Histoire vécue – Nitsavim

Après le cours, un juif vint trouver Rabbi Israël pour lui dire : “Rabbi, ce n’est pas exact de dire que tout le monde doit étudier la Tora ; moi je suis exempté de ce devoir...

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le Rav David Hanania Pinto

Posté sur 06.04.21

 

“Car cette mitswa que Je vous ordonne aujourd’hui n’est pas trop extraordinaire pour toi et elle n’est pas lointaine.” (Deutéronome 30:11).

 
Un jour, le gaon Rabbi IsraëlSalanter zatsal, l’initiateur du mouvement du moussar, parlait devant une communauté dans une synagogue du devoir d’étudier la Tora, et du fait que tous devaient étudier, les pauvres comme les riches, même ceux qui étaient frappés de maladie, et du fait qu’on ne juge l’homme que sur les paroles de Tora qu’il a prononcées.
 
Rabbi Israël évoqua dans ses propos ce que dit le Talmud Yérouchalmi au début du traité Péa, que toutes les mitswoth ne valent pas une seule parole de la Tora. Selon le gaon Rabbi Eliahou de Vilna zatsal, cela signifie un seul mot d’étude de la Tora.
 
Rabbi Israël expliqua que par conséquent, la question était considérablement plus grave, car il est tellement facile d’étudier un mot, et un autre mot, et l’exigence est d’autant plus grande quand la mitswa est plus facile à faire. Comme il est dit dans le traité Mena’hoth (29a) : “Cela ressemble à un roi qui a donné des ordres à deux serviteurs. À l’un il a ordonné de lui faire un sceau en argile et à l’autre un sceau en or, et les deux ont fauté et n’ont rien fait. Le châtiment duquel est-il le plus sévère ? De celui qui n’a pas fait le sceau en argile, parce que c’est le plus facile à faire.”
 
Après le cours, un juif vint trouver Rabbi Israël pour lui dire : “Rabbi, ce n’est pas exact de dire que tout le monde doit étudier la Tora ; moi je suis exempté de ce devoir, l’obligation d’étudier la Tora ne s’applique pas à moi.” Rabbi Israël lui demanda pourquoi il avait cette impression.
 
Le juif répondit : “D’abord, parce que mes parents ne m’ont rien appris. Je suis un juif simple et j’ai à peine appris ce qui est écrit dans les livres de prières. Ainsi, j’accomplis les mitswoth comme je peux, mais je ne sais pas étudier ; le Saint béni soit-Il ne va pas me chercher noise après cent vingt ans ! Ensuite, je suis occupé à gagner ma vie du matin au soir, et je rentre chez moi épuisé et sans aucune force. Comment peut-on exiger de moi que j’étudie la Tora ?”
 
Le Rav lui répondit doucement :
 
“Pensez-vous que l’étude de la Tora ne doive se faire que dans un livre ? Pas du tout. On est quitte du devoir d’étudier la Tora en étudiant oralement. Au contraire même, l’essentiel de l’étude de la Tora orale est de répéter, pas par écrit. Vous pouvez faire ces répétitions en allant au travail et quand vous rentrez, et même pendant le travail lui-même.”
 
L’homme fut surpris et ne comprit pas ce que voulait dire Rabbi Israël Salanter.
 
“Mais Rabbi, si je ne sais pas étudier dans un livre, à plus forte raison je ne peux rien citer oralement !”
 
Rabbi Israël se mit à l’interroger à propos de ce que faisait l'homme lorsqu'il se réveillait chaque matin :
 
“Je me lève le matin, dit l’homme, et je me lave les mains.”
 
“Pourquoi ?” demanda le Rav.
 
“Qu’est-ce que cela veut dire, pourquoi ? Un juif doit se laver les mains en se levant, c’est la loi !”
 
“Très bien. Et ensuite ?”
 
“Je mets les téfilines et je prie.”
 
“Pourquoi ?” demanda Rabbi Israël.
 
L’homme le regarda avec étonnement. “Est-ce que le Rav veut se moquer de moi ? C’est ce qu’un juif doit faire !”
 
“Mais pourquoi est-ce qu’un juif doit se comporter comme cela ?” demanda le Rav.
 
“Parce que c’est la halakha ; c’est ce qui est écrit dans la sainte Tora.”
 
“Oui. Et ensuite, que faites-vous ?”
 
“Ensuite je me lave les mains et je prends du pain pour le petit déjeuner.”
 
“Sans bénédiction ?” s’étonna Rabbi Is­raël.
 
“Bien sûr que si,” frémit l’homme. “Évidem­ment je prononce la bénédiction au début et à la fin : ''al netilath yadayim” et “birkath hamazone”. Le Rav voit que je suis un bon juif : j’accomplis les mitswoth et il n’y a rien à me reprocher. Sauf l’étude de la Tora, car je ne sais pas étudier.”
 
