Fille de Roi

Tsniout, la pudeur : un mot qui peut avoir tant de contextes, qui donne lieu à tant de spéculations et d’idées fausses quand il s’agit de la femme juive.

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Yael Levy

Posté sur 08.11.21

 Tsniout, la pudeur : un mot qui peut avoir tant de contextes, qui donne lieu à tant de spéculations et d’idées fausses quand il s’agit de la femme juive.

Ça s’est passé au Jardin d’Eden, avant la faute d’Adam, le premier homme, lorsqu’Eve et lui mangèrent le fruit interdit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal. C’était le seul arbre dont il leur était défendu de manger, et tous deux étaient nus et « n’avaient pas honte ». Pourquoi ? Selon la Cabale, l’essence d’Adam et Eve était très spirituelle, une vraie lumière spirituelle, avec le contour délicat de la forme du corps. La seule conscience qu’ils avaient d’eux-mêmes était spirituelle, ni physique, ni corporelle. Hachem créa leur corps délicats comme un habit de leur âme, c’est pourquoi ils n’avaient pas besoin de vêtements et n’avaient pas honte.

« Et ils étaient tous deux nus, l’homme et sa femme, et ils n’avaient pas honte » (Genèse ב, כה).

Après leur péché, Adam et Eve rabaissèrent le monde à un niveau matériel-corporel bien plus bas que son niveau original, ce qui les rendit plus matériels. Leur peau devint plus épaisse et rugueuse et recouvrit leur âme au lieu de la dévoiler. Leur corps, qui prit le devant de la scène de par sa nature plus concrète, devint plus dominant que l’âme. Adam et Eve cousirent des feuilles de figuier et en firent des vêtements afin de se recouvrir, ce qui renforça le fait que le corps est la chose la plus frappante chez l’homme, pas l’âme. Non seulement cela, mais il est aussi distinct de l’âme. Le Créateur du monde appelle Adam : « Où es-tu ? », et  Adam répond  « J’ai entendu Ta voix dans le jardin, et j’ai eu peur parce que je suis nu, et je me suis caché » (Genèse, ג, י). C’est à cet instant que la honte a commencé à exister dans le monde. Et puisque Adam et Eve voulaient recouvrir leurs corps, le Créateur leur fit, en conséquence, des vêtements de cuir.

Et c’est ainsi qu’est né le monde de la mode…

L’amendement de cette chute spirituelle se trouve dans les lois que la Torah nous donne sur la pudeur. Des lois qui viennent corriger la proéminence du corps, son extériorité, et renforcer l’intériorité et le caractère infini de l’âme, tels qu’ils l’étaient à la création d’Adam et Eve.

Très intéressant, mais celui qui s’habille pudiquement sait que le visage est la partie la plus « vulnérable » du corps. Pourquoi ? Parce que le visage dévoile qui nous sommes, notre spécificité, notre vitalité, notre personnalité et notre sagesse. Beaucoup de choses en nous se voient dans nos yeux, qui sont proches de l’endroit où se trouve notre âme. Et il est dit à leur sujet – les yeux sont la fenêtre de l’âme. Ils révèlent aussi des restes de la lueur spirituelle d’Adam, le premier homme.

Si vous y réfléchissez une seconde, comment reconnaissez-vous quelqu’un ? Par ses mains ? Son corps ? Non ! Seulement par son visage !

En hébreu le mot visage se dit panim, il est toujours au pluriel et il y a une raison à cela. Le visage a deux aspects : interne et externe. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle on écrit le mot pnim (intérieur), avec les mêmes lettres que panim (visage), car le visage de l’homme manifeste son intériorité, et son intériorité illumine son visage. Nous devons donc toujours aspirer à atteindre une certaine harmonie entre notre apparence et notre intériorité.

Avant que je ne me rapproche de la Torah et des Mitsvotes (commandements), je ressentais une sorte de pitié pour les religieux à cause de leur « uniforme », et c’est comme si un mur imaginaire s’était élevé entre eux et moi. Car je me disais, « pourquoi doivent-ils s’habiller ainsi ? » Et aussi -à ce moment-là de ma vie, je n’étais pas encore en mesure de le comprendre – il y avait cette distinction : « eux » et « nous », deux groupes distincts et différents, au lieu de tous nous voir comme une seule âme en un seul corps : le peuple d’Israël. Mais avec le temps, en apprenant à connaitre les « autres », j’ai vu la singularité de ces gens religieux, que j’ai rencontrés et avec qui j’ai parlé, et bien entendu, j’en ai été touchée. En peu de temps, je n’avais plus d’avis à donner sur « l’uniforme » de qui se tenait face à moi ou sur son apparence.

C’est drôle, mais le monde pense que les religieux sont conformistes et qu’au contraire, les non religieux qui s’habillent comme bon leur semble sont ceux qui expriment leur personnalité à travers leurs vêtements. Mais en vérité, qui est conformiste ? Qui vit et respire ce que dictent toutes sortes de créateurs qui disent de porter ça aujourd’hui et demain, autre chose ? Le vêtement témoigne-t-il de qui est celui qui le porte ? Que révèlent les vêtements d’aujourd’hui sur ceux qui les portent ? Nous pouvons choisir d’être esclaves des idées folles de toutes sortes de créateurs, ou bien véritablement libres –serviteurs d’Hachem ; mais pas les deux.

J’ai rencontré beaucoup de femmes qui s’habillent tsanoua (pudiquement), et cette tsnioute (pudeur) reflète et fait justement ressortir leur dimension intérieure et spirituelle, leurs particularités et leur personnalité de façon bien plus dynamique et vivante. S’habiller tsanoua ne veut pas dire qu’une femme doit perdre sa créativité, ma façon de m’habiller est créative : je porte des couleurs que j’aime, qui expriment ma personnalité.

Et puis il y a les femmes, que j’ai aussi rencontrées et avec qui j’ai discuté, qui disent que s’habiller tsanoua, « ce n’est pas elles ». Personnellement, je pense que c’est justement le contraire qui est vrai. Je me souviens que quand j’ai commencé à porter des vêtements pudiques, en réaction à un certain évènement dans ma vie,  j’ai voulu m’habiller moins tsanoua. Je savais que ma réaction était purement émotionnelle et que j’aimais en principe le style tsanoua, mais quelque chose d’inexplicable, comme une pulsion, me donna envie d’acheter un pantalon (le plus pudique possible). Ce fut épuisant. Je passais de magasin en magasin,  j’essayais, insatisfaite. Je fis des rues de magasins, jusqu’à trouver la perle rare. Au fond de moi, je savais qu’il ne resterait pas au fond de mon armoire, mais que faire ? Mon yesterara  (mauvais penchant) commença à s’agiter en moi et impossible de l’arrêter. J’ai porté ce pantalon trois fois, puis je l’ai donné à une boutique de seconde main.

Grace à cet « épisode du pantalon », j’ai découvert quelque chose d’intéressant : moi-même, qui je suis vraiment. Et ce vrai « moi » était vraiment mal-à-l’aise en pantalon, et il l’est toujours. Je ne voulais pas non plus paraitre comme tout le monde et m’habiller comme tout le monde, comme le dicte la mode, car quelle inspiration y a-t-il là-dedans ?

Cette course au pantalon dans les magasins m’a guidée vers ce « moi » qui fait partie de quelque chose de plus haut, d’une lumière infinie.

Et j’ai découvert que je suis une fille de Roi.