D’où mon bois viendra-t-il ?

"Si tu avais entrepris cette affaire sans une telle foi obstinée et puissante, tu n'aurais pas prospéré. Ta propre foi t'a ouvert les portes du succès."

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Yair Weinstock

Posté sur 06.04.21

Yits'haq Nudel – un riche marchand de bois – était entrain de planifier son voyage annuel dans les grandes forêts des environs. Chaque année, quand les neiges commençaient à fondre, il visitait ces forêts et négociait avec les comtes et les nobles qui les possédaient. Après avoir déterminé un prix, il achetait une énorme quantité d'arbres. Ensuite, un grand nombre de bûcherons coupaient les arbres et envoyaient les troncs, en rangée, en les faisant flotter sur une rivière avoisinante.
 
Plus tard, dans ses immenses usines, d'autres employés transformaient ces troncs en tableaux, chaises, tables, etc. et autres produits en bois.
 
L'entreprise commerciale d'Yits'haq s'étendait très loin. Il était connu comme l'un des plus grands marchands de bois et aussi comme un philanthrope généreux qui avait toujours la main ouverte pour ceux qui se trouvait dans le besoin…
 
Il lui semblait que le soleil brillerait toujours pour lui. Cependant, une année, son affaire commençait à péricliter. Un de ses clients mourut et son fils – qui avait pris la suite dans l'entreprise familiale – refusa de faire affaire avec Yits'haq. Un second client décida de prendre contact – pour la première fois depuis des années – avec un des concurrents d'Yits'haq. De plus, un de ses fournisseurs importants en bois dut faire face à un immense feu qui avait brûlé sa forêt cet été là, détruisant des milliers d'arbres.    
 
En bref, la chance d'Yits'haq tourna. De fait, une fois qu'il commença à rencontrer des difficultés, ces dernières se firent de plus en plus fréquentes et difficiles à relever. En homme d'affaire expérimenté, il avait naturellement pensé à se protéger contre une épreuve de ce genre. Afin de se préparer pour le jour où il ne serait pas en position d'acheter les arbres dont il aurait besoin, il avait construit d'immenses entrepôts et stocké des milliers de troncs d'arbres à l'intérieur ; cela représentait son assurance pour les mauvais jours.
 
"Dans les entrepôts ! " ordonna-t-il à ses employés.
 
Les hommes revinrent tout de suite, avec un air abattu.
 
"Que s'est-il passé ? " demanda Yits'haq alarmé. Dans ses pires cauchemars, il n'aurait jamais pu imaginer leur réponse : "Tous les arbres ont pourri ! "
 
"Tous ? "
 
"Chacun d'entre eux. La moisissure a dévoré les troncs de l'intérieur et en a fait des troncs évidés."
 
L'esprit d'Yits'haq ne fit qu'un quart de tour. "Jurez-moi que vous ne parlerez de cela à personne" ordonna-t-il. "Si la nouvelle de cette catastrophe se répand, mes créanciers viendront tous pour me réclamer ce que je leur dois. Quant à vous, vous souffrirez autant que moi. Gardons nos lèvres scellées et nous traverserons ces temps difficiles ensemble. Avec l'aide de D-ieu, je m'en sortirai de nouveau et vous pourrez continuer à gagner votre vie avec moi." 
 
Les employés consentirent à garder le secret. Personne ne fût au courant de la chute du marchand. Cependant le désespoir s'installa dans le coeur d'Yits'haq; cela arrivait surtout lorsqu'il était forcé de tourner le dos aux collecteurs de bienfaisance qui étaient habitués à recevoir des dons généreux de sa part. En raison d'évasives excuses, il se débrouilla à différer ses contributions à une date antérieure, tout en évitant des explications. À la synagogue et dans la rue, il gardait un visage serein. Mais combien de temps encore serait-il capable de garder son secret ?
 
Sa famille, accoutumée à une vie choyée, commençait pour la première fois à mettre de côté de la nourriture pour le jour d'après. Même l'argent pour le pain était rare. Combien de temps pouvait-il prétendre que tout allait bien avant que quelqu'un ne découvre la vérité ?  
  
Yits'haq devînt comme l'ombre de lui-même. Sa conscience le blessa. "C'est à cause de moi", se dit-il, "[D-ieu] humilie le hautain." J'étais fier de ma richesse qui n'était pas la mienne, de l'argent qui m'avait été accordé par le Ciel. Maintenant le Créateur a repris l'argent et a transformé ma bonne fortune en échec."      
 
Ces réflexions continuèrent à le tourmenter, à le ronger jusqu'aux os.
 
Une visite de Monsieur Raskas – un ancien agent de forêt – mit du sel dans les blessures d'Yits'haq.  
 