Rabbi Israël lui dit : “C’est bien ce que j’ai dit. Vous venez de prouver que vous aviez le devoir d’étudier la Tora, et que vous pouvez étudier, sinon dans le texte écrit, au moins la Tora orale.”
 
“Je ne comprends pas” marmonna l'homme.
 
“Je vais vous expliquer” dit Rabbi Israël.
 
Quand vous terminez de manger, vous dites les birkath hamazone (les bénédictions après le repas) et vous partez au travail. N’est-ce pas ?”
 
“Oui.”
 
“Sur le chemin du travail, répétez-vous en­core et encore, sans interruption, que quand un juif se lève le matin, il doit se laver les mains et dire la bénédiction ''al netilath yadayim', la bénédiction 'acher yatsar' (la bénédiction récités après être allé aux toilettes), et tout de suite après 'Éloqaï nechama' ; ensuite il doit dire les birkoth hacha'har (les bénédictions du matin) et les birkoth haTora (les bénédictions de la Tora). Ensuite, le juif s’enveloppe dans son châle de prière et met les téfilines ; alors, il prononce la prière du matin, ce qui inclut la prière du Chema' et celle du Chemoné 'Esré”.
 
L’homme s’étonna. “C’est vrai, Rabbi, c’est le déroulement de ma journée. Mais qu’est-ce que cela a à faire avec l’étude de la Tora ?”
 
“Comprenez-vous,” lui répondit doucement le Rav, “qu’est-ce que c’est donc que la Tora ? Le mot veut dire enseigner et diriger, ainsi qu’il est écrit dans le prophète : “Je suis Hachem Qui te dirige dans la voie que tu dois suivre” (Yéchaya 48, 17). La sainte Tora a écrit pour nous des lignes de conduite, la Michna les a explicitées, la Guémara les a détaillées encore plus, les Richonim et les A’haronim ont développé ces enseignements, le Choul’han 'Aroukh les a rassemblés, et le ‘Hayé Adam les a résumés. Par conséquent, êtes-vous d’accord avec moi que celui qui étudie un paragraphe du Choul’han 'Aroukh accomplit ainsi la mitswa d’étudier la Tora, et doit dire la bénédiction sur l’étude de la Tora ?”
 
“Naturellement !” répondit l'homme.
 
“Et celui qui étudie un paragraphe du ‘Hayé Adam ?”
 
“Aussi.”
 
“Et à votre avis, qu’est-ce qui est écrit dans le ‘Hayé Adam ? Que celui qui se lève le matin doit se laver les mains, dire les bénédictions du matin et prier. Et celui qui va faire un repas se lave les mains et dit la bénédiction ''al netilath yadayim' et dit sur le pain la béné­diction 'hamotsi le’hem min haaretz', et après avoir mangé à satiété, il se lave les mains pour 'maïm a’haronim' et dit les bénédictions après le repas. Et ainsi de suite… Dites-moi donc, pourquoi pensez-vous que le style du ‘Hayé Adam soit de la Tora alors que votre style n’est pas de la Tora ?””
 
Le Rav Israël continua : “Ce n’est pas la manière qui est l’essentiel, mais le contenu ; tout ce qui représente les paroles et les jugements d'Hachem, c’est de la Tora ! C’est pourquoi vous avez les lois que vous connaissez. En réfléchissant, vous verrez qu’il y en a beaucoup. Les lois de la vie quotidienne, celles du Chabath et des fêtes, la cacherout et les lois qui concernent la maison. Vous pouvez les répéter quand vous êtes à la maison ou en chemin, quand vous vous couchez et quand vous vous levez. Pour chaque parole que vous répétez, vous accomplissez la plus merveilleuse mitswa de la Tora, auprès de laquelle les autres paraissent de peu d’importance : l'étude de la Tora !”
 
À la source
 
“Les choses cachées sont pour Hachem notre D. et les choses révélées pour nous et nos enfants à jamais.” (Deutéronome 28:29).
 
Il se peut que ce verset insinue, écrit Rabbi Ya’aqov Abou’hatsreira zatsal, dans son livre “Pitou’heiHotam”, que l’homme doit, quand il fait une mitswa ou qu’il étudie la Tora, avoir la même chose dans la bouche et dans le cœur. Mais si ses actions sont extérieures, tout son effort est en vain. C’est à ce propos que nous disons dans les bénédictions du matin : “L’homme doit toujours craindre le Ciel en secret comme en public”, et il doit faire extrêmement attention à cela.
 
C’est ce que dit le verset : “Les choses cachées sont pour Hachem notre D.”, c’est-à-dire les pensées que seul D. connaît. Et les choses révélées, qui sont les actes manifestes, pour nous et nos enfants. L’homme doit unir les deux pour “accomplir les paroles de cette Tora.” Parce qu’on ne peut pas accomplir la Tora et les mitswoth si la bouche et le cœur ne sont pas d’accord.
 
