La Tora le bouclier du Am Israël

Yaakov désirait leur révéler la fin des temps pour les encourager en leur faisant savoir que cette situation prendrait fin

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le Rav David Hanania Pinto

Posté sur 05.04.21

 «Ya’akov vécut dans le pays d’Egypte pendant dix-sept ans, la durée de la vie de Ya’akov fut de cent quarante-sept ans» (Béréchith 47:28).

Rachi rapporte dans son commentaire les paroles des Sages (Béréchith Rabah 96:1): «Pourquoi cette section est-elle «fermée» (c’est-à-dire que dans le texte de l’Écriture aucun espace ne la sépare de la précédente)? C’est que lorsque Ya’akov mourut, les yeux et le coeur d’Israël se fermèrent à cause des souffrances de l’esclavage qui commença alors. Il y a aussi une autre raison: il voulait leur révéler la fin des temps, mais cette prophétie lui échappa» .

La tradition reçue du prophète Ezra nous dit que cette section est «fermée» dans l’Écriture, et nous n’avons rien à ajouter à ce sujet, mais nous pouvons tout au moins chercher à en comprendre le sens.

1. Si c’est parce qu’il s’agit de la mort de Ya’akov, à la fin de la section précédente il est écrit (ibid. 47:27): «Israël s’établit dans le pays d’Egypte, dans la province de Gochen; ils en prirent possession, y crûrent et s’y multiplièrent grandement» , ce qui était sûrement une cause de joie. Pour quelle raison cette section est-elle «fermée» ? Les Sages disent (Ta’anith 5b; Tan’houma Vayé’hi 2): «Ya’akov Avinou n’est pas mort et de même qu’il est vivant, ses descendants le sont aussi…» et si son enseignement se perpétue de génération en génération, sa mort n’est pas triste.

2. Les Sages disent: «Lorsque Ya’akov mourut, les yeux et le coeur d’Israël se fermèrent à cause des souffrances de l’esclavage qui commençait alors» , ce qui contredit ce qui est dit par ailleurs à propos du verset (Chemoth 6:16) «La durée de la vie de Lévi fut de cent trente-sept ans» : «La durée de la vie de Lévi nous est rapportée pour nous faire savoir la durée de l’esclavage. Tant que l’un des pères des tribus était en vie, il n’y avait pas d’esclavage, comme il est dit (ibid. 1:6-8): «Yossef mourut ainsi que tous ses frères… et un roi nouveau régna sur l’Egypte…» et Lévi vécut plus longtemps que tous les autres» (Séder Olam Rabah 3; Rachi ad. loc.). C’est donc que l’esclavage a commencé à la mort de Lévi et non à la mort de Ya’akov, et donc la question se pose de nouveau pourquoi notre section est-elle «fermée» ?

3. La deuxième raison donnée par les Sages est que Ya’akov désirait révéler à ses enfants la fin des temps mais la prophétie lui échappa, ce qui est difficile à comprendre, car notre section ne traite de cette révélation que par la suite (Béréchith 49:1): «Rassemblez-vous, je veux vous révéler ce qui vous arrivera dans la suite des temps» , et les Sages remarquent (Pessa’him 56a; Rachi ad. loc.): «Il désirait leur révéler la fin des temps mais la prophétie lui échappa» . Pourquoi cette section de la Torah est-elle «fermée» dès le début et non à cet endroit?

4. Si Ya’akov désire révéler la fin des temps à ses fils, il faut chercher à comprendre pourquoi il en est empêché? Il faut aussi se demander pourquoi Ya’akov veut faire une telle révélation, car de toutes façons les souffrances d’Israël vont durer, et en quoi une telle connaissance peut-elle les consoler? Si les Enfants d’Israël se repentent des fautes qui causent leurs souffrances, la délivrance sera anticipée, comme il est écrit (Ichaya 60:22): «précipitamment, en son temps» , car la fin des temps n’est pas une date fixe. Quel avantage y a-t-il à révéler la fin des temps? Surtout, il faut comprendre pourquoi nous n’avons que des prophéties évasives concernant la fin des temps et aucune indication précise.

