Les personnes en colère et les tyrans

La porte du bureau était entrouverte et Julio en profita pour passer timidement sa tête dans l'ouverture. Mr. Baxter était au milieu d'une discussion téléphonique orageuse...

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le rabbin Lazer Brody

Posté sur 06.04.21

Le prêt payé à temps
 
Julio Gonzales[1] fut le premier américain d'origine hispanique à obtenir son diplôme de droit à l'Université de Georgetown (Washington DC, U.S.A.). Après son admission au barreau de Columbia, il fut également le premier avocat hispano-américain à être accepté comme “law clerk” (assistant d'avocat) à la firme prestigieuse “Baxter & Jones”.
 
L'assiduité, le dévouement et l'intégrité de Julio furent manifestes, dès son premier jour de travail à son poste. Il remplissait les fonctions de son emploi peu gratifiant avec dignité et avec sérieux, même lorsqu'il s'agissait de réaliser les tâches les plus subalternes. Les principaux associés de la firme commencèrent à prêter une grande attention à Julio et à penser qu'il ne resterait pas longtemps “law clerk”.
 
Julio travaillait dans l'entreprise depuis six mois lorsqu'il reçut un appel téléphonique du Texas, l'informant que son père était gravement malade et qu'il devait venir immédiatement lui rendre visite. Il ouvrit son portefeuille élimé pour découvrir qu'il contenait un seul billet de vingt dollars.
 
Son compte en banque était à découvert : il venait de payer les trois loyers de caution pour louer son deux-pièces dans le quartier chic des avocats de la ville de Georgetown. Julio savait qu'il devait se rendre immédiatement au chevet de son père mais il ne savait pas où trouver les cinq cents dollars pour se rendre au Texas. Et le jour de la paie était seulement dans dix jours…
 
Julio eut une idée : il demanda à la secrétaire de direction si elle pouvait lui obtenir un entretien de cinq minutes avec le patron, Mr. Paul Baxter. Le principal associé le reçut immédiatement et cordialement ; il en profita même pour le complimenter à propos de son travail au sein de l'entreprise. Julio expliqua son problème : il avait besoin qu'on lui accorde quelques jours d'absence et … qu'on lui prête cinq cents dollars immédiatement. Il s'engageait à rendre l'argent dès qu'il recevrait sa paye.
 
Mr. Baxter accorda la première demande à Julio, mais il refusa la seconde en expliquant que l'entreprise avait pour principe de ne jamais accorder d'avance de salaire. Le déception de Julio se lisait sur son visage ; Il semblait dire : “De quelle façon suis-je censé aller voir mon père sur son lit de mort ?”
 
Mr. Baxter était lui-même père de famille. Il comprenait la situation difficile dans laquelle se trouvait Julio.
 
“Écoutez, je vais vous accorder – à titre privé – un prêt sans intérêts de cinq cents dollars pour une période de trente jours. Vous pourrez me rendre cet argent avec votre prochaine paye.” Baxter ouvrit le coffre-fort qui se trouvait dans son bureau et en sortit une boîte métallique de laquelle il prit un billet de cinq cents dollars. Il sortit également une reconnaissance de dette sur laquelle il écrivit la dette que Julio avait et il demanda à ce dernier de la signer. Julio apposa rapidement sa signature sur le document et remercia profusément Mr. Baxter.  
 
Julio arriva au Texas la veille du décès de son père. Il prit tous les arrangements qu'il devait pour les funérailles et resta quelques jours de plus pour consoler sa mère. Une semaine après son départ, il était de retour à son travail.
 
Le jeune assistant d'avocat accepta avec soulagement sa charge de travail : celle-ci lui permettait de se reposer légèrement son esprit et d'accepter – un peu plus chaque jour – la disparition brutale de son père.
 
Le jour où il reçut son chèque de paye, il rédigea un chèque de cinq cents dollars à l'ordre de Mr. Baxter. Julio regarda sa montre : il était six heures du soir. La majorité du personnel avait déjà quitté le bureau. Julio pensa : “Peut être que le patron est dans son bureau à faire des heures supplémentaires. Après tout, cela lui arrive régulièrement.” Julio décida d'aller voir si son patron se trouvait toujours dans son bureau.
 
