquent de durer, et il ira d’un médecin à l’autre sans trouver de soulagement.

Lorsque Benyamin et Yossef se rencontrèrent, il est écrit (Béréchith 45:14): «Il se jeta au cou(s) de Benyamin son frère, et pleura, et Benyamin aussi pleura dans ses bras» . Dans son commentaire de ce verset, Rachi rapporte les paroles des Sages dans la Torah (Méguilah 16b; Béréchith Rabah 93:12): «Est-ce que Benyamin avait deux cous (car le mot Tsavarav est le pluriel du mot Tsavar, le cou)? Ce pluriel indique que Yossef eut la vision prophétique que deux Temples allaient être construits l’un après l’autre sur le territoire de Benyamin et qu’ils seraient détruits, et Benyamin pleura parce qu’il vit que le sanctuaire de Chilo, établi dans le territoire de Yossef, serait détruit» .

Ce commentaire est très étonnant. Yossef et Benyamin se rencontrent enfin, après vingt-deux ans de séparation, et au lieu de se réjouir de ces retrouvailles, ils fondent en sanglots à cause de la destruction des deux Temples qui n’étaient pas encore construits! N’auraient-ils pas pu déplorer ce fait à un autre moment, et pleurer alors de joie et d’émotion en cette rencontre merveilleuse?
C’est que Yossef et Benyamin chérissaient la notion de «Je suis l’Eternel» , ils savaient que la Providence divine dirige les événements.

Maintenant, ils se rendaient compte en toute lucidité que leur séparation de vingt-deux ans était le fait de la volonté divine. Ils n’ont donc aucune raison de pleurer à cause de cette longue séparation. Au contraire, ils doivent en reconnaître la justification, puisque de grands bienfaits en ont résulté, comme Yossef le dit à ses frères : «Le Seigneur m’a envoyé au devant pour vous donner des ressources dans ce pays et pour vous sauver» (Béréchith 45:7). Mais ils étaient envahis d’émotion, ce qui est une chose naturelle après une si longue séparation, et incapables de retenir leurs larmes bien qu’ils aient accepté la justice des voies de D. et que la réalité de «Je suis l’Eternel» les ait habités. Tout compte fait, l’homme est homme, et ils ont tiré parti de ces quelques instants d’émotion pour pleurer, chacun de son côté, sur l’avenir de l’autre. La haine gratuite que les frères de Yossef ressentaient envers lui (Béréchith 37:4) fut la cause de leur longue séparation, et au préalable de sa vente. Bien que Yossef et Benyamin aient accepté leur malheur comme un bienfait venant de D. et dont ils reconnaissaient la justice, il n’en reste pas moins vrai que la haine peut causer la destruction, puisque «le Temple fut détruit à cause de la haine qui n’a pas de raison d’être» (Yoma 9b). La notion de «Je suis l’Eternel» qui les habitait poussait chacun d’eux à se soucier de l’autre (chacun pleure le Temple qui sera détruit car ils ont pu constater ce que la haine est capable de faire), et ils ont surmonté leurs sentiments personnels pourtant naturels.

Vous vous demandez donc pourquoi Yossef pleura sur les épaules de son père? Peut-être pleurait-il de joie parce que son père lui avait tant manqué? C’est qu’en cet instant, Yossef constata la puissance de son père qui était capable de taire ses sentiments personnels et qui prononçait le Kriat Chéma, et lui-même pleura le temps perdu, les longues années passées loin de son père Ya’akov.
Les saints Patriarches étaient aimés de D., comme il est dit à leur sujet (Téhilim 122:8): «Pour mes frères et mes amis» , parce qu’ils avaient la force d’âme d’ignorer leurs sentiments naturels et leurs désirs personnels, afin d’augmenter leur amour de D., même dans les situations les plus difficiles.

Il s’ensuit que nous pouvons aussi comprendre pourquoi il est dit, au moment de la sortie d’Egypte: «Je suis l’Eternel» , comme il est écrit (Bamidbar 15:41): «Je suis l’Eternel votre D. qui vous ai fait sortir du pays d’Egypte» . Chaque homme doit sentir que D. l’a fait sortir lui-même d’Egypte, comme le disent les Sages (Pessa’him 116b): «A chaque génération, chaque homme doit considérer qu’il est lui-même sorti d’Egypte» , mais s’il n’a pas la connaissance de «Je suis l’Eternel» , il ne peut pas considérer qu’il est lui-même sorti d’Egypte. Le sentiment de la sortie d’Egypte fait allusion à la libération de l’homme de l’emprise de son mauvais penchant. Seul celui qui entend à chaque instant et en toute occasion la voix qui proclame «Je suis l’Eternel» , peut le ressentir, comme ce fut le cas lors de la sortie d’Egypte. Cette expression est répétée à la fin du verset pour indiquer aussi bien la sortie d’Egypte que la libération de notre sujétion au mauvais penchant, puisque la condition préalable à l’acceptation du joug du royaume de D. est de vivre avec la conscience de «Je suis l’Eternel» . Ya’akov, qui avait cette connaissance, prononçait le Kriat Chéma, qui est la proclamation de l’acceptation du joug divin.