5. Concernant le verset «Ya’akov vécut dans le pays d’Egypte pendant dix-sept ans…» , les commentateurs (Or Ha’hayim, Kli Yakar) expliquent qu’il était alors en pleine possession de ses forces et qu’il vivait enfin une vie sereine, après cent trente ans de vie de souffrances. Dans le pays des pérégrinations de ses pères, il n’a pas eu la possibilité de vivre dans la tranquillité puisqu’il fut atteint par le malheur de Yossef (Béréchith Rabah 84:3), et c’est justement en Egypte, dans ce pays de perversion (Chemoth Rabah 1:22; Pessikta Rabah 1:20), qu’il eut la possibilité de vivre en repos pendant dix-sept années. Est-ce possible?

Il faut comprendre que les deux raisons données par les Sages sont liées l’une à l’autre et se complètent. Tant que les Juifs étaient peu nombreux en Egypte, qu’ils se sentaient en sécurité, ils se soutenaient mutuellement et n’avaient besoin de rien. Mais plus tard, lorsqu’ils se multiplièrent (ibid. 47:27), ils étaient sans doute heureux de cette croissance mais, en même temps, ils commencèrent à ressentir la servitude, car ils étaient forcés de travailler chez les Egyptiens pour assurer leur subsistance. Le fait est que lorsqu’on est habitué à l’indépendance, on accepte mal de devoir recevoir un salaire en travaillant pour un patron. Déjà à ce moment-là, du vivant des chefs des tribus, les Enfants d’Israël avaient commencé à ressentir la servitude et le poids de l’exil. Bien qu’on ne pût encore parler d’esclavage, ils ne se sentaient pas chez eux, comme en terre de Canaan où ils étaient respectés.

En fait, tant que Ya’akov était vivant, son statut les protégeait. Son influence était bénéfique et il soutenait leur moral, mais après sa mort et la mort de ses fils, les Enfants d’Israël ressentirent un manque, ils durent travailler chez les Egyptiens pour assurer leur subsistance, et «l’esclavage et l’exil commencèrent» (Chemoth Rabah 1:4; Yalkout Chimoni Chemoth 1).

A la fin de sa vie, Ya’akov a senti et prévu l’esclavage de ses enfants car il voyait sur le visage de ses enfants et de ses petits-enfants cette expression de crainte quant à leur avenir. Il désirait leur révéler la fin des temps pour les encourager en leur faisant savoir que cette situation prendrait fin. Mais il en fut empêché et c’est pourquoi cette section est «fermée» dès son début.

Malgré tout, cette situation a quelque chose de positif. La Torah spécifie que Ya’akov vécut en terre d’Egypte pendant dix-sept ans, valeur numérique du mot Tov, bon, qui symbolise la Torah comme il est dit (Michley 4:2): «Je vous ai donné de bonnes leçons, n’abandonnez pas mon enseignement» et (Avoth 6:3): «Il n’est de bon que la Torah» . C’est justement en Egypte que Ya’akov mena une vie pleine de Torah. Il ne faut pas en conclure que Ya’akov se soit installé dans le confort en Egypte, puisque D. ne laisse pas les Justes vivre dans le confort en ce monde mais Il leur réserve leur récompense dans le monde à Venir (Béréchith Rabah 84:3).

Mais c’est justement en Egypte que Ya’akov a connu un peu de repos et cette époque est considérée comme la meilleure de sa vie: en effet il y servait D. de toutes ses forces, et ces années-là furent des années où lui et ses enfants étaient réunis. Les Enfants d’Israël «s’installèrent en Egypte» (dans la Torah), «ils y crûrent» (en compréhension), «s’y multiplièrent» (par la discipline). L’enseignement de Ya’akov continuait à se propager et il n’y avait pas à craindre les effets de l’exil.