La porte du bureau était entrouverte et Julio en profita pour passer timidement sa tête dans l'ouverture. Mr. Baxter était au milieu d'une discussion téléphonique orageuse, mais il fit geste à Julio d'entrer tout de même dans le bureau. “Sous aucune circonstance,” Mr. Baxter disait énergiquement, “nous ne pouvons accepter un compromis… excusez-moi une seconde s'il vous plaît.” Mr. Baxter couvrit le combiné téléphonique de sa main et leva les yeux vers Julio : “Que puis-je pour vous, Mr. Gonzales?”
 
“Je suis désolé de vous déranger, mais je désirais vous rendre votre argent immédiatement.” Julio tendit le chèque à son patron. Mr. Baxer opina de la tête et retourna immédiatement à sa conversation téléphonique. Julio comprit qu'il lui restait seulement à s'en aller et à fermer la porte derrière lui. Un faible “Merci monsieur” sorti de sa bouche et Julio se dirigea vers la sortie du bureau.
 
Il aurait aimé réclamer la reconnaissance de dette, mais il était gêné de l'exiger à un tel moment. Avant de sortir, il demanda seulement : “Penserez-vous à détruire la reconnaissance de dette ?” Mr. Baxer fit un signe affirmatif de la tête et plongea de nouveau dans sa conversation orageuse.
 
Mr. Baxter mit inconsciemment le chèque de cinq cents dollars de Julio dans un dossier qui se trouvait sur son bureau et sur lequel était écrit : “Gerson vs. l'État de Maryland.” De fait, Mr. Baxter était absorbé dans une confrontation verbale directe avec le procureur de cet État. “Nous savons tous les deux que l'État de Maryland est responsable. Vous devez accepter de payer un montant de 500 000$ ou nous serons obligés de nous retrouver devant les tribunaux, monsieur le procureur. Si telle est votre volonté, je n'ai aucune problème avec cela : je sais que nous gagnerions devant les juges.
 
La loi vous accorde une période de trois mois pour répondre à ma lettre de demande d'entente. Je vous rappelle que si dans trois mois, je n'ai pas reçu votre accord d'un règlement à l'amiable, nous n'aurons plus d'autre choix que d'aller devant le tribunal.” Mr. Baxter referma le dossier ; il le rangea parmi une pile d'autres. L'heure était avancée ; il prit sa raquette de tennis et quitta immédiatement son bureau.
 
Six semaines plus tard, Mr. Baxter ouvrit la boîte métallique qui se trouvait dans le coffre-fort. Au-dessus de la pile de billets, il aperçut la reconnaissance de dettes du Julio. Il n'en croyait pas ses yeux : “Cette dette a près d'un mois de retard ! Comment pourrais-je avoir confiance en une personne qui ne tient pas sa parole ? Comment pourrais-je lui confier un cas d'un million de dollars?”
 
John Webster – le fondateur de la société – entra à cet instant dans le bureau de Mr. Baxter. “Que se passe-t-il Paul? On dirait que ta secrétaire a oublié de mettre du sucre dans ton café !”
 
“J'aimerai tellement que cela soit mon problème, John” répondit Mr. Baxter. Celui-ci raconta à Webster la dette de reconnaissance qu'il venait de trouver et son origine.
 
“Paul, je ne voudrais pas remuer le couteau dans la plaie, mais souviens-toi que Robert et moi avions formulé des doutes importants à propos de l'embauche d'un assistant d'une telle origine.”
 
“John, cela est injuste. Ce garçon a terminé le premier de sa promotion. Un employé de son niveau – mais d'origine blanche – nous coûterait deux fois plus cher. De plus, nous sommes au vingt-unième siècle : nous ne pouvons pas diriger l'entreprise comme du temps de l'esclavage. Cela serait désasteux pour notre réputation.”
 
