Le vilain-gentil petit canard

Une personne qui fait téchouva est parfois confrontée au douloureux problème d’une famille qui la voit comme un vilain-gentil petit canard qui leur gâche la vie. Comment faire face ? Raheli Rackless répond.

Bonjour Raheli,

Depuis que j’ai commencé à faire téchouva et à me rapprocher de mes racines juives, je me suis retrouvé dans une guerre épuisante avec ma famille. Ils sont constamment en train de m’attaquer et de m’accuser  de graves allégations, la principale étant que je leur ai gâché la vie. Ils se plaignent qu’en tant que famille, nous ne pouvons plus rien faire normalement parce que je suis devenu « difficile ». Ils essaient en permanence de me faire ressentir que la voie que j’ai choisie n’est pas la bonne. Lorsque j’essaie de leur expliquer des choses, c’est comme si je devenais une cible sur laquelle on ouvre le feu, et c’est très dur. Et puis ils détestent que je m’habille en noir et blanc. Avez-vous un bon conseil à me donner, pour pouvoir faire face à tout cela ?

Merci d’avance, Yosef.

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Bonjour Yosef,
Tout d’abord, je peux vous dire que ce n’est pas facile. Il faut énormément de patience. Le sujet que vous soulevez est très sensible, chaque baal téchouva le sait. Mais permettez-moi de vous souhaiter de réussir et de vous féliciter d’avoir sauté ce pas courageux en direction de votre but spirituel dans ce monde. Après avoir mené 99% d’une vie vide, vous avez décidé que votre vie a forcément un but et un sens qui vont bien au-delà de « soi-même ». Bravo ! Maintenant, en tant que juif proche de son Créateur, de la Torah et des mitsvotes, vous ressentez forcément combien
ce mode de vie est plein de gratification, mais aussi de défis.

Observons votre situation du point de vue de votre famille. Pendant toute votre vie, vous étiez « l’un d’eux ». Vous vous comportiez comme eux, vous portiez le même style de vêtements, vous mangiez la même nourriture qu’eux, etc. Et puis, un beau jour, vous avez décidé d’arrêter de faire ce que tout le monde faisait, et vous avez commencé à vous « démarquer » d’eux. Non seulement ils ne comprennent pas ce qui vous a poussé à vous démarquer d’eux, mais ils ne vous voient plus comme « l’un d’eux ». Donc forcément, ils vous voient comme un pingouin ridicule avec une barbe et des péottes, et qui leur parle en chinois.

Je n’aime pas du tout présenter les choses ainsi, mais à leurs yeux, vous êtes un traitre. Tout ce qu’ils voient, c’est que pour une raison inconnue, vous avez décidé que le mode de vie de votre famille ne vous convient plus, ne vous intéresse plus. Et pour rendre les choses encore plus graves –et c’est en fait la conclusion naturelle à laquelle votre famille est arrivée- ils voient qu’ils ne sont plus assez bien pour vous.

D’un seul coup, vous avez commencéà vous plier à des standards plus élevés, et selon votre règlement, on ne mange plus ce qu’on a envie. La cuisine de maman, malgré ses bons petits plats, ne respecte plus vos standards de cacheroute, maintenant régis par la halakha (la loi juive), et ainsi de suite. Les membres de la famille se sentent blessés, à cause de votre nouveau style de vie. Après tout, qu’y a-t-il de mal dans leur mode de vie ? Ce ne sont pas des trafiquants de drogues, des alcooliques ou pire encore, des politiciens. Ce sont des gens simples et gentils, qui vivent simplement, et qui s’efforcent de donner un bon exemple à leurs enfants.

Je pense qu'il y a une raison qui se trouve dans l'inconscient d'un bon nombre de familles, lorsque l'un d'eux fait téchouva : soudain, ses actes mettent en lumière le fait qu'ils n'ont pas encore trouvé le but de leur vie, leur véritable mission ici, dans ce monde. C'est un point délicat et subtil, mais que chacun des membres de la famille ressent, sans aucun doute.

Pour résumer les « mauvaises nouvelles », aujourd'hui, vous êtes un traitre qui s'est fait attraper et a subi un bourrage de crâne par la secte des vilains canards vêtus de noir et blanc, qui a renoncé à sa vie prometteuse pour aller servir D.ieu dans une maison d'étude. En d'autres mots, vous êtes devenu fou !

Passons maintenant aux bonnes nouvelles. Je vais vous dévoiler un petit secret, Yosef. Lorsque quelqu'un commence à faire téchouva, deux choses essentielles se passent en même temps.

