Renouveau-Tazri’a

L’homme doit se renouveler chaque jour dans son service de Dieu en se débarrassant de ce que son passé a de mauvais, afin de ne pas se détériorer. Il ne faut pas attendre ...

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le Rav David Hanania Pinto

Posté sur 05.04.21

 Sur le verset : « Quand une femme devient féconde [de la racine « semer »] et met au monde un fils » (Lévitique 12, 2), le Zohar (III 42b) émet l’objection suivante : « Est-ce que parce qu’elle est féconde elle va nécessairement mettre au monde ? N’aurait-il pas fallu dire : « Quand une femme conçoit et met au monde » ? » L’enfantement ne découle absolument pas de la fécondité, tout dépend de la conception, et ici il n’est pas question de conception. De plus, il faut se demander pourquoi la fécondité est évoquée ici et non pas tout simplement le fait d’enfanter

Nous allons essayer de l’expliquer le mieux possible, et pour cela l’introduction suivante est nécessaire.

L’homme doit se renouveler chaque jour dans son service de Dieu en se débarrassant de ce que son passé a de mauvais, afin de ne pas se détériorer. Il ne faut pas attendre Roch Hachanah et Kippour, c’est chaque jour qu’il faut se renouveler, comme dans le verset : « [Tes bontés] se renouvellent chaque matin, infinie est ta bienveillance » (Lamentations 3, 23). A ce moment-là on peut devenir un autre homme, même si les intentions ne sont pas parfaites, et à plus forte raison si elles le sont, car lorsqu’on sert Dieu même pour des motifs égoïstes, on finira par le faire de façon plus désintéressée (Pessa’him 50b, Kalah 8, Zohar III 85b). La transformation peut être extraordinaire. La Guemara (Baba Metsia 84a) raconte par exemple que Reich Lakich avait vu Rabbi Yo’hanan de loin, et l’ayant pris pour une femme, avait traversé le fleuve d’un bond. Quand il l’a vu de près, il lui a dit : « Je t’avais pris pour une femme ». Alors Rabbi Yo’hanan a répondu : « J’ai une sœur plus belle que moi, si tu consacres ta force à l’étude de la Torah, je te la donnerai pour femme ». Il a immédiatement accepté, et ensuite il ne pouvait plus retourner de l’autre côté du fleuve. Rabbi Yo’hanan lui a expliqué que c’était parce qu’il avait accepté d’étudier, et que la Torah épuise les forces de l’homme.

Cette histoire redoutable nous montre donc à quel point on peut changer. En effet, Rabbi Yo’hanan a donné sa sœur comme épouse à Reich Lakich, qui était comme on le sait un chef de brigands (Baba Metsia Ibid.) et un grand impie. Il n’a pas suivi le conseil de toujours marier sa fille à un talmid ‘hakham (Pessa’him 49a), mais au contraire s’est conduit comme celui qui marie sa fille à un ignorant, dont il est dit que « c’est comme s’il l’attachait pour la déposer devant un lion » (Ibid.). Pourquoi a-t-il fait cela ? Parce qu’il savait que l’impureté peut se transformer en sainteté en un seul instant, même si les motifs sont peu avouables et que tout n’est qu’extérieur. On constate en effet qu’immédiatement après, Reich Lakich a commencé à étudier la Torah sans plus tarder.

Lorsqu’il a vu que Rabbi Yo’hanan lui donnait sa sœur pour épouse au risque de lui faire courir un grand danger, puisque c’est comme si elle se trouvait ligotée devant un lion, à condition qu’il prenne sur lui le joug de la Torah, il a compris en quelques minutes de réflexion que la vie qu’il menait ne conduisait nulle part et qu’elle n’aurait de sens que s’il s’engageait dans les voies de la Torah. Il était clair que c’était uniquement dans ces conditions-là que Rabbi Yo’hanan acceptait de lui donner sa sœur. Il s’est alors transformé de chef de brigands en tsaddik, au point qu’il est devenu l’élève et le compagnon d’étude de Rabbi Yo’hanan. De son côté, Rabbi Yo’hanan ne s’était pas trompé en lui faisant confiance, même si ses motifs étaient loin d’être purs, car il savait que : « Certains acquièrent leur monde en un seul instant » (Avodah Zarah 10b, 17a). En un moment, l’homme peut changer de vie totalement et prendre véritablement conscience de l’existence de son Créateur.