On raconte à propos du Gaon de Vilna que, lorsque sa soeur vint lui rendre visite après quelques dizaines d’années d’absence, il ouvrit la porte, s’enquit de sa santé, et referma immédiatement la porte pour retourner à son étude. Elle lui demanda de lui ouvrir la porte pour le voir et lui parler, mais il n’en fit rien. Il refusa, lui disant qu’il était dommage de perdre un temps précieux pour des conversations mondaines, et que dans l’autre monde, ils pourraient discuter tout à loisir…

Le Gaon de Vilna a agi à la manière des Patriarches dont «les gestes sont un modèle pour leurs enfants» (Sotah 34a). Il consacra à D. et à la Torah justement cet instant de rencontre avec sa soeur, si plein d’émotion. Nous pouvons ajouter: «Hélas pour ce que nous avons perdu, et qui ne se retrouvera plus» (Sanhédrin 111a; Chemoth Rabah 6:4), hélas pour les instants précieux que l’homme perd dans sa vie et qui sont perdus pour toujours. Non seulement le Gaon de Vilna, mais tous les hommes pieux qui ont en permanence la notion de «Je suis l’Eternel» , ne sont jamais détachés de D., même pas lorsqu’ils mangent ou lorsqu’ils dorment. C’est ce qui leur permet d’avoir une influence favorable sur leur entourage et d’être une bénédiction pour le monde entier et une source de réussite et de bienfaits pour tous.

Savoir ce que signifie «Je suis l’Eternel» unifie

Lorsque nous considérons les récits de la rencontre entre Yossef et son frère Benyamin et celle de Yossef avec son père (dont nous avons parlé plus haut), nous voyons que c’est la connaissance qu’ils avaient au fond d’eux-mêmes de «Je suis l’Eternel» qui eut une influence bénéfique sur leur entourage et sur toutes les générations futures auxquelles ils ont enseigné une conduite fraternelle et sympathisante envers les autres.

Considérons tout d’abord la rencontre de Yossef avec son jeune frère Benyamin. Nous avons déjà cité le Midrach selon lequel ils ont pleuré l’un sur l’épaule de l’autre. Ils pleuraient la destruction des deux Temples et celle du sanctuaire de Chilo. Nous avons déjà remarqué qu’à ce moment-là ils auraient dû se réjouir de leurs retrouvailles après vingt-deux ans de séparation, au lieu de pleurer. Mais «Lorsque Yossef vit son frère Benyamin, il le prit à part et lui révéla qu’il était Yossef son frère, mais il lui enjoignit aussi de ne pas révéler ce fait à ses frères» (Meam Loez Mikets, Sefer HaYachar). S’il en est ainsi, il faut se demander pourquoi ils ont pleuré la destruction des deux Temples seulement lors de leur deuxième rencontre? Il est possible que, la première fois, ils aient pleuré de joie et ce n’est qu’ensuite, lors de leur deuxième rencontre, qu’ils ont pleuré la destruction des Temples. Mais cette explication est insuffisante car rien n’indique que cette fois-là ils aient pleuré. Pour répondre, il faut comprendre le sens et les implications de «Je suis l’Eternel» , qu’ils ressentaient profondément.

La notion de «Je suis l’Eternel» a amené Yossef et Benyamin à enseigner un mode de vie et une leçon à leurs frères et à tous les Juifs, pour toutes les générations. Yossef et Benyamin prévoyaient que la haine gratuite serait la cause de la destruction des deux Temples et du sanctuaire de Chilo (Yoma 9b). Il est donc clair que ce n’est qu’en présence de leurs frères qu’ils en pleurèrent la destruction. Ils désiraient montrer à leurs frères que seuls l’amour et la fraternité permettent de remédier à la haine gratuite et aux disputes qui sont la cause de tant de destruction, et de l’exil. La rédemption ne peut venir que grâce à l’union (Tan’houma Nitsavim 1). En cet instant sublime où ils s’épanchèrent l’un sur l’épaule de l’autre, ils ne pensaient pas à eux-mêmes mais à leurs frères qui les regardaient et qui en tireraient la leçon, et comprendraient que la haine éloigne la Présence divine d’Israël, comme il est écrit (Chemoth 25:8): «Je résiderai parmi eux» , en chacun d’eux, «lorsqu’ils seront unis» (Sifri Brach’a 33:5). S’ils comprennent cette leçon, ils se corrigeront tout de suite et n’en viendront pas à causer la destruction. Mais les deux Temples furent détruits parce que la haine n’avait pas été entièrement éliminée du coeur.