“Es-tu en train d'essayer de te convaincre toi-même, Paul ? Si j'étais à ta place, je mettrais fin à mes pertes immédiatement. Je demanderais à ce va nu-pieds de faire immédiatement ses cartons et de rentrer chez lui. Après tout, cinq cents dollars ne sont pas une somme immense. Écoute-moi : sépare-toi de suite de cet indigent.”
 
Mr. Baxter n'avait pas besoin d'une autre forme d'encouragement pour planter un couteau dans le dos de Julio. “OK John : je te concède qu'il est impossible de rendre un âne noir un âne blanc. Tu as sans doute raison : ce garçon n'est pas pour nous ; je m'en vais le licencier dès aujourd'hui.”
 
Julio reçut la nouvelle de son licenciement comme un éclair un jour de ciel dégagé : avec une surprise totale. “Qu'ai-je fait de mal, Mr. Baxter? Cette entreprise est devenu ma véritable vie ! J'y mange, j'y bois et dans mes soirées, je continue à lire les dossiers qu'on me demande d'étudier. Pour quelle raison me faites-vous cela ?”  
 
Mr. Baxter montra la reconnaissance de dette à Julio. “À cause de cela. Ce document ne porte-t-il pas votre signature?”
 
“Oui monsieur, mais cela est une erreur !” Julio sortit son chéquier de sa poche. “Regardez vous-même : voici le talon du chèque que je vous ai donné il y a un mois. Sur le talon est écrit : cinq cents dollars. Je suis venu – le jour de la paye – vous donner le chèque dans notre bureau. Ne vous en souvenez-vous donc pas ?”
 
“Gonzales, vous renforcez ma décision de me séparer de vous. Non seulement vous ne m'avez pas rendu mon argent, mais de plus, vous êtes un menteur. Je ne veux plus rien entendre de vous. Prenez vos affaires qui sont dans votre bureau ; je vous donne quinze minutes pour quitter l'immeuble.”
 
Le monde de Julio s'écroulait sous ses yeux. Il se retrouvait à la rue, sans emploi, avec une réputation ternie et sans possibilité de s'expliquer. Qu'allait-il se passer lorsque le cercle des avocats de la ville de Washington apprendrait que Webster, Baxter et Jones l'avaient jeté comme un vieux chiffon ?
 
“Il faut que je sois fort,” pensa Julio. “Après tout, je n'ai rien fait de mal. J'ai payé l'argent que je devais. D-ieu est mon témoin. J'aime la ville de Washington et je ne vais pas fuir comme un voleur. Il arrivera ce qui doit arriver !”
 
Julio déambulait le long de la rivière Potomac. Le cadre enchanteur lui permettait de retrouver son esprit et de communiquer avec D-ieu. “Quel est le problème ? Je n'ai pas besoin d'un budget important pour survivre. Le pain et l'eau ne coûtent pas cher ! Je serai mon propre patron. Demain, j'ouvre mon cabinet d'avocat !”
 
Quelques jours plus tard, Julio ouvrait son bureau : un petit appartement miteux – au-dessus d'une épicerie – dans un quartier pauvre de la ville. La moitié de l'appartement était réservé à son bureau et l'autre moitié… à son propre logement. De fait, il avait dû se séparer de son bel appartement dans le quartier des avocats : ses revenus ne lui permettaient plus d'en payer le loyer. Bientôt – pensait-il – il pourrait trouver quelque chose de plus convenable. Sa carrière d'avocat prenait un début qu'il n'avait pas envisagé : il défendait les drogués et les petits voleurs du quartier.
 
Quelques fois, il le faisait sans recevoir d'honoraires en échange. Jours après jours, il gagnait l'affection et l'admiration des gens de son quartier. En quelques semaines, les commerçants du quartier commencèrent à s'adresser à lui pour des affaires plus importantes et plus… rémunératrices. Julio commençait à goûter au succès et il appréciait de plus en plus sa nouvelle situation.  
 