“Quand viendront sur toi toutes ces choses, la bénédiction et la malédiction.” (Deutéronome 30:1).
 
Les commentateurs ont posé la question : la fin du verset est qu’à cause de la sévérité du châtiment, les enfants d'Israël seront obligés en fin de compte de se repentir. Pourquoi la bénédiction est-elle donc évoquée ici ?
 
Habituellement, écrit l’auteur du Akeida, la douleur de celui qui est pauvre de naissance n’est pas aussi grande que celle de celui qui était riche et qui n’a eu aucun souci pendant de nombreuses années, et qui tout à coup est devenu pauvre.
 
Voici donc ce que veut dire le verset : “Quand viendront sur toi toutes ces choses”, au début la bénédiction, et ensuite la malédiction, cela aura une telle influence sur les enfants d'Israël qu’ils en arriveront à : “tu ramèneras vers ton cœur qu'Hachem est D.”.
 
“Si tes exilés sont à l’extrémité du Ciel, Hachem ton D. les rassemblera de là-bas et les prendra de là-bas.” (Deutéronome 30:4).
 
Ce verset est très bien expliqué par Rabbi Eliahou Lopian zatsal, qui a dit :
 
“Si tes exilés sont”, c’est-à-dire si l’homme sombre entièrement dans les désirs de ce monde-ci, et devient comme un exilé de la Tora. Mais s’il attrape encore “l’extrémité du Ciel”, par un point quel qu’il soit, et même une petite étincelle spirituelle aux extrémités de la spiritualité, alors la Tora promet absolument que “Hachem ton D. les rassemblera de là-bas et les prendra de là-bas”, c'est-à-dire qu'Il les rapprochera de Son service.”
 
“Toi, tu te repentiras, tu écouteras la voix d'Hachem et tu feras toutes Ses mitswoth.” (Deutéronome 30:8).
 
On peut demander, écrit Rabbi Ya’aqov ‘Haïm Sofer zatsal dans “Yis­ma’h Israël”, pourquoi le verset dit “toi, tu écouteras.” Etant donné que ce verset s’adresse à toute la communauté d’Israël, il aurait fallu dire “tu écouteras la voix d'Hachem, tu te repentiras, et tu feras toutes Ses mitswoth” !
 
Selon Rabbi Ya’aqov ‘Haïm Sofer zatsal, il y a deux sortes de repentir : le repentir par amour et le repentir par crainte.
 
Le repentir par crainte vient par les autres, parce qu’ils informent le pécheur du châtiment de ses fautes. Il y a des fautes que l’on paie en ce monde-ci, d’autres qu’on paie dans le monde à venir, certaines en allant en enfer et d’autres en étant réincarner. Ces choses rentrent dans son cœur et il se repent et prend sur lui de ne plus fauter.
 
D'autre part, le repentir par amour vient de l’homme lui-même. Quand il regarde les merveilles d'Hachem, réfléchit à Sa conduite du monde… de cette façon il désire s’attacher au service d'Hachem et à Ses mitswoth.
 
C’est pourquoi le verset dit : “Et toi, tu te repentiras, tu écouteras,” c’est-à-dire que toi tu te repentiras, de toi-même, pour que ton repentir soit par amour. Alors tu mériteras d'écouter la voix d'Hachem, c'est-à-dire de faire et d’accomplir toutes les mitswoth d'Hachem.
 
“Elle n’est pas dans le ciel.” (Deutéronome 30:12).
 
Dans le livre “Toldot Adam”, il est raconté l’histoire suivante :
 
“Un jour, un grand désir s’éleva dans le cœur du Tsadiq Rabbi Zalman de Volojine zatsal d’étudier un certain livre. Cependant, il y avait entre lui et le livre une grande caisse qui ne pouvait être portée que par trois hommes.
 
Le Tsadiq alla chez lui et se mit à étudier le passage “elle n’est pas dans le ciel – et si elle était dans le ciel, tu devrais monter la chercher, si elle était au-delà de la mer, tu devrais aller la chercher, avec un grand amour et d’une voix très agréable, capable d’éveiller un grand amour entre lui et son Père du Ciel.”
 
Il poursuivit cette étude jusqu’à ce qu’il sente en lui un courage extraordinaire ; alors il courut avec cette force à grande vitesse, comme l’aigle, vers la caisse et la souleva seul, sans aucune aide, et il prit le livre. Ce fut un miracle pour tous ceux qui en furent témoins totalement, Amen.
 
 
Extrait de “La voie à suivre”, reproduit avec l'aimable autorisation des Institutions Hevrat Pinto.

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