La simplicité #1

La vie peut être simple ou compliquée. Tout dépend de ce qu'on en fait. Rabbi Na'hman nous conseille de la simplifier au maximum. Cela ne dépend que de nous...

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le Rav 'Haïm Kramer

Posté sur 06.04.21

«Lorsque je prie et que je mentionne le Nom saint de D-ieu», demanda un jour quelqu'un à Rabbi Na'hman, « quelles pensées profondes, quelles intentions dois-je avoir à l'esprit ? »

 «Le sens simple – l'Éternel – ne te suffit-il pas ? » répondit Rabbi Na'hman (Tsadiq, # 414).
 
* * *
 
Quiconque a l'habitude des enseignements de Rabbi Na'hman sait qu'à cet égard, Rabénou parlait de son sujet favori : le Service divin. Pour le Rabbi, ce point renferme absolument tous les aspects de la vie. On aurait pu, dans ce cas, s'attendre à ce que la réponse de Rabbi Na'hman à son disciple fût une explication longue et complexe de la grandeur de D-ieu, Sa force, la crainte vénérée qu'il inspire. Son omnipotence… La réponse de Rabénou fut néanmoins tout autre. En fait, elle fut on ne peut plus simple: que pouvait avoir à l'esprit son adepte ? D-ieu, ni plus ni moins.
 
La vie peut être simple. Elle peut être compliquée. Tout dépend de ce qu'on en fait. Rabbi Na'hman nous conseille de la simplifier au maximum. Cela ne dépend que de nous…
 
La simplicité nous permet d'accomplir bien plus que tout ce que nous pouvons imaginer, bien plus ce que nous osons espérer.
 
Qu'est-ce que la simplicité ?
 
Aussi ironique que cela puisse être, la simplicité n'est facile ni à atteindre, ni à définir. Rabbi Nathan nous dit : « La simplicité en soi représente un concept profond et elle constitue un concept extrêmement difficile à comprendre » (Liqouté Halakhoth, Birkath Hapéroth 5:13). L'impossibilité même de trouver les mots justes pour la décrire, ainsi que les difficultés rencontrées pour y accéder, montrent clairement combien l'homme moderne s'est éloigné de la simplicité.
 
Malgré tout, pour comprendre dans son essence la 'Hassidouth Breslev, il est indispensable de sentir et d'apprécier le rôle important que la simplicité joue dans la vie quotidienne du Juif.
 
Demandez à quiconque de vous décrire une personne simple, un simplet. Tout le monde vous en fera très probablement un portrait négatif, celui d'un esprit stupide, faible, voire d'un retardé mental. Dire de quelque chose que c'est simple, c'est au mieux le décrire comme banal et sans substance. C'est malheureux et révélateur de notre attitude et de nos préjugés. Ce n'est pas du tout ce que Rabbi Na'hman avait à l'esprit quand il disait : « Le but principal du Juif est de servir l'Éternel avec simplicité et sans artifices » (Liqouté Moharan II, 19).
 
La Tora en général, et Rabbi Na'hman en particulier, attribuent un tout un autre sens au mot hébreu « tam » (cf. Les Contes, Le 'Hakham et le Tarn). Ce n'est pas un simplet manquant d'intelligence, c'est quelqu'un de modeste, sincère et franc, incapable de la moindre fourberie et fuyant les raisonnements retors.
 
Le vocable « simple » implique une notion d'homogénéité, d'unicité et même d'unité. Il dénote l'absence d'amalgame et de détours, et désigne quelque chose de pur, sans taches. Vivre sa vie – servir D-ieu – en toute simplicité, signifie adhérer à l'essentiel, être soi-même et éviter toute forme de complexité et de sophistication.
 
Le symbole de l'homme simple est par conséquent Jacob, que la Tora appelle explicitement tam (Genèse 25,27, rendant ainsi la ruse de son frère 'Essav d'autant plus stupéfiante). Le peuple juif dans son ensemble est appelé par D-ieu « Ma colombe. Ma simple» (Cantique des Cantiques 5, 2). Et D-ieu Lui-Même nous a dit : « Sois simple avec l'Éternel, ton D-ieu» (Deutéronome 18,13).
 