Lorsque nous disons que l’homme doit se renouveler chaque jour, nous comprenons mieux l’adage : « Quiconque n’a pas d’épouse n’a pas de joie » (Yébamoth 62b, Zohar 182a). Pourquoi donc ? Parce que c’est le renouveau de chaque jour qui réjouit le cœur de l’homme.

Par exemple, quand on change de vêtements pour en acheter des neufs, la joie qu’on en éprouve justifie qu’on dise la bénédiction chéhe’heyanou (Bérakhoth 60a). Celui qui se renouvelle sans cesse passe toute sa vie dans la joie, alors que la routine engendre l’ennui.

L’homme qui n’a pas d’épouse n’a aucune source de renouvellement, il ne peut pas accomplir la mitsvah d’avoir des enfants, il n’a personne avec qui parler, et beaucoup des mitsvoth qui réjouissent l’homme (ainsi qu’il est dit :« les ordres de Dieu sont droits et réjouissent le cœur » (Psaumes 19, 9)) sont absentes de sa vie. C’est tout particulièrement vrai si la femme le soutient dans la Torah aussi bien que dans la vie de tous les jours et guide les enfants vers la Torah (Bérakhoth 17a, Sotah 21a). S’il n’a pas d’épouse, il n’a ni renouvellement ni joie.

De plus, par nature l’homme cherche à dominer les autres et particulièrement sa femme, ainsi qu’il est écrit « Et tu la domineras » (Genèse 3, 15), mais quand il se marie, il aspire à une vie de famille paisible, et il apprend à s’effacer devant elle et à l’aimer. C’est un grand progrès dans le service de Dieu de modifier ainsi une nature dominatrice, sans compter que son épouse l’aide aussi à s’effacer devant Dieu et devant les autres. De son côté, la femme par nature n’aime pas qu’on lui dicte sa conduite, mais quand elle se marie elle obéit à son mari et fait ce qu’il désire, comme une épouse irréprochable qui fait la volonté de son mari (Tana Debei Eliahou Rabah 9), et elle préfère l’avis de son mari au sien propre. En évoluant ainsi, elle aussi se renouvelle.

Ce sujet du renouvellement est abordé à propos des femmes dans la sortie d’Egypte et la vie au désert. Les Sages ont dit que les benei Israël sont sortis d’Egypte par le mérite des femmes vertueuses de cette génération (Sotah 11b, Bemidbar Rabah 3, 4), et aussi que le mérite d’avoir refusé de donner leurs boucles d’oreille pour faire le Veau d’Or leur a valu Roch ‘Hodech (le premier jour du mois), qui est pour elles comme un fête où elles ne doivent pas faire de travaux lourds (Pirkei Derabbi Eliezer 43, Tour Ora’h ‘Haïm 417, Mordekhaï). Or on sait que les femmes sont attachées à leurs bijoux, on aurait donc pu croire que c’était la raison de cette opposition, c’est pourquoi la Torah témoigne que quand il s’est agi de donner pour la construction du Sanctuaire, c’était exactement l’inverse : elles ont apporté plus qu’il n’en fallait (« Le peuple apporte abondamment, plus qu’il n’est nécessaire pour les travaux » (Exode 36, 5)), au point que Moïse a dû faire proclamer dans le camp qu’il fallait s’arrêter d’apporter (« Que ni homme ni femme ne préparent plus de matériaux pour la construction des choses saintes » (Exode 36, 6)).