* * *
 
Plusieurs mois passèrent. Paul Baxter se trouvait dans la ville d'Annapolis pour l'affaire “Gerson vs. l'État de Maryland.” Il était accompagné par un jeune associé et par un “clerk”. Baxter s'installa à la place réservée au plaignant et ouvrit l'épais dossier qu'il avait amené avec lui de son bureau. En l'ouvrant, un bout de papier s'échappa et alla se poser à ses pieds. Baxter le ramassa et s'aperçut qu'il s'agissait d'un chèque. Tandis qu'il l'examinait, son visage devint blanc. Il s'agissait du chèque de cinq cents dollars rédigé par Julio, quelques mois auparavant. Il n'en croyait pas ses yeux !
 
Baxter avait de la difficulté à trouver sa respiration. Son souffle devenait tellement lourd qu'il dut déboutonner le bouton du col de sa chemise et défaire en partie le noeud de sa cravate.
 
La cour n'était pas habituée à un tel comportement, particulièrement de la part d'un avocat de la réputation de Baxter. Le sentiment de gêne – mêlé à celui de culpabilité – pesait extrêmement lourd sur la poitrine de Baxter. Gonzales Julio avait bel et bien payé son prêt à temps. Maintenant, il commençait à se rappeler : la conversation téléphonique orageuse avec le procureur, Julio qui lui tendait son chèque et ce dernier qui avait trouvé sa place dans le dossier de l'affaire en cours.
 
“Maître !” Le président du tribunal essayait – en vain – d'attirer l'attention de Baxter. Celui-ci semblait ailleurs, rêveur. La faute qu'il avait commise envers Gonzales empêchait Baxter de remplir son rôle d'une façon adéquate.
 
George Gerson était furieux de constater le comportement de son avocat. “Baxter, permettez-moi de vous dire que je n'ai jamais vu cela de ma carrière ! Je pense que ma femme de ménage m'aurait mieux défendu que vous. Si nous perdons, vous pourrez effacer mon nom de votre registre des clients. Je vous conseille fortement de faire attention à votre réputation car si cela devait arriver une nouvelle fois, votre carrière serait finie !” Gerson quitta le tribunal en rage.
 
Paul Baxter avait pensé que l'incident avec Gonzales s'évaporerait tout seul, avec le temps. Il s'apercevait maintenant qu'il s'était lourdement trompé. Dans les jours qui suivirent, les trois associés principaux du cabinet d'avocats essuyèrent une série inexplicable de revers et la stabilité de la firme semblait devoir être remise en question. Après plusieurs nuits blanches, Baxter informa Webster et Jones de la découverte qu'il avait faite quelques jours auparavant.
 
Jones ne fit aucun effort pour cacher son agacement. “L'idée de l'embaucher ne me plaisait pas tellement, mais personne n'a pensé à me consulter à propos de son licenciement. Je ne suis pas tellement croyant, mais je suis persuadé que nous sommes en train de payer dix fois le mal que nous avons fait à ce jeune homme. Trouvez-le et rembauchez-le immédiatement. Vous lui donnerez également trois mois de salaire comme compensation !”
 
Webster acquiesça de la tête pour montrer son accord de principe. La tâche de localiser Gonzales fut confiée à Baxter. Après tout, c'était lui qui était à l'origine du problème.  
 
La secrétaire de Baxter téléphona aux renseignements et en moins de tant qu'il ne faut pour le dire, elle obtint le téléphone de Julio. Après s'être présentée, elle bascula la communication sur le poste de Baxter. Julio ne s'attendait pas à un tel appel de son ancien patron.
 
"Mr. Gonzales, c'est Paul Baxter au bout du fil.” Au-delà de cette phrase, Baxter ne savait plus ce qu'il devait dire. Seul un raclement de gorge sorti de sa gorge. Lui qui était un beau parleur, semblait avoir perdu l'atout principal qu'il possédait.
 
Julio sentit qu'il devait dire quelque chose. Sans y réfléchir, il adopta un ton enjoué. Il semblait parler à un vieil oncle qu'il n'avait pas vu depuis longtemps. “Bonjour Mr. Baxter ! Comment allez-vous ? Puis-je faire quelque chose pour vous ?”
 
