Une course de grenouilles

Parfois, nous –les adultes- entendons dans notre dos des phrases d’échec et de démotivation qui nous démontrent combien nous sommes nuls, et pourtant, comme par magie, nous faisons la sourde oreille.

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Yitsh'ak Abouh'atsera

Posté sur 17.03.21

« Tu te trouves là où sont tes pensées, et tes pensées se trouvent là où tu veux être vraiment » (Rabbi Nah’man de Breslev)
 

Un jour, il y a bien longtemps, s’organisa une course de grenouilles (c’est ce qu’on raconte en tout cas). Le but était d’atteindre le sommet d’une pente boueuse lisse et haute. Tous les animaux du marais et les animaux des alentours s’étaient rassemblés pour assister à la course et encourager les participants.

Au moment venu, le coup de départ fut donné. Dès le début de la course, les spectateurs ne croyaient pas vraiment que les grenouilles seraient capables d’atteindre le sommet, car il faut dire ce qui est : ce n’était vraiment pas chose facile. Mais ils donnèrent leur chance aux participantes et se mirent à les encourager. Bien vite, tout le monde comprit que la tâche était pratiquement impossible, la pente était très haute et lisse : les grenouilles ne faisaient que glisser. Les cris de motivation se changèrent en phrases de déception, d’échec et de chariade. « Ça ne sert à rien ! Qu’elles laissent tomber ! Elles n’y arriveront jamais ! Regardez comme elles glissent… »

Et une fois que la déception avait pris la place de la motivation, le découragement s’installa pour dominer l’atmosphère. Petit à petit, les grenouilles abandonnèrent, sauf une, qui continuait de toutes ses forces. Elle grimpait, essayait, montait, glissait, puis recommençait… Entre temps, le public avait déjà quitté les lieux. Et la grenouille ? Elle continua encore et encore, jusqu'à atteindre le sommet !

La rumeur se répandit comme une trainée de poudre et tous les animaux rappliquèrent, curieux de voir qui était la courageuse grenouille, et de savoir comment elle avait fait. « Comment as-tu réussi ? » demandèrent-ils une fois, une deuxième, une troisième… jusqu'à ce qu’ils comprennent que la grenouille était sourde.

Cette petite métaphore illustre bien la grande force des mots que nous prononçons dans la direction de la réussite ou au contraire, de l’échec. D’autres grenouilles auraient peut-être pu atteindre le sommet, mais une fois que les phrases d’échec fusaient de concorde avec le manque de conviction qui se manifestait sans pitié, leur moral tomba à zéro et leur motivation avec, jusqu'à leur miner le moral.

Ne pas mettre démoraliser

Cette histoire nous montre également, de façon intéressante, l’une des raisons principales de « l’échec des enfants ». Très souvent, l’enfant peut réussir à faire face à l’obstacle auquel il est confronté, sauf que par nos paroles, nous le poussons souvent à s’enfoncer plus dans la boue de l’échec, et par nos paroles encore, nous lui minons complètement le moral, comme les grenouilles de notre histoire.

Parfois, nous –les adultes- entendons des phrases d’échec et de démotivation qui nous montrent combien nous sommes nuls, et pourtant, comme par magie, nous faisons la sourde oreille. Mais notre enfant en est-il seulement capable ?

Supposons que oui, qu’il a en lui cette volonté et cette forte capacité de « ne pas entendre » ses copains parler dans son dos –racontant qu’il n’est pas très fort etc. Mais peut-il rester indiffèrent lorsque de telles paroles émanent de ceux qui sont censés lui donner confiance en lui et une sensation de protection et de sécurité : ses parents ?!

Manque de confiance

Une des choses les plus importantes que les parents se doivent d’intégrer et qui représente la cause principale de l’échec des enfants est le manque de confiance. C’est-à-dire que l’ensemble des essais que l’enfant a fait dans sa vie lui ont appris à se voir comme quelqu’un qui échoue, il ne se croit donc plus capable de pouvoir réussir.

Cette sensation prend encore plus d’ampleur lorsque les parents y tiennent une part de responsabilité, puisque s’ils sont l’appui spirituel principal de l’enfant mais ne lui font pas confiance, l’enfant apprendra à ne pas se faire confiance à lui-même pour prendre ses responsabilités dans ses études et dans sa vie. Donc le message important qu’il faut faire passer à l’enfant est : « Nous sommes confiants et croyons en ta réussite ». Si nous comprenons l’étendue de notre responsabilité et de notre influence en tant que parents, nous pouvons intégrer les deux règles fondamentales principales qui mènent à la réussite, et pourrons les transmettre à nos enfants, au quotidien.

Règle 1 – Aimer sans condition

Il faut prendre l’enfant comme il est, sans conditions. « Tu seras toujours notre enfant et nous t’aimerons toujours, sans rapport avec ce dont tu es capable ou non, et peu importe si tu es un génie ou l’inverse, ou quoi que ce soit d’autre ».

Règle 2 – Donner confiance

« Nous sommes toujours là pour toi et nous t’aiderons toujours quand tu auras besoin de nous. Et si quelque chose ne va pas, que tu te trompes, que tu tombes, que tu échoues, nous sommes avec toi, ensemble face au problème et pas contre toi ».