On constate donc que les femmes ont renversé leur nature en cessant d’aimer les bijoux pour les donner au Sanctuaire (mais pas au Veau d’Or), ce qui leur a valu Roch ‘Hodech, où elles doivent s’abstenir de travaux lourds pour avoir le temps de s’arrêter et de réfléchir, ce qui leur permet de se renouveler encore davantage et de mériter une grande récompense ce jour-là. En outre Roch ‘Hodech expie les fautes, comme on le dit dans la prière du Moussaf : « Un temps d’expiation pour tous leurs descendants », on peut donc profiter de la sainteté de ce jour pour se rénover aussi, ainsi qu’il est écrit : « Que ta jeunesse se renouvelle comme l’aigle » (Psaumes 103, 5).

L’homme se régénère aussi pendant Chabath, à l’image de la Création, et c’est du Chabath que les six jours de la semaine reçoivent leur bénédiction (Zohar I, 75b, II, 63b), surtout quand l’homme va au mikveh le vendredi, car alors il se transforme en quelqu’un d’autre. J’ai déjà dit une fois que celui qui se prépare au Chabath uniquement pour avoir un jour de vacances pour manger, boire et se reposer passe à côté de l’essentiel, qui est le condiment nommé Chabath (voir Chabath 119a), à savoir l’essence de la sainteté de ce jour. Quand on le néglige, on vit le Chabath exactement comme les autres jours de la semaine, alors qu’on doit ressentir la différence entre le sacré et le profane, percevoir une occasion de renouvellement, et seulement alors on le vivra dans le plaisir et on obtiendra une l’âme supplémentaire (Beitsah 16a). A ce moment-là, même le simple fait de manger et de boire aura un goût du monde à venir. De plus, la foi grandit de Chabath en Chabath, ce qui est également un renouvellement du corps et de l’âme, car bien qu’on puisse effectivement se rénover tous les jours, c’est plus particulièrement vrai du Chabath et de Roch ‘Hodech.

Et je crois que de même que le monde se renouvelle chaque jour, comme nous disons dans la prière (« qui renouvelle sans cesse chaque jour l’acte de Création »), l’homme qui est un microcosme (Séfer Yetsirah 212, Zohar I, 90b) doit en faire autant. Même si, à première vue, l’univers nous paraît vieillir, en réalité il ne cesse de se régénérer, comme tout un chacun doit le faire chaque jour, même s’il n’est plus très jeune.

Un bon exemple en est la parole le Chabath. Il est dit à propos de Dieu : « Par le souffle de Sa bouche toutes ses armées » (Psaumes 33, 6), car Il a créé le monde par des paroles (Avoth 5, 1), sans devoir du tout accomplir des actes, mais au moment de l’arrivée du Chabath, il est malgré tout dit : « Il se reposa le septième jour de tout Son travail » (Genèse 2, 2), ou encore : « Il s’est reposé le septième jour » (Exode 20, 11). Le Zohar (I 117b) affirme qu’Il s’est reposé même de parler, donc l’homme, qui n’est que chair et sang et qui travaille dur toute la semaine pour gagner sa vie, doit à plus forte raison se reposer le Chabath, y compris de parler. Il est d’ailleurs écrit : « [cesse de] vaquer à tes affaires et de prononcer des paroles » (Isaïe 58, 13), ce qui signifie que la façon de parler le Chabath ne doit pas être la même que pendant la semaine (Chabath 113b, Vayikra Rabah 34, 15, Zohar II 63b). Pour l’homme, c’est un renouvellement considérable de ne pas travailler et de ne même pas prononcer de paroles futiles, mais au contraire d’utiliser sa bouche pour parler de Torah, en suivant l’injonction de faire de son Chabath un jour qui est entièrement de Torah (Tana Debei Eliahou Rabah 1). Dans ces conditions, il peut ressembler à son Créateur, et opérer des merveilles par sa bouche et sa parole comme au moment de la Création, puisque le tsaddik a le pouvoir d’annuler ce que Dieu décrète (Moed Katan 16b). Il est possible que ce soit la raison pour laquelle beaucoup de justes s’abstiennent de parler le Chabath (voir ce qu’écrit à ce propos le livre Chabath Hamalkah).