Raskas était venu pour proposer une excellente affaire commerciale: le propriétaire qui possédait la ville la plus proche – et avec lequel Yits'haq n'avait encore jamais conclu d'affaire – désirait vendre sa forêt à Yits'haq. L'affaire était supposée réaliser un très bon profit pour le marchand de bois.
 
"Et combien demande-t-il pour sa forêt ? " demanda Yits'haq, en simulant l'indifférence. Intérieurement, son coeur battait très vite.
 
"C'est vraiment une affaire ! 2 000 roubles en espèces. Mais pas un kopek de moins ! Le propriétaire est catégorique : ou bien il reçoit 2 000 roubles en espèces, ou bien l'affaire n'aura pas lieu. S'il n'avait pas été dans une situation financière si difficile en ce moment, il n'aurait jamais proposé un prix aussi bas."
 
Très tôt ce matin-là, Yits'haq avait fait l'inventaire de ce qu'il possédait. Ses yeux s'assombrirent de tristesse en réalisant que, de tout ce qu'il possédait, il ne lui restait que seulement 200 roubles. Cela représentait seulement dix pour cent du prix que le propriétaire demandait pour la forêt. Cette affaire inattendue – qui se présentait juste à ce moment – semblait avoir été envoyée du Ciel. Une dernière chance pour se sauver.
 
"Reviens demain," demanda Yits'haq. "Nous ne parlons pas d'une somme insignifiante, après tout. Il me faut un peu de temps pour rassembler l'argent."
 
Lorsque Raskas partit, Yits'haq leva les yeux au ciel. Logiquement, il n'avait aucune bonne raison à avoir demandé à Raskas de revenir le lendemain. Il était maintenant sur la paille et la paille était tout ce qu'il possédait. D-ieu seul pouvait l'aider maintenant. Son coeur supplia une miséricorde divine.   
 
Il était encore assis là, perdu dans ses pensées, quand un ami vint lui rendre visite. L'homme en question était un riche marchand – comme Yits'haq l'avait été – et jadis, ils avaient collaboré dans plusieurs affaires ensemble.
 
Yits'haq se tourna vers lui avec une proposition qui ne pouvait être refusée : "Investis 1800 roubles avec moi, pour l'achat d'une grande forêt," lui suggéra-t-il. "Nous serons partenaires égaux dans les profits. Cinquante-cinquante."
 
Son ami hésita un moment, évaluant la question. On lui demandait de mettre une petite fortune comme investissement. D'un autre côté, il y avait la perspective d'immenses profits. Yits'haq semblait plus vigoureux que jamais et il n'était pas le genre à spéculer dans des aventures risquées.
  
L'ami inclina sa tête et serra la main d'Yits'haq pour l'affaire. Ensuite, il alla chez lui pour apporter l'argent. 
 
Yits'haq respira profondément. Il avait maintenant les 2000 roubles dont il avait besoin: 200 de lui et le reste que son ami avait investi. Une forte impulsion le traversa : une envie soudaine de courir dans la ville voisine et donner l'argent au propriétaire avant qu'il ne regrette son offre. Mais il ne ferait pas un tel geste sans demander le conseil de son rabbi. C'était sa dernière chance. S'il échouait – que D-ieu préserve – il serait réduit à mendier dans les rues !
  
Yits'haq se rendit chez son rabbi – le rav Ya'aqov – et lui remit une lettre lui demandant une bénédiction pour réussir dans une affaire très risquée. La lettre était accompagnée d'un rouble.
   
“Le rabbi sera sans aucun doute surpris”, pensa Yits'haq. “Il va se demander pourquoi cet homme si généreux dans le passé est subitement si avare. Mais, n'ayant pas d'autre choix, je ne serais pas honteux de donner juste un rouble ! ” 
 
Le rabbi lut la lettre ; il sortit ensuite sortie la pièce de monnaie de l'enveloppe; à sa vue, il afficha une certaine expression de mécontentement. Il se trouna vers Yits'haq en lui disant : "Ce don ne convient pas à une aussi grande entreprise. Nous parlons d'une affaire qui vaut des milliers de roubles." Sans hésiter, il remit le rouble à Yits'haq.  
 
Déconcerté, Yits'haq ouvrit son porte-monnaie et en sortit une pièce de trois roubles qu'il avait préparé pour son trajet chez le propriétaire. Il espéra de tout son coeur que le rabbi serait satisfait.
 
Cela ne fut pas le cas : "Ce n'est pas ce que je voulais dire," dit le rabbi d'un ton ferme. "Montre-moi ton porte-monnaie." 
 
Si Yits'haq fut surpris, il ne le montra pas. Avec un visage impassible il déposa son porte-monnaie – contenant les 2000 roubles – sur la table.
  
