Servir D-ieu au grand jour – Lekh Lekha

Il n’y a pas de plus grand plaisir pour le cœur et l’âme que celui de ressentir la sainteté d’un lieu.

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le Rav David Hanania Pinto

Posté sur 06.04.21

Quitte ton pays pour ton propre bien

Il est écrit (Béréchith 12:1) : «Et l’Éternel dit à Avram : 'Quitte ton pays, ton lieu de naissance, la maison de ton père et va vers le pays que Je t’indiquerai'.” Et Rachi commente au nom des Sages (Midrach Hagada) : “Pour ton propre bénéfice et pour ton propre bien. De plus, là-bas tu auras des enfants, mais pas ici (Roch Hachana 16b), et en outre, Je ferai connaître au monde entier qui tu es” (Béréchith Rabba 39:2).
 
Nous voyons que D-ieu promet ici à Avraham de grandes faveurs, contrairement à l’épreuve du sacrifice d’Yits’haq, où D-ieu dit à Avraham (Béréchith 22:2) : “Prends ton fils, ton fils unique, celui que tu aimes…” sans rien lui promettre en échange. Nous devons donc comprendre le sens de cette épreuve “quitte ton pays.”
 
Pourquoi D-ieu ordonne-t-Il à Avraham de quitter H’aran, alors qu’il “réussissait à convertir les gens, à les amener à la connaissance de D-ieu” (Béréchith Rabba 39:21) et à faire “proclamer par tout le monde le Nom de D-ieu” (Sota 10b, Béréchith Rabba 54:8), comme il est écrit (Béréchith 21:33) : “Et il y proclama le Nom de D-ieu, Maître du monde.” S’il en est ainsi, pourquoi doit-il maintenant abandonner ses activités religieuses ? Si c’est pour recevoir en Eretz Israël (la Terre d'Israël) la récompense de ses efforts, on ne peut pas dire que ce soit une épreuve, puisque que c’est pour son propre bien.
 
De plus, l’ordre de la narration n’est pas chronologique, car il aurait fallu dire d’abord “de la maison de ton père”, ensuite “ton lieu de naissance”, et ensuite “ton pays.” Les commentateurs ont déjà remarqué cette interversion.
 
Pour expliquer le renversement de l’ordre logique, les Sages disent (Mo'ed Qatan 17a, H’aguiga 16a, Qidouchin 40a) : “Si quelqu’un sent que son désir prend le dessus, qu’il aille en un lieu où personne ne le connaît qu’il s’habille en noir… et qu’il se débarrasse de son désir”. “Il ne faut pas se tromper et penser qu’il va commettre ailleurs des transgressions, mais les vêtements noirs… l’amèneront à tempérer ses désirs et à se repentir” (Tossafoth au nom de Rabbénou H’ananel).
 
Le fait est que dans un endroit où personne ne le connaît, il ne sera pas dérangé et il pourra se repentir et se corriger car personne ne viendra lui rappeler ses fautes passées.
 
Il en était ainsi d'Avraham lorsque D-ieu lui dit “quitte ton pays” car ailleurs, là où personne ne te connaît, tu pourras mieux progresser dans le service de D-ieu ce qui n’est pas le cas ici, en présence du pervers roi Nimrod et de son entourage.
 
Dans la maison de ton père non plus, tu ne pourras pas servir D-ieu car ses habitants t’en empêchent, et même si tu parviens à résister aux pressions de ces hérétiques, ils n’apprécieront jamais tes actes. Avraham n’hésita pas un seul instant, il rassembla tout de suite toute sa famille et “les âmes qu’il avait faites à H’aran” (Béréchith 12:5), c’est-à-dire tous ses adeptes, et il sortit rapidement, conformément à l’ordre de D-ieu comme il est dit (ibid. 12:4) : “Et Avram partit comme le lui avait dit l’Éternel”, car la parole de D-ieu est un ordre.
 
Là nous constatons la grande piété d’Avraham, et sa profonde humilité. En fait il aurait pu rester pieux, même parmi ces hérétiques et résister à leurs pressions toute sa vie. D’autant plus que toutes ses actions étaient uniquement motivées par l’amour de D-ieu, et qu’il ne recherchait ni la notoriété ni la renommée. Il aurait donc pu se dire qu’il resterait dans son pays sans dévier, en dépit de l’opposition de son environnement.
 
Mais il n’a pas posé de questions et tout de suite après que D-ieu lui eut parlé, il sortit de H’aran en direction d'Eretz Israël, car il savait que si D-ieu lui ordonnait de quitter son pays et la maison de ses pères, Il avait Ses raisons.
 
Une raison à tout
 
La première raison : Avraham savait qu’il n’avait pas à craindre d’être lui-même mal influencé par son entourage mais tous ceux que lui et sa femme Sarah avaient convertis n’étaient pas encore parvenus à un niveau qui leur permît de surmonter les épreuves du lieu et du temps, et eux risquaient de reprendre leurs mauvaises habitudes. Il craignait cela à juste titre.
 
La deuxième raison : Avraham comprit que son rôle n’était pas de servir D-ieu tout seul en secret, mais au contraire au grand jour, au vu et au su de tous, afin que tous soient témoins de ses actes, et c’est effectivement ce qu’il fit, comme le dit le Rambam (Halakhoth 'Aqoum, II: 2-3) : “Son seul but était de sauver les gens de leurs erreurs et leur faire savoir qu’il n’y a qu’un seul Créateur et les amener à la connaissance de D-ieu.”
 