 
De nos jours, parvenir à la simplicité peut être aussi difficile que la définir. Rabbi Na'hman fit remarquer une fois : « Les gens m'ont souvent dit que selon les descriptions que l'on donne de la Terre Sainte dans les enseignements traditionnels, la présentant comme quelque chose de tellement sacré, ils ne pouvaient pas concevoir qu'elle pût faire partie de ce monde» (Liqouté Moharan II, 116).
 
Rabénou met en exergue une leçon précieuse et indispensable dans la vie : les gens s'imaginent à tort que quelque chose ou quelqu'un de saint doit nécessairement paraître ou agir selon des normes différentes. Un bon exemple en est le Tsadiq qui – malgré son niveau infiniment plus élevé que l'individu moyen – apparaît comme le commun des mortels. Extérieurement, il mange et dort, a une famille et peut même travailler comme tout le monde.
 
Il en est de même pour la Terre Sainte. Bien que se trouvant à un niveau spirituel élevé, elle fait néanmoins partie de ce monde physique. Eretz Israël, comme tous les pays du monde, semble être gouvernée par les facteurs de cause à effet qui déterminent des périodes de guerre et des périodes de paix, des périodes de sécheresse et des périodes d'abondance…
 
Dans les deux cas, les gens s'attendent à voir une manifestation extérieure de la sainteté sous-jacente, un signe indubitable, une preuve de leur caractère unique. Quand ce n'est pas le cas – c'est-à-dire quand le Tsadiq ressemble à n'importe qui et la Terre Sainte à n'importe quel point du monde – ils sont déçus. Cette déception risque malheureusement d'engendrer des doutes : ils remettent en question la sainteté du Tsadiq et se demandent s'il n'est pas finalement une personne aussi simple que chacun de nous.
 
La source de cette erreur est en fait l'imagination, la meilleure amie de l'homme… et qui peut être aussi sa pire ennemie. Nous retirerons de cet enseignement qu'il ne faut pas chercher l'« extra » pour ressentir si quelqu'un ou quelque chose a du mérite et de la valeur. Penser autrement, c'est succomber au piège de l'imagination. Si nous lui permettons d'assombrir notre pensée, elle nous incite à rejeter certaines choses qui pourraient paraître trop simples. Nous acquérons la conviction d'un besoin de faire plus.
 
Tout le vernis et l'artifice de la publicité nous fait oublier la pureté du produit. Nous devenons convaincus que nous avons besoin de faire, d'être, et de ressentir davantage. Nous laissons le plus souvent notre imagination guider notre appréhension de la réalité; nous la suivons et elle nous éloigne de l'authenticité et de la sincérité, de la franchise et de la simple vérité.
 
Rabbi Na'hman donnait une fois un cours sur la grandeur de la Terre Sainte. « Être Juif », disait-il, « consiste à s'élever sans cesse, à atteindre des niveaux toujours plus élevés ! Quiconque désire être un bon Juif ne peut le faire que par le mérite de la Terre Sainte. Y accéder est le fruit d'un dur combat. Mais, quand un individu mérite d'arriver en Terre Sainte, on reconnaît sa vaillance, car il a gagné la bataille» (Liqouté Moharan, 20, fin).
 
« De quel aspect de la Terre Sainte voulez-vous parler? » demanda Rabbi Nathan à la fin du cours. Il ne pouvait pas imaginer que Rabbi Na'hman s'exprimât littéralement, et qu'il se référât à la terre connue de tous sous le nom d'Eretz Israël.
 
« Tout simplement ! répondit Rabénou ; je veux parler de cette Terre d'Israël avec ses maisons et ses pierres ! » (Tsadiq ,#14).
 
Ce qu'elle est et ce qu'on y voit précisément: c'est sur ce point que Rabbi Na'hman voulait attirer l'attention de son illustre disciple : simplement Eretz Israël, et non pas – comme la plupart des gens l'auraient imaginé – des traits particulièrement spéciaux et quelque conjecture abstraite de l'esprit.
 
À suivre…
 
(Extrait du livre "Le pont très étroit" du Rav 'Haïm Kramer, publié aux Éditions de l'Institut Breslev.)

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