Le rabbi sortit les liasses de billets. Il mit de côté la plus large liasse de 1800 roubles et pris la petite, qui contenait 200 roubles.  
 
Yits'haq sentit qu'il allait s'emporter de colère. Il ne pouvait attendre un moment de plus avant de parler franchement au rabbi.
 
"Rabbi, vous faites erreur ! cria-t-il. "Je ne suis plus Yits'haq, le marchand prospère, qui possédait autant d'argent que le mer a de sable, qui était le premier à donner pour chaque mitswa et qui était toujours impatient de donner à qui se trouve dans le besoin, avant même qu'on le lui ait demandé ! Je dois vous révéler mon secret: ma chance a tourné. Je suis maintenant pauvre. Si ma situation ne s'améliore pas rapidement, je serais très vite réduit à faire l'aumône. Cette affaire est ma dernière chance. Si je réussis, peut-être redeviendrais-je ce que j'étais avant. Et si j'échoue… Que le Ciel ait pitié de moi ! "
 
Il termina sa révélation en disant : "Ainsi, bien que je sais que le rabbi a besoin de cet argent pour une mitswa importante, cette fois-ci je ne peux donner une telle somme, comme j'avais l'habitude de le faire. Je dois me satisfaire avec un don symbolique car autrement, il me serait impossible de remettre la somme de 2000 roubles au propriétaire de la forêt que je désire acheter. Les 1800 ne sont même pas à moi."  
 
L'explosion émotionnelle ne sembla faire aucune impression sur le rabbi. "Yits'haq, ne soit pas stupide. Le propriétaire te laissera du temps pour lui payer la somme entière. Même si tu lui donnes seulement 1800 roubles maintenant, tu ne perdras pas l'affaire. Demande-lui de t'accorder un délai de quelques jours afin de lui payer les 200 restants. Explique-lui que si ton affaire réussit, tu seras capable de le faire dans un futur proche."
 
Fidèle dans sa foi en la sagesse du rabbi, Yits'haq se rendit dans la ville à proximité. Le propriétaire était familier avec la bonne réputation du marchand de bois et il savait qu'il pouvait absolument compter sur son intégrité. Il accepta de vendre sa forêt pour 1800 roubles et d'attendre quelques temps pour le reste de la somme.
 
La roue de la fortune d'Yits'haq – qui avait atteint le fond – commença de nouveau à tourner. Il vendit ses arbres à un bon prix et même après avoir divisé les profits avec son partenaire, il lui restait 1000 roubles en espèces. Il avait était le témoin de l'accomplissement des mots "Il humilie le hautain" (Isaïe 10:33), maintenant il voyait se réaliser : "Il élève le pauvre." (Psaumes 113:7)
   
Yits'haq leva ses yeux de gratitude. "Merci," murmura-t-il à son Créateur. "Après m'avoir jeté au fond du puits, Tu as sorti mon âme de la tombe ! "
 
Son profit en poche, il se rendit chez le propriétaire et paya sa dette de 200 roubles. Ensuite, il retourna chez le rabbi. Cette fois-ci avec un don de 500 roubles.
  
Rav Ya'aqov accepta la lourde liasse de billets, en sorti un billet d'un rouble et rendit tout le reste à Yits'haq.
 
"Je ne comprends pas" Yits'haq bégaya de confusion. "J'ai donné cet argent de bon coeur."
 
Le rabbi sourit. "Je le sais, mon fils. Mais un jour, tu as voulu me donner seulement un rouble. Je le prends maintenant." Il fit une pause et ajouta : "Est-ce que tu crois que ton rabbi est devenu affamé d'argent ? Que je ne pourrais pas être satisfait avec moins de 200 roubles et que j'ai fermé mes oreilles aux supplications du pauvre Yits'haq ? ”  
 
"Sache ceci:" dit le rabbi et en prononçant ces paroles, son visage se mit à  rayonner ; "Quand tu vins me voir ce jour-là, je savais que ta fortune était sur le point de s'écrouler, encore plus que ce que tu imaginais… Si tu avais donné au propriétaire les 200 roubles, tu n'aurais vu aucun signe de bénédiction pour le reste de ta vie ! ”
 
"C'est pourquoi j'ai pris tout ce que tu avais. Le seul argent en espèce que tu as réellement donné au propriétaire, fut l'argent qui n'était pas à toi. C'est la raison pour laquelle tu as réussi."

Le rabbi ajouta un dernier mot : "Si tu avais entrepris cette affaire sans une telle foi obstinée et puissante, tu n'aurais pas prospéré. Ta propre foi t'a ouvert les portes du succès. Bien plus que ce que j'ai fait en ton nom. Et maintenant, la richesse ne te quittera plus – ni tes descendants – pour beaucoup, beaucoup de générations ! ”

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