Une mère de parole

Je suis une maman un peu trop permissive, qui ne se tient pas à ce qu’elle dit, ce qu’on appelle une maman qui...

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Sharon Rotter

Posté sur 05.04.21

Je suis une maman un peu trop permissive, qui ne se tient pas à ce qu’elle dit, ce qu’on appelle une maman qui n’a pas de parole, et j’ai mille excuses pour cela. Mais c’en est trop ! J’ai décidé d’être une mère de parole. Pourquoi ? Lisez plutôt…

Je le reconnais et je l’avoue : je suis une maman qui ne tient pas sa parole. Je sais que c’est très négatif d’un point de vue éducatif, et de tout point de vue en fait ! Mais j’ai mille excuses à l’appui.

Il y a quelques temps, quand une bonne amie me fit remarquer que mes enfants me parlaient mal et que je devais y mettre un terme sans attendre, je ne voyais pas vraiment de quoi elle parlait.

Qu’est-ce que ça fait, s’ils haussent un peu la voix et osent me répondre de temps en temps ? Dans l’ensemble, ce sont de bons enfants et je sais qu’ils me respectent et m’apprécient. Je ne ressens pas le besoin de jouer à des jeux d’honneur avec eux. Je veux qu’ils me respectent par choix et pas par contrainte.

Cette attitude me vient en grande partie de mon enfance, durant laquelle j’étais forcée d’honorer certaines personnes, et jusqu’à aujourd’hui, je garde un goût amer de situations contradictoires entre ce que je ressentais et ce que j’exprimais : le cœur en colère, mais la bouche en cœur, en forme de faux respect.

Ce n’est pas le genre de respect que je recherche et donc, je me le dis à moi-même : je n’y contrains pas mes enfants.

Mais cette même amie me fit remarquer un autre aspect des choses, un aspect auquel je n’avais pas pensé. Elle m’expliqua que ce n’était pas seulement de mon honneur qu’il était question, et que je devais voir les choses sous un angle plus large en ce qui concernait l’éducation de mes enfants, en particulier lorsque je leur apprenais à respecter les adultes de manière générale. 

« Si tes enfants s’habituent à te répondre aujourd’hui, demain, ils répondront à leurs profs, à la voisine ou à leur mamie ». Elle venait de soulever un point profond, je l’acceptai et l’intégrai. Soudain, je compris que chaque type de comportement avait des conséquences sur l’éducation des enfants aux bonnes midotes et aux bonnes valeurs. 

Je sus alors qu’il me fallait trouver un moyen d’être plus attentive à leur éducation quant à l’honneur dû aux autres, et j’essayai de mettre cela en application, mais je ressentais comme un flottement, et surtout, je ressentais que mon usage du mot « non » laissait place à des interprétations subjectives.

En fin de compte, le truc qui déclencha un changement en moi fut l’argent. Grâce au processus de réforme économique que nous traversons en tant que famille, je parviens à être plus précise et méticuleuse, avec une heureuse répercussion sur l’éducation des enfants.

Vous me direz : quel rapport entre l’argent et l’éducation ? Et bien il s’avère que dans le cadre éducatif, tout se passe bien.

Un jour, un spectacle pour enfants fut organisé dans notre village. Gentiment, les enfants préparèrent un petit sac avec des gourmandises et de la boisson, et partirent au spectacle avec la voisine. Avant leur départ, je donnai à la grande un sachet contenant l’argent pour acheter les tickets et lui dis de bien y faire attention. Le petit dernier dormait, et je me réjouissais de pouvoir travailler dans le calme sur quelques projets urgents. Mais quelques minutes plus tard, les enfants étaient à la porte, contrariés.

« On a perdu le billet, on ne sait pas comment, mais il s’est envolé du sachet. Je l’ai bien tenu, maman, vraiment, je ne sais pas comment c’est arrivé » se lamentait ma fille en pleurnichant, mon cœur se lamentant avec elle en pensant au temps que je venais de perdre en même temps que ce billet.