“Je ne sais vraiment pas comment formuler ce que j'ai à vous dire. Je sais seulement que je dois vous présenter mes excuses. J'ai trouvé votre chèque de cinq cents dollars dans un des mes dossiers. Apparemment, je l'avais placé là par erreur. Je vous ai accusé à tort de vouloir vous dérober face à vos obligations et de me mentir. J'ai eu tort, terriblement tort.”
 
“Mr. Baxter, j'apprécie votre appel et vos excuses. Cependant, je ne voudrais pas vous laisser croire qu'un simple appel téléphonique pourrait réparer le tort que vous m'avez fait. Votre ton conciliant est certainement agréable à entendre, mais il ne peut effacer l'angoisse et l'humiliation dont j'ai été victime en public.”
 
“Nous sommes prêts à vous rembaucher et à vous payer trois mois de salaire de compensation…”
 
“J'apprécie énormément votre offre, mais je préfère ne pas l'accepter. Par la grâce de D-ieu, mon modeste cabinet est florissant. Même si mes clients ne possèdent pas la stature sociale des vôtres, la majorité d'entre eux sont de véritables êtres humains.”
 
Julio essayait de faire très attention aux mots qu'il employait. “Tout ce que je vous demande, c'est d'encaisser mon chèque de cinq cents dollars. Avoir été mis à la porte de Webster, Baxter & Jones est certainement la plus belle bénédiction que j'ai reçue jusqu'à ce jour. Je sais que vous pensez que vous n'avez rien à apprendre d'un jeune homme de vingt-sept ans ; après tout, je suis un simple “mouchacho”. Cependant, si vous aviez été un juge, vous auriez accusé un homme innocent. Pensez sérieusement à cela : auriez-vous agit de la sorte si mon nom avait été Marshall ou Monroe?  
 
Dans votre propre intérêt, faites-vous une promesse : celle de ne plus jamais arriver à une fâcheuse conclusion simplement à cause de stéréotypes et de préconceptions. Ceci est la seule compensation que je vous demande.”
 
Baxter avait pensé que Gonzales profiterait de la situation pour obtenir un dédommagement financier très important ; il pensait même que Gonzales essaierait d'obtenir uns forme d'association dans le cabinet. Une fois de plus, Baxter devait constater qu'il avait mal jugé le jeune avocat de El Paso. Baxter remit le combiné téléphonique à sa place et il mit sa tête entre ses mains. “Ce jeune homme est un ange,” murmura-t-il. “Je ferais mieux de réfléchir sur mon comportement dans le futur.”
 
Morale de l'histoire
 
Lorsque Julio montra le talon de chèque comme preuve qu'il avait payé son prêt, Baxter aurait pu simplement lui demander d'annuler le chèque et d'en rédiger un nouveau pour le remplacer. Après les six mois que Julio avait passé à travailler dans le cabinet d'avocats, son travail impeccable et sans reproches auraient du permettre à Baxter de mettre de côtés touts les préjugés et préconceptions qu'il avait et qui ont anéanti sa capacité à discerner.
 
La plupart du temps, la colère que nous ressentons envers les autres est sans fondement, basée sur des idées fausses, malentendus, stéréotypes et autres préconceptions. Dans tous les cas, ces sentiments nous emmènent à arriver une mauvaise conclusion. Lorsque nous nous débarrassons de ces stéréotypes et de ces préconceptions, une partie importante de la colère que nous éprouvons dans notre vie disparaît en un claquement de doigt.
 
L'histoire ci-dessus démontre également que la foi tient une place importante dans notre vie. Julio craignait que son nom soit terni et que sa réputation devienne un obstacle insurmontable à la carrière qu'il envisageait. Il fut surpris de découvrir que les évènements prirent un chemin d'une direction diamétralement opposée. De fait, il s'aperçut que sa malchance apparente était réellement une bénédiction déguisée de D-ieu.
 