Tout ce que nous avons dit jusqu’à présent va nous permettre de mieux comprendre notre parachah. Comme on le sait, la femme aide son mari à se renouveler chaque jour, ainsi que Chabath et Roch ‘Hodech, car ce sont des moments où elle-même se renouvelle tout particulièrement. De plus, la réussite du foyer repose essentiellement sur la femme, comme l’a dit Rabbi Akiba à ses disciples : « Ce qui est à moi et ce qui est à vous, est à elle » (Ketouboth 63a). Par conséquent elle ressemble à quelqu’un qui « sème » une mitsvah, car l’éducation est un acte d’ensemencement. Semer, cela signifie préparer à la mitsvah dans le cadre de la pureté familiale, en surveillant les enfants dans la sainteté (car s’il suffisait d’enfanter, il y en a beaucoup qui le font…). Le renouvellement de la sainteté de la maison au jour le jour est sa fécondité. C’est pourquoi il est écrit « Quand une femme devient féconde (« sème ») », sans que la grossesse soit du tout évoquée, car cela ne dépend nullement de la grossesse mais de la fécondité, du renouvellement de la sainteté chez la femme. En contrepartie, Dieu la récompense en lui donnant un fils, ce qui représente à la fois un changement (ne pas enfanter une fille comme elle-même) et un cadeau (ce fils apprendra la Torah et mettra les tefilin). En effet, dans une maison juive Il accorde une grande récompense, conformément aux actes humains et selon un calcul d’ensemble, car dès le mariage on assiste à un changement et un renouvellement quotidiens, alors qu’un foyer non-juif vit uniquement selon la nature, sans aucun renouveau. Les versets de la parachah convergent tous dans ce sens.

Tout cela nous permet de comprendre le rapport entre la parachat Tazri’a et la parachat Metsor’a, qui se suivent dans la Torah. La lèpre vient comme on le sait en punition de la médisance et de l’orgueil (Arakhin 17a). Nos Sages ont dit que le mot « lépreux », MeTSoR’A, évoque phonétiquement MoTSi R’A (« celui qui propage le mal ») (Arakhin 15b, Vayikra Rabah 15a). Un seul mot du médisant peut engendrer des milliers de mauvaises paroles, parce que chacun renchérit sur ce que vient de dire l’autre. Ainsi l’expression « Quand une femme devient féconde (« sème ») » renvoie au fait qu’en bavardant, la femme sème des médisances, et la lèpre la frappe, ainsi que son mari qui s’est laissé entraîner lui aussi à parler. En médisant de telle ou telle personne, elle peut faire de lui un homme nouveau (car ses fautes sont effacées (‘Hafets ‘Haïm 87) et il redevient comme un enfant qui vient de naître). C’est ce que signifie « elle met au monde un fils ». Elle devient alors impure pendant sept jours, ce qui signifie qu’elle peut abîmer toute sa vie, car les sept jours représentent les soixante-dix ans de la vie de l’homme (voir Psaumes 90, 10) [on peut trouver une allusion à ce sujet dans le fait que la valeur numérique de Tazri’a est la même que celle des mots zeh hou be-lachon ha-ra (« c’est par la médisance »)]. En revanche, si la femme fait attention à ce qu’elle dit, elle ne fera que du bien à Israël, en se renouvelant dans la pureté et la sainteté.

Comment faut-il se conduire ?

Le désir de se renouveler dans le service de Dieu dépend de la sainteté et de la pureté de la famille. En effet, la femme sème des mitsvoth, préparant ainsi la voie à la sainteté. On n’atteint la pureté que par le renouvellement, et aussi en s’abstenant de dire du mal d’autrui. Si l’on se garde de toute mauvaise parole, on peut arriver à la sainteté pendant toute la vie.
 

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