Pourtant Ya’akov désirait en révéler le terme à ses enfants. Pourquoi? Il est écrit (Téhilim 19:9): «Les préceptes de l’Eternel sont droits, ils réjouissent le coeur» car «La Torah réjouit le coeur et elle s’acquiert dans la joie» (Avoth 6:6) et «Il n’est de joie que celle d’obéir aux commandements» (Rokéa’h 3:1). Lorsque Ya’akov se sentit heureux, il désira révéler la fin des temps puisque «La prophétie n’est donnée que dans la joie» (Midrach HaGadol Vayigach 45:27), et «L’esprit saint n’habite que chez celui qui est heureux» (Chabath 30b; Pessikta Zouta Vayechev 37:33; Zohar I, 180b). Mais cette prophétie lui fut cachée. Du Ciel, on voulait lui signifier que celui qui reste attaché à la Torah n’a rien à craindre puisque «la Torah le protège contre tout mal» (Kidouchin 82a; Yérouchalmi Kidouchin IV:2) et de plus la rédemption peut venir avant son temps, comme le disent les Sages (Pessikta Zouta Vaet’hanan 4:32): «Les Enfants d’Israël ne seront sauvés que grâce au mérite de la Torah» . La rédemption dépend de notre attachement à la Torah.

Une autre raison indique pourquoi cette prophétie échappa à Ya’akov. Il désirait faire savoir à ses enfants que la rédemption finale aurait lieu après six mille ans (Avoda Zara 9; Sanhédrin 97a), et leur faire connaître le cours de l’Histoire. Mais il est possible de précipiter les événements et d’anticiper la rédemption grâce à la Torah et au repentir, et le Messie peut venir à tout moment: c’est pourquoi Ya’akov n’a rien pu révéler. Les dernières lettres des mots du verset «Rassemblez-vous, je veux vous révéler ce qui vous arrivera dans la suite des temps» (Béréchith 49:1) forment le mot Meth, mort, ce qui sous-entend: je veux vous dire quand D. jugera le monde et quand le Satan mourra, lui qui est l’ange de la mort (Baba Bathra 16a). Il leur révéla que la Torah et l’observance de ses lois peuvent anticiper la rédemption, qui peut se réaliser chaque jour et à chaque génération. Il est dit du roi ‘Hizkya qu’il aurait pu être le Messie (Sanhédrin 94a).

Les Sages disent aussi (Yoma 69b) que du temps d’Ezra, le mauvais penchant fut aveuglé et qu’il n’induisait plus les gens à fauter. Or, le temps de la rédemption n’était pas encore arrivé parce que les Juifs s’étaient assimilés aux peuples, avaient épousé des femmes étrangères, qu’ils s’étaient asservis aux nations et que tous les Juifs n’avaient pas encore quitté l’exil pour habiter en Israël comme les prophètes en témoignent (Ezra 9; Né’hémia 9). Il est rapporté dans le Talmud (Sanhédrin 98a) que Rabbi Yochoua ben Levi rencontra le Messie aux portes de Rome et lui demanda: Quand donc mon maître se révélera-t-il? Il lui répondit: «Aujourd’hui» – aujourd’hui, si vous écoutez la voix de D.! De même les Justes de tous les temps, comme le Baal Chem Tov, le Maguid de Kouznitz, le Voyant de Lublin, le saint Rabbi de Marimnov désiraient anticiper la rédemption.

Etant donné que la rédemption peut venir à tout moment et ne dépend que de nous, D. ne veut pas que les Enfants d’Israël connaissent la date de la fin des temps, comme il est dit (Devarim 30:14): «La chose est proche de toi: dans ta bouche et dans ton coeur, pour que tu puisses l’observer!» et il est dit (Pessikta Zouta Vaet’hanan 4:32): «Les Enfants d’Israël ne seront sauvés de l’emprise des nations du monde que par le mérite de la Torah» .

En fait, sachant qu’il n’avait pas le droit de vivre tranquillement en ce monde, pas même en Terre d’Israël, Ya’akov ne s’est pas installé confortablement en Egypte mais il s’est plongé dans l’étude de la Torah afin d’être sauvé de l’influence néfaste de ce lieu pervers. La Torah est appelée Vie, «elle est un élixir de vie» et «un arbre de vie» (Michley 3:18), et «celui qui s’attache à la Torah est attaché à l’arbre de vie» (Zohar III, 176a). La Torah elle-même témoigne que pour Ya’akov, pendant dix-sept ans, elle a été source de vie.

C’est un enseignement pour tous ceux qui vivent dans des pays où l’idolâtrie, l’immoralité et le crime sont chose courante. Pour se préserver de l’influence néfaste de cet entourage, il faut s’attacher aux valeurs de la Torah qui protège et sauve de tout mal et de toute souffrance.

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