Julio n'avait jamais pensé pouvoir ouvrir son propre cabinet d'avocat. La Créateur n'avait pas besoin d'une lettre de recommandation de Webster, Baxter & Jones dans le but d'établir fermement Julio dans sa nouvelle profession et de lui fournir un poste plus gratifiant et plus rémunérateur. Le Maître du monde peut rendre les rêves les plus fous réalité. Non seulement le nom de Julio garda son honneur intact, mais son prestige grandit jour après jour.
 
Même s'ils n'ont jamais pleinement réalisé la “Main” de D-ieu, Webster, Baxter & Jones se sont aperçus que les évènements ne prenaient pas une tournure favorable pour leur firme. De plus, ils ont reconnu que cette situation trouvait son origine dans l'injustice qu'ils avaient commise envers une autre personne. La vie ressemble quelque fois à roulette de casino : en quelques secondes, un gain important probable peut se transformer en une perte sèche.
 
L'histoire du pneu crevé 
 
Éric Dahan2] entendit une bruit sourd qui provenait de l'arrière droit de sa Jeep. Il arrêta son véhicule afin d'aller constater quel était le problème. Il était exactement 12 : 00 et le soleil brûlant du désert semblait tout roussir sous l'effet de ses rayons. Éric ne fut pas long à comprendre la nature du problème : un pneu venait d'éclater.
 
Alors qu'il s'apprêtait à retirer la roue de secours de son compartiment, Éric fut consterné en s'apercevant qu'elle aussi était à plat. “Sans doute, le pneu n'aura-t-il besoin qu'un peu d'air;” réfléchit-il, “cela me permettrait ainsi de me rendre jusqu'à la prochaine station-service.” Éric se sentait chanceux d'avoir toujours une pompe prête à l'usage dans sa voiture : il était certain que ce jour-là, la pompe lui serait d'un secours primordial.
 
Il se trompait ; Éric essaya bien de gonfler la roue de secours, mais celle-ci avait été endommagée plusieurs semaines auparavant. Il avait oublié de la faire réparer et son état était tellement déplorable qu'il se rendait compte qu'elle aussi, il devrait la remplacer. La situation ne semblait pas reluisante: il était coincé dans le désert et la station-service la plus proche était à plus de 9 kilomètres.
 
Sans autre alternative envisageable, Éric se résolut à prendre le pneu le moins abîmé des deux, deux bidons d'eau et il commença à se diriger d'un pas décidé vers la station-service.
 
Le soleil ardent frappait durement sur sa tête. Après avoir parcouru 3 kilomètres – et plus de 6 kilomètres encore à faire – les élancements dans son dos se faisaient de plus en plus douloureux. Devoir se pencher continuellement pour faire rouler le pneu s'avérait plus difficile que ce qu'Éric avait pensé. “Le propriétaire de la station-service me demandera certainement de lui donner cinquante dollars pour réparer mon pneu” pensait-il. Sans concurrence aux alentours, Éric était persuadé qu'il était une proie facile pour un commerçant sans scrupules.  
 
Éric marcha encore pendant plus d'une heure ; il se trouvait maintenant à 3 kilomètres du garage. Les deux bidons d'eau étaient vides et sa gorge devenait rapidement – et dangereusement – sèche. “Je suis prêt à parier que le garagiste se fera un plaisir de me dépouiller de tout ce que j'ai. Ce n'est pas cinquante dollars qu'il me fera payer lorsqu'il verra mon état, mais plutôt quatre-vingt dollars ! De plus, je suis certain qu'il me demandera un prix exorbitant pour me conduire à ma voiture.” 
 
Son cerveau était tellement chaud, qu'Éric avait l'impression qu'il fondait. Des visions apparaissaient de plus en plus fréquemment à ses yeux et la vue de mirages se multipliaient. Avec chaque pas qu'il faisait, il imaginait que le garagiste lui demanderait un prix de plus en plus élevé. Lorsqu'il aperçut la station-service à l'horizon, il était arrivait à la conclusion que le garagiste lui demanderait environ trois cents dollars !
 