La première – on tombe amoureux du judaïsme, on a une vision pleine d'inspiration de ce que va être notre vie et de ce à quoi elle va ressembler à partir de maintenant. Vous vous imaginez certainement rencontrer votre moitié (votre future femme) et mettre de magnifiques enfants au monde, les âmes qui vous attendent dans le ciel. Vous sentez déjà l'odeur particulière des halotes de Chabat que votre femme préparera et des mets qu'on servira à votre retour de la synagogue. Dans votre esprit, vous n'aurez plus jamais aucun problème physique ou spirituel. Bon, vous n'êtes peut-être pas aussi naïf que je l'étais, mais vous comprenez ce que je veux dire.

La seconde – le Créateur voit notre intention réelle et sérieuse de se rapprocher de Lui, et Il nous envoie des embûches sur le chemin. Beaucoup de baalé téchouva tombent dans le piège du rapprochement : ils ne comprennent pas pourquoi D.ieu leur fait la vie dure et pas l'inverse. Après tout, nous voulons nous rapprocher de Lui, pas vrai ? Alors pourquoi nous rendre les choses plus difficiles ? Il est une règle spirituelle très connue qui dit : plus une chose est importante, plus on devra la payer cher. Cette règle convient à chaque domaine de notre vie. S'il en est ainsi, pourquoi les choses devraient-elles être différentes en ce qui concerne notre lien avec le Créateur ? Plus que toute autre chose au monde, c'est le domaine pour lequel nous payons le prix le plus élevé, car il n'est pas de plus grande récompense que celle que l'on reçoit grâce à la volonté de se rapprocher du Créateur.

Et après que je vous aie dit ce que j'avais sur le cœur, sachez que l'optique hostile dans laquelle se trouve votre famille par rapport à vous fait, elle aussi, partie du plan d'Hachem. Elle rentre dans la « seconde chose » que je viens de développer dans le paragraphe précédent. Pour la plupart d'entre nous, en ce qui concerne notre famille, l'opinion qu'ils ont de nous est importante, c'est pourquoi D.ieu nous teste dans ce domaine pour nous aider à voir ce que nous sommes prêts à faire pour renforcer notre lien avec Lui (bien entendu, pas sur le compte de notre lien avec notre famille et sans les blesser, D.ieu préserve). Il « lâche » le mauvais penchant et lui permet de monter le volume et d'allumer les projecteurs sur la scène, avec des voix menaçantes et des objets qui nous volent au-dessus de la tête, émanant justement de nos proches. C'est fou ce que l'amour peut nous pousser à faire…

Donc, ce que vous devez faire, Yosef, c'est mettre en place un programme en deux parties.

La première, ne jamais réagir ou répondre aux membres de votre famille, surtout lorsqu'ils s'énervent ou dans toute situation où ils sont furieux contre vous. S'ils font toute une histoire parce que vous refusez de vous joindre à une réunion qui, à tous points de vue, ne correspond plus au style de vie que vous avez choisi, gardez le silence, ou tout simplement, retirez-vous un moment. Je sais, c'est plus facile à dire qu'à faire. Mais qui a dit que quelque chose devait être facile dans ce monde ? N'essayez-pas de les convaincre que vous connaissez plus de choses qu'eux, ou qu'ils sont dans le faux ou toute autre chose de ce style. C'est toujours, mais vraiment toujours, la meilleure recette pour entrer en guerre. Donc ravalez votre ego et taisez-vous.

La seconde, montrez-leur ce qu'il y a de bon et de positif dans le changement que vous avez fait dans votre vie ! Faites-leur ressentir que vous êtes quelqu'un de nouveau, dans votre essence, au fond de vous, quelqu'un de calme et de posé. Soyez tout le temps souriant. Cela peut rendre les gens fous, mais laissez votre vie parler à votre place. Aucun acte ou aucune explication (quand c'est inapproprié) n'aura le même effet. Car comme on dit, une photo parle plus que mille mots. Vous voir calme et serein, souriant, dégageant de l'amour sans fin, de la satisfaction ; tout cela fera pencher les choses du meilleur côté.

Ne vous inquiétez pas, Yosef. Cette période finira par passer et votre famille vous acceptera, comme nous avons reçu la Torah sur le Mont Sinaï. Cela peut prendre 80 ans, mais au final, cela arrivera. Et soyez fier de votre uniforme de pingouin, vous êtes un soldat de D.ieu !

Bonne chance, Raheli.