Et pourtant, Avraham se pose des questions. Est-ce qu’en Eretz Israël aussi il pourra convaincre les habitants de croire en D-ieu comme il l’a fait à H’aran, d’autant plus qu’il ne sait pas quel pays D-ieu va lui indiquer ? C’était une grande épreuve pour quelqu’un qui toute sa vie avait combattu pour D-ieu malgré l’opposition qu’il rencontrait sur son chemin. Car il ne faut pas oublier que c’était l’époque de la Tour de Babel, l’époque où les peuples furent dispersés pour s’être éloignés de D-ieu et avoir pratiqué l’idolâtrie. Mais Avraham a soutenu l’épreuve car il savait que tel était son devoir à ce moment-là.
 
Certainement D-ieu connaissait les sentiments d’Avraham, combien il lui était difficile de quitter son pays, bien qu’il fût prêt à renoncer à la renommée pour poursuivre sa mission sacrée. De plus, il craignait que le voyage ne lui fasse perdre ses adeptes, dans le sens où il est dit que “la renommée de celui qui prend la route diminue” (Bamidbar Rabba 11:4), et la renommée de D-ieu dans le monde diminuerait. Pourtant, pour le mettre à l’épreuve, pour lui donner une plus grande récompense, D-ieu lui ordonne de quitter sa maison, et de surmonter toutes ces difficultés.
 
Quitter son pays est donc une épreuve pour Avraham, et à ses yeux, ce n’est ni un bienfait ni un bénéfice. À H’aran, il réussit, mais va-t-il réussir dans un autre pays ? Quel bienfait et quel bénéfice seront les siens dans un pays étranger ? Mais Avraham a soutenu cette épreuve. Si D-ieu dit “pour ton bien et pour ton propre bénéfice”, il faut faire ce que D-ieu ordonne.
 
Et effectivement, après avoir soutenu cette épreuve et quitté H’aran, Avraham s’est rendu compte de quel bénéfice il était question car dès son arrivée en terre de Canaan, il ressentit la sainteté de la terre que D-ieu avait promise à lui et à ses descendants, comme il est écrit (Béréchith 12:7) :
 
“Et D-ieu dit : 'Je te donnerai cette terre, à toi et à tes descendants'.” Il sut alors combien vraies étaient les paroles de D-ieu lorsqu’Il lui avait dit : “Quitte ton pays, pour ton bien et ton bénéfice”, car il n’y a pas de plus grand plaisir pour le cœur et l’âme que celui de ressentir la sainteté d’un lieu, d’autant plus que l’on est récompensé pour chaque pas fait en Eretz Israël, pays qui surpasse en sainteté tous les autres pays.
 
Avraham est au comble de la joie lorsque D-ieu lui dit (Béréchith 13:14-15) : “Lève les yeux et regarde, de là où tu es, au nord et au sud, à l’est et à l’ouest, car Je donne tout le pays que tu vois à toi et à tes descendants, pour toujours.”
 
D-ieu lui promet que, pour avoir surmonté l’épreuve de “tes enseignements se répandront largement” (Michlé 5:16), ici aussi tu réussiras à rapprocher les gens de D-ieu et grâce à toi tous sauront que le monde a un Créateur et alors, “tous les peuples de la terre seront bénis par toi” (Béréchith 12:3). Tu te trompes si tu crains de ne pas réussir ici comme tu as réussi à H’aran. Ici aussi tout ce que tu feras sera couronné de succès, et tu pourras même y accroître tes activités.
 
À présent nous comprenons l’ordre des mots dans le verset : “Ton pays, ton lieu de naissance, la maison de ton père.” C’est qu’Avraham était plus occupé au dehors que dans sa maison, dans le sens où il est dit “l’essentiel n’est pas l’étude, mais l’action” (Avoth I:17, Zohar III 218a). Avraham passait la plus grande partie de son temps dehors, il parlait aux gens, sa maison n’avait qu’une importance secondaire, c’est pourquoi D-ieu lui dit tout d’abord “ton pays”, qui était essentiel pour lui, et ensuite “la maison de ton père”, qui pour lui était secondaire.
 
C’est sans doute pour cette raison que l’épreuve était grande, car il était attaché au lieu, au pays, et il doutait de réussir dans un nouveau pays. Mais il soutint l’épreuve et D-ieu lui promit que dans un nouveau pays il pourrait continuer ses activités.

Avraham fut le premier à rapprocher les hommes de D-ieu. Partout, il proclamait la grandeur du Créateur : “L’Éternel seul est D-ieu, il n’en est pas d’autre” (Dévarim 4:35). Dans les générations futures aussi (puisque les actes des ancêtres sont des modèles pour leurs enfants), la terre sera purifiée, comme il est écrit (Zach’aria 13:2) : “Je ferai disparaître de la terre les pensées impures”, car alors, les non-juifs prendront exemple sur les juifs, et eux aussi connaîtront D-ieu, comme il est écrit (Ichaya 66:23) : “À chaque néoménie, à chaque Chabath, toute chair viendra se prosterner devant Moi, dit l’Éternel.”

Et alors, se réalisera la prophétie (Zach’aria 8:22) : “Et de nombreux et puissants peuples viendront rechercher D-ieu à Jérusalem” et “ils proclameront Sa justice” (Téhilim 22:32), et “nombre de peuples se rallieront au peuple de D-ieu en ce jour-là et ils seront Mon peuple” (Zach’aria 2:15). Amen, ainsi soit-il !

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