Lorsque nous parviendrons à dépasser notre tendance première –qui est l’un des plus grands problèmes de nombreux parents- de prendre personnellement l’échec de l’enfant, nous serons en mesure de réagir calmement et de faire face au problème de façon objective, et nous parviendrons à aimer l’enfant, à croire en ses capacités et à lui donner confiance en lui et en sa réussite.

Et pour réussir vraiment, il nous faut vérifier le plus important de tous les critères : avons-nous prié pour que l’enfant réussisse et qu’il n’échoue pas ? L’enfant a-t-il prié pour lui-même, a-t-il demandé a Hachem de l’aider à réussir ? Rappelons-nous toujours les paroles de Rabbi Natan de Breslev, des paroles que notre maitre, le Rav Chalom Arush chelita, nous répète régulièrement : « Quand il y a un problème (un manque), c’est soit parce qu’on n’a pas prié à ce sujet, soit parce qu’on n’a pas suffisamment prié ».

Une cascade de renforcement

Mettons carte sur table. Disons que l’enfant a un problème didactique, social, comportemental ou tout autre problème qui soit. Pensons tout d’abord : est-ce que notre approche aide l’enfant ? Est-ce qu’un problème ou une difficulté supplémentaire lui résoudra ses problèmes précédents ? Pour résoudre des problèmes, nous devons tout d’abord éviter les accusations. La tension négative est un problème en soi. Les cris et les intimidations sont un problème. Les humiliations, encore pire ! On a donc l’obligation de calmer la tension générée chez l’enfant par le problème en question.  A nous d’équilibrer les choses, de le calmer, de le couronner de confiance, de lui donner espoir, de l’éclairer, et non pas de lui faire des remarques ; à nous de baisser la barre de nos attentes et de nos exigences. Il faut travailler à petites doses, mais complimenter à grosses doses. Il faut renforcer au lieu d’affaiblir, être comme Rabbi Natan de Breslev, qui serait considéré –s’il vivait à notre époque- comme le plus grand des consolateurs : « Pour chaque goutte d’éveil intérieur, il faut une cascade de renforcements ».

Mais l’enfant ne nous comprend pas toujours, c’est pourquoi il nous faut parfois le « réveiller ». D’accord, c’est parfois nécessaire, mais n’oublions pas malgré tout : nous l’aimons avec son problème ! Nous voulons vraiment l’aider ! Se plaindre ou culpabiliser parce que « nous voulons juste aider », ce n’est que pour calmer notre conscience, n’est-ce pas ?

Si le problème est d’ordre scolaire, ce n’est pas la fin du monde, parce que les études ne sont qu’un pan de la vie de l’enfant et ne révèlent pas l’ensemble de sa personnalité et de ses capacités, et certainement pas sa réussite future. Par exemple, si l’enfant a des problèmes d’apprentissage, et disons que le problème n’est pour le moment pas pris en charge pour quelque raison que ce soit, ça ne veut pas dire qu’il faille humilier l’enfant. D’accord, c’est un enfant moyen, qui ne sera peut-être pas le génie de la classe, mais cela ne veut pas dire qu’il faille lui détruire l’image qu’il a de lui-même, car si l’on prend le problème en charge, tout au moins, il pourra lui-même s’aider et croire en ses capacités.

Dans tous les cas

Imaginons que nous sommes à ce stade de contenance de soi, d’efforts personnels et de prières ; et malgré tous les efforts de l’enfant pour réussir et nous satisfaire, les faits montrent qu’il essuie encore beaucoup d’échecs. Premièrement, nous devons vérifier pourquoi les tentatives de l’enfant ne sont pas couronnées de succès. Il se peut qu’il ait une difficulté objective que nous devrions éclaircir avec lui, peut-être n’a-t-il pas toujours fait ce qu’il s’était engagé à prendre sur lui, ou bien a-t-il oublié ou s’est-il endormi sur ses lauriers. De plus, il faut discuter des différents sujets et trouver des moyens d’y faire face ensemble, et ne pas laisser l’enfant croire qu’il est un rate à partir de maintenant. On étudiera les problèmes de façon professionnelle, mais on expliquera toujours à l’enfant que l’indicateur de sa réussite et de ce qu’on attend de lui est : qu’il fasse le maximum d’efforts qu’il puisse fournir.

Mais le plus important : on l’aimera dans tous les cas ! On le soutiendra dans tous les cas ! Car si l’on ne se comporte pas ainsi dans de tels situations, alors quand ? On l’encouragera toujours, dans ses efforts et pas en fonction de ses résultats. On enracinera en lui l’idée de ne jamais se décourager, de toujours faire ce qu’il peut, car sa réussite est aussi la nôtre !  

Ce n’est que lorsque l’enfant saura s’accepter et s’aimer dans tous les cas, même s’il est « le dernier de la liste », et qu’il aura la force d’essayer de progresser, ne serait-ce que d’un pas en avant, ce n’est que de cette façon qu’il réussira à avancer dans l’extériorisation du potentiel qu’il a en lui.

Le Rav Yits’hak Abouh’atsera est conseiller d’éducation, thérapeute selon la méthode « Un esprit » et éducateur au Talmud Torah du Rav Chalom Arush.

Traduit de l’hébreu par Carine Illouz

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