Épuisé, il poussa la porte d'entrée de la station-service. Le propriétaire des lieux l'accueillit avec le sourire et… une bouteille d'eau fraîche. “Je vous conseille de boire rapidement cela, vous semblez…”
 
Éric laissa aller sa colère: “Je vous préviens qu'il est hors de question que je vous paye trois cents dollars pour un pneu crevé ! Que diable pensez-vous…?”
 
“Un instant, monsieur,” protesta le propriétaire. “Regardez vous-même le tableau des tarifs : je demande 25 dollars pour un pneu crevé et si votre voiture se trouve à moins de 12 kilomètres du garage, je vous accompagnerais avec plaisir… et sans vous faire payer. Vous savez, les gens de la région sont toujours contents d'aider un ami qui en a vraiment besoin.”
 
Morale de l'histoire 
 
Éric fut la victime de l'accumulation de facteurs défavorables : le soleil brûlant du désert, la soif de plus en plus intense, la peur d'être la proie d'un commerçant sans scrupules l'amenèrent à formuler une conclusion complètement farfelue. Dans la situation du propriétaire de la station-service, Éric aurait sans doute profité de la situation. Par conséquent, il projeta ses propres défauts sur le propriétaire du garage et il devint persuadé de la malhonnêteté de ce dernier. Avant même que le garagiste puisse ouvrir la bouche pour prononcer un mot, Éric était en colère contre lui !
 
Cette colère explique l'attitude agressive d'Éric lorsqu'il entra dans la station-service. Cela est souvent le cas: la réalité se révèle différente de ce que nous pensions qu'elle serait et notre conclusion découvre au grand jour nos imperfections.  
 
Cinq aspects qu'il est important d'avoir à l'esprit si l'on désire extirper la colère que nous pourrions éprouver contre les autres
 
1. Les personnes en colère – comme les tyrans – basent leurs jugements sur des évidences superficielles ou circonstancielles.
 
2. Les personnes en colère – comme les tyrans – violent le principe “toute personne est innocente tant qu'elle n'a pas été trouvée coupable”. Ces personnes n'accordent jamais le bénéfice du doute et par conséquent, elles considèrent toutes les personnes coupables… tant qu'elles n'ont pas été trouvées innocentes.
 
3. Les personnes en colère – comme les tyrans – utilisent le plus souvent des détails pour arriver à une fausse conclusion. La plupart du temps, elles ignorent un facteur primordial qui leur permettrait d'arriver à une conclusion diamétralement opposée et d'innocenter les autres.
 
4. Les personnes en colère – comme les tyrans – basent leur jugement sur des stéréotypes et des préconceptions. De plus, elles arrivent à la conclusion avant d'avoir réellement examiné les faits.
 
5. Les personnes en colère – comme les tyrans – projettent le plus souvent leurs propres faiblesses, doutes et autres défauts sur les autres et elles arrivent conséquemment à de fausses conclusions.
 
Les cinq points cités ci-dessus peuvent se résumer à un principe de base qui nous permettra de rencontrer le succès dans nos relations avec les autres : Il faut toujours juger les autres personnes d'une façon équitable et avec – au moins – la même tolérance et compréhension que nous utiliserions à notre égard. Si nous ne sommes pas certains que l'autre personne est coupable d'avoir commis une injustice, nous devons lui accorder le bénéfice du doute.
 
Dans ce cas, c'est nous qui serons les gagnants : nous aurons extirpé le sentiment de colère que nous étions prêts à ressentir envers une tierce personne. Lorsque nous jugeons une tierce personne d'une façon équitable, nous atteignons la paix intérieure !   
 
 
[1] "Julio" (les noms des personnes et des lieux ont été changés pour le respect de la confidentialité) et moi sommes devenus de bons amis grâce à un client commun : un prisonnier à qui je rendais régulièrement visite et que Julio défendait au tribunal.
 
[2] Noms des personnes et des lieux changés pour respecter la confidentialité. L'auteur a entendu cette histoire du propriétaire d'une station-service.

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