Je me ressaisis et sortis chercher dehors, mais malheureusement, le vent soufflait très fort, et le billet était sûrement déjà loin.

J'avais deux choix : soit acheter ma liberté avec un autre billet, soit profiter de cette occasion pour donner à mes enfants le sens et la valeur de l'argent en général, et en particulier la valeur des objets.

Nous savons tous que la grande majorité des enfants d'aujourd'hui ont perdu la valeur des objets, puisque tout est tellement disponible et à prix dérisoire, qu’on peut leur acheter à peu près tout ce qu'ils demandent, et les chambres sont pleines de jouets abandonnés et cassés car on n’en a pas pris soin. J’ai toujours été fascinée par les histoires d’il y a cinquante ou soixante ans, quand on jouait avec bonheur et enthousiasme avec une boîte de conserves, ou avec un bâton et une poupée qui partait en lambeaux et qu’on recousait, parce qu’on voulait la garder à tout prix.

Bien que mon cœur était enclin à la première option –leur donner un autre billet-, je décidai que cette fois, je n'abandonnerais pas. Et les terribles cris de mes trois enfants n’y firent rien, ni ma liberté perdue, ni le bébé qui venait de se réveiller en pleurant et avait ainsi rejoint la mêlée. Le chaos régnait, un bruit pas possible. La déception de mes enfants innocents, leurs arguments justifiés, les plaidoyers et les promesses de bons comportements pour l'avenir se heurtaient à un mur.

« C’était l’argent que j’avais prévu pour la pièce, » expliquai-je, « maintenant qu’il est perdu, il n’y a plus d’argent pour la pièce, » déclarai-je simplement.

« Alors donne-nous un autre argent, à la place de celui qu’on a perdu », les enfants miaulaient à vous fendre le cœur.

« Mon autre argent est destiné à d'autres choses et je ne peux pas le donner, parce qu’alors, il me manquera de l’argent pour d’autres choses », j'essayai de leur expliquer la méthode que j’employais pour gérer les finances de la maison, mais bien sûr, mes explications étaient vaines.

Je cédai presque. Je l'avoue. J’avais beaucoup de peine pour eux. Je m’identifiais complètement et au fond de moi, je pleurais avec eux. Mais à l'extérieur, je restai forte et inébranlable.

Soudain, j'entendis une voix dans ma tête qui m'aida àcomprendre la situation dans son ensemble, en voyant les choses à long terme au lieu d’être happée par la douleur du moment. Je pensais au Saint, béni soit-Il, notre Père dans les cieux, et au fait qu’Il empêche certains de nos désirs de se réaliser, et au final, il s'avère que ce n’est que pour notre propre bien. Cela nous semble difficile, du domaine de la justice, car Il nous traite durement et ne se laisse pas attendrir par nos plaidoyers et notre pleurnicherie.

Mais en réalité, c'est le contraire, car la vérité est que ce n’est qu’un degré de compassion. Avec une vue d’ensemble et à long terme, Il empêche quelque chose de se réaliser pour nous faire grandir et mûrir, comprendre et surmonter nos envies. Et quand cela arrive, Il est heureux de répondre à nos prières et d’exaucer nos volontés.

Cette pensée m'aida à comprendre que je faisais en fait une faveur à mes enfants, en ne leur donnant pas tout ce que je crois ne pas être convenable et souhaitable pour eux. Je suis une meilleure mère quand je me comporte de la sorte. Je suis une meilleure mère quand j'insiste pour qu’ils fassent attention à m’ honorer, qu’ils se comportent poliment, qu’ils ne reçoivent pas de bonbons avant d’avoir rangé leur chambre, et n’aillent pas chez leurs copains avant d’avoir fini leurs devoirs.
 
Tous ces facteurs et d’autres encore, font de moi une mère. Une maman qui leur semble dure parfois, mais en fait, pleine de grâce et de miséricorde.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

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