Nous constatons déjà cette haine lors de la rencontre entre les frères et Yossef, à Che’hem. Il est écrit (Béréchith 37:4): «Ils ne pouvaient pas se résoudre à lui parler amicalement» , et les commentateurs remarquent que leur seule faute était de n’avoir pas parlé avec Yossef, ce qui les empêchait de se réconcilier avec lui. Cela met en relief la grandeur de Yossef et de Benyamin qui, malgré leur émotion, n’ont pas donné libre cours à leur propre joie mais se souciaient du sort d’autrui avec générosité et grandeur d’âme.

Le Baal Chem Tov et ses disciples enseignent qu’il faut se sacrifier en faveur de chaque Juif. Si l’on voit qu’il est dans le besoin, ou par malheur dans la peine, et qu’il souffre, il faut faire tous les efforts possibles, jusqu’au sacrifice, afin de le soulager. S’il en est ainsi pour les besoins matériels, à plus forte raison, lorsqu’il s’agit d’une peine de l’âme, il faut se dévouer pour sauver son prochain de la perdition. Si l’on constate qu’un autre Juif s’éloigne du bon chemin, il est certain qu’il faut tout faire pour le sauver.

Mais il est impossible d’aider l’autre si l’on ressent envers lui de la haine, au contraire il faut aimer son prochain comme soi-même. Les séquelles d’une haine qui n’a pas été complètement déracinée causeront beaucoup de tort. Moché, lorsqu’il était encore en Egypte, a dit (Chemoth 2:14): «La chose est donc connue», et Rachi explique au nom des Sages (Chemoth Rabah 1:35): «Je comprends maintenant une chose qui m’a toujours étonné: pourquoi, de toutes les nations du monde, seul Israël est soumis à l’esclavage? Je vois maintenant qu’ils le méritent» . Lorsque Moché vit que deux Juifs – Dathan et Aviram – l’avaient dénoncé à Pharaon pour avoir tué l’Égyptien, il comprit qu’il y avait parmi les Juifs des calomniateurs et cela lui expliquait pourquoi les Juifs étaient encore en exil. L’esclavage et les souffrances qu’ils subissaient en Egypte, au lieu de les amener à entretenir des relations fraternelles et amicales, étaient la cause de disputes, de médisances, de dénonciations aux inspecteurs de Pharaon. Si la médisance domine leurs relations, c’est le signe que la haine n’est pas encore complètement effacée et n’a pas été déracinée.

La descente de Yossef en Egypte, l’exil d’Israël, la destruction du sanctuaire de Chilo et celle des deux Temples, tout cela fut causé par la haine gratuite et la médisance.

C’est pourquoi, justement au moment où les frères sont sur le point de descendre en Egypte à cause de la médisance et de la haine qui ont causé leur exil, Yossef et Benyamin ont décidé que ce n’était pas le moment de faire des comptes et d’accuser l’autre d’avoir été la cause de l’exil, ce qui les aurait amenés à des disputes au lieu de les conduire à l’élimination de la haine et à l’amour. C’est pourquoi Yossef dit à ses frères, avant qu’ils ne retournent en Erets Israël vers Ya’akov: «Point de rixes durant le voyage!» (Béréchith 45:24), c’est-à-dire: Ne vous accusez pas les uns les autres, afin de ne pas en venir à perdre le contrôle de vous-mêmes et à vous disputer. De plus, les frères auraient pu faire valoir à Yossef qu’il était seul coupable de tout, puisque «Il rapportait sur leur compte des médisances à leur père» (Béréchith 37:2), «Il lui disait qu’ils consommaient les membres arrachés de bêtes vivantes, qu’ils avaient un comportement indécent, etc. (Béréchith Rabah 84:7; Zohar I 182)”. S’il n’avait pas colporté ces médisances, ses frères ne l’auraient pas haï et ne l’auraient pas vendu comme esclave. Yossef de son côté aurait pu leur rétorquer qu’il n’avait pas eu l’intention de raconter des médisances sur leur compte, mais qu’au contraire, il désirait leur bien et qu’il ne méritait pas d’avoir été vendu. Et pourtant! Yossef dans sa sagesse a dominé ses sentiments personnels, il a pleuré le premier, il s’est accusé d’avoir été responsable de cet exil, et il a lui-même mis en avant les arguments que ses frères auraient pu faire valoir. Il voulait se corriger lui-même avant d’exiger la même chose des autres (Baba Bathra 60b). Alors, ses frères comprirent qu’ils avaient leur part de responsabilité dans cet exil, et qu’ils étaient tous coupables de ce qui leur arrivait maintenant et de ce qui leur arriverait plus tard, à cause de la haine qui bouillonnait encore en eux.
Nous sommes maintenant en mesure d’expliquer la deuxième rencontre, celle de Yossef avec son père Ya’akov. Les Sages nous enseignent que Ya’akov, au lieu d’embrasser Yossef après vingt-deux ans de séparation, prononça le Kriat Chéma! D’après la loi, si c’était l’heure de dire le Kriat Chéma, il faut se demander pourquoi Yossef ne l’a-t-il pas prononcé. Sinon, il est certain que Ya’akov avait déjà dit Kriat Chéma en son temps. Pourquoi répéter cette profession de foi maintenant et pourquoi, lorsqu’il rencontre Yossef, n’embrasse-t-il pas son fils mais dit Kriat Chéma?
Nous avons déjà expliqué plus haut que justement en cet instant si chargé d’émotion, au lieu de fondre en larmes sur l’épaule de son fils, Ya’akov prononce le Kriat Chéma pour nous enseigner qu’à un moment d’émotion intense ou de danger extrême, il faut s’attacher à D. et s’en remettre à Lui, avec un amour qui surpasse tout autre. Ya’akov prononce le Kriat Chéma afin de ne pas être, ne serait-ce qu’un seul instant, détaché de l’amour de D., et c’est justement à ce moment-là qu’il a rassemblé toute sa force d’âme, précisément parce qu’il était rempli de la notion de «Je suis l’Eternel» .
Il est certain que Ya’akov voulait emplir ses enfants et toutes les générations futures de la notion de D. Un et Unique, qui veille sur les Enfants d’Israël lorsqu’ils Le glorifient tous ensemble et qu’ils sont unis, sans haine des uns envers les autres. Tel est le sens du Kriat Chéma et de la connaissance de «Je suis l’Eternel» . Il faut avoir la connaissance de l’Unité de D., comme il est dit (Zohar A’harey Moth 73a): «Le Saint, béni soit-Il, la Torah et Israël forment un tout» . «Je suis l’Eternel» – c’est-à-dire Un, unique et sans pareil.
Mais Yossef ne prononça pas le Kriat Chéma. Il savait qu’il avait une part de responsabilité dans l’éveil de la haine de ses frères envers lui, et il pleurait sur l’épaule de son père la peine qu’il lui avait causée durant les vingt-deux ans de leur séparation, pour avoir médit de ses frères. Il pleurait à la pensée qu’il n’avait pas évalué correctement la conduite de ses frères pour savoir si elle était conforme ou contraire à la loi. Le ‘Hafetz ‘Hayim dit à ce sujet (Chmirat HaLachon II, section Vayeshev) que Yossef se trompait en pensant que les frères consommaient la viande d’un membre arraché à un animal vivant, etc. Si ses soupçons étaient fondés, il aurait dû les empêcher de le faire sur le champ, car le commandement de faire des remontrances s’applique même à un élève envers son maître, et il n’avait pas besoin de rapporter le fait à leur père au préalable. Il en fut puni mesure pour mesure. Qui peut rester insensible devant deux hommes vertueux, Yossef et Ya’akov, qui se tiennent l’un en face de l’autre, l’un pleurant et l’autre disant le Kriat Chéma, et ne pas comprendre?
Combien d’enseignements avons-nous à tirer de ces récits! Le présent exil, long et amer, se prolonge uniquement parce que nous n’avons pas encore corrigé nos fautes. Que D. nous aide à nous repentir de tout coeur, comme Il le veut. Amen. Qu’il en soit ainsi!
Quelle est la voie à suivre?
Nous apprenons-là une règle de conduite valable pour tout homme accablé d’un problème quelconque, juridique ou médical: Il doit tout d’abord accepter sa situation du fait qu’il ressent la vérité de «Je suis l’Eternel» , que tout ce qui lui arrive vient de D. Il lui faut aussi savoir que D. veut le faire bénéficier de mérite, à lui et au monde à travers ses souffrances. Ce n’est qu’après avoir accepté ce fait qu’il pourra aller consulter les médecins ou les avocats, tout en priant D. et en sachant que tout ce qu’Il fait est juste.
 

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