Infertilité et loi juive

D-ieu possède le pouvoir de soigner et de mettre fin à la souffrance ; lorsque nous en avons la possibilité, nous avons l'obligation de faire la même chose.

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le rabbin Kenneth Brander

Posté sur 06.04.21

Cet article présente un tour d'horizon des questions halakhiques (de loi juive) qui concerne les pratiques médicales relatives à l'insémination artificielle et à la gestation pour autrui (GPA), ou mère porteuse. Ces questions incluent la possibilité halakhique d'entreprendre différents traitements tels que la fécondation in vitro (FIV) et accepter l'œuf ou la semence d'un donneur. Dans la mesure où ces traitements sont de plus en plus fréquents, il est important de définir d'une façon claire les différents aspects de la paternité et de la maternité d'un enfant.

Une telle définition peut nous aider à mieux comprendre le type de rapport qu'entretient l'enfant avec le patrimoine de son père ; son éventuel statut de Kohen, Levi ou Israël ; quels rapports sont considérés incestueux selon la halakha ; pour quels parents l'enfant est-il obligé d'observer les lois de deuil…
 
La halakha offre un cadre qui permet de répondre à ces questions ; de fait, la loi juive possède les paramètres requis pour appréhender les technologies médicales qui font l'objet de cet article. Le rabbin Joseph B. Soloveitchik l'a déclaré : “Il n'y a pas de phénomène, d'évènement ou de créature pour lesquels la halakha ne possède pas un standard idéaliste de jugement.”
 
Dans cet article, nous abordons ces questions d'une façon extrêmement brève ; ceci nous permet seulement d'introduire les idées maîtresses sous-jacentes. Lire les auteurs cités et poursuivre les recherches d'une façon plus approfondie permettra à la personne intéressée d'obtenir une vision plus complète et détaillée des perspectives halakhiques qui concernent les sujets abordés.
 
Procédures médicales d'aide contre l'infertilité
 
Le Midrach (Béréchith Raba 11:6) nous offre une explication enrichissante de la circoncision : “Un philosophe demanda à Rabbi Hochaya : 'Si la circoncision est si précieuse, pour quelle raison ne fut-elle pas donnée à Adam ?' Rabbi Hochaya répondit au philosophe : 'Je ne peux pas vous renvoyer les mains vides ! La véritable raison [pour la circoncision] est la suivante : tout ce qui a été créé durant les six premiers jours nécessite une préparation supplémentaire. Ainsi, [les grains de] moutarde doivent être adoucis, le tourmosse [i.e. un type de légume] doit être adouci, le blé doit être moulu… et l'homme aussi a besoin de son tiqoun (sa réparation).”
 
Ce Midrach met en relief le besoin de reconnaître que D-ieu n'a pas créé l'être humain parfait. De fait, la perfection du corps, de l'âme et de l'esprit se trouve entre nos mains. La science représente une des avenues qui s'offrent à nous afin d'essayer d'atteindre la perfection. Par conséquent, la fécondation in vitro (FIV), l'insémination artificielle, les dons de sperme et d'ovules doivent être considérés dans ce contexte. Donner un nouvel espoir aux couples qui ont de la difficulté à avoir des enfants représente un don du Ciel qui se présente dans le cadre de la science.
 
On trouve une idée similaire dans le Talmud (Baba Batra 10a). La question suivante fut posée par Turnus Rufus (le gouverneur romain en Terre sainte durant le 2ième siècle de l'ère commune) à Rabbi 'Aqiva : “Si votre D-ieu aime les pauvres, pour quelle raison ne les aide-t-Il pas [à subvenir à leurs besoins] ?” Rabbi 'Aqiva répondit : “Pour que nous puissions éviter – grâce à eux – la punition de Géhenne (de l'Enfer).”
 
Au contraire,” dit l'autre [Turnus Rufus], “c'est exactement cela qui vous condamne à Géhenne. Je peux vous démontrer cela en utilisant une parabole. Supposez qu'un roi de ce monde devienne en colère contre son serviteur, qu'il le mette en prison et qu'il ordonne qu'on ne lui donne aucune nourriture ou boisson. Maintenant, imaginez qu'une personne vienne et lui donne à manger et à boire. Si le roi apprenait cela, ne serait-il pas en colère contre cette personne ? D'autre part, vous [le peuple juif] êtes appelés 'serviteurs', tel qu'il est écrit : 'Car c'est à Moi que les enfants d'Israël appartiennent comme serviteurs'” (Lévitique 25:55).
 
Rabbi 'Aqiva répondit : “Je me permettrai d'utiliser une autre parabole. Supposez qu'un roi de ce monde s'énerve à l'encontre de son fils et qu'il le mette en prison et qu'il ordonne qu'on ne lui donne aucune nourriture ou boisson. Maintenant, imaginez qu'une personne vienne et lui donne à manger et à boire. Si le roi apprenait cela, n'enverrait-il pas un cadeau à cette personne ? D'autre part, nous sommes appelés 'fils', tel qu'il est écrit : 'Vous êtes les enfants de l'Éternel, votre D-ieu'” (Deutéronome 14:1).
 
Le Talmud attire notre attention sur une différence fondamentale entre la vision de la vie de Rabbi 'Aqiva et celle de Turnus Rufus. Selon ce dernier, nous devons adopter une vision providentielle du destin du pauvre. L'humanité n'a pas le droit d'interférer avec ce qui a été ordonné par D-ieu. Cependant, selon Rabbi 'Aqiva, nous devons jouer un rôle actif en changeant la destinée des personnes qui font face à un défi. Lorsque cela est possible, nous devons nous impliquer imitatio Dei et agir pour nous opposer à la souffrance à laquelle nous faisons face.
 
De la même façon que D-ieu possède le pouvoir de soigner et de mettre fin à la souffrance, lorsque nous en avons la possibilité, nous avons l'obligation de faire la même chose. Il nous est interdit d'adopter une vision providentielle de la vie et de faire croire que les souffrances d'une personne correspondent à la Volonté divine et qu'elles ont été ordonnées de la sorte. Dans le cas de l'infertilité, nous devons prendre acte des opportunités que la science nous donne et – en tant qu'agents de D-ieu – nous devons utiliser ces opportunités dans le but de réaliser notre rêve de vaincre la tragédie de l'infertilité.
 
Il est intéressant de noter que Rabbi Mena'hem Ha-Meiri (1249-1306) faisait déjà mention de l'importance des découvertes scientifiques et de la possibilité de profiter de la technologie. Le Meiri a écrit :
 
[Quelle est la différence entre la sorcellerie – dont il est interdit de profiter selon la Tora – et la science, que la Tora favorise ?] Toutes les sortes de progrès qui sont atteintes grâce aux sciences ne sont pas considérées comme de la magie, qui est interdite. Il existera une époque où l'on saura – grâce à la science – créer des êtres humains, sans qu'on ait le besoin de l'acte intime naturel. Ceci a été expliqué dans les livres de sciences et n'est pas une impossibilité.
 
Il est permis de s'impliquer dans de telles procédures car elles sont considérées dans l'ordre de la nature et n'entrent pas dans la catégorie de la magie. Cela est identique à la déclaration selon laquelle tout ce qui est réalisé par la science de la médecine n'est pas considéré comme des darké emori [pratiques idolâtres]. (Commentaire à propos de Sanhedrin 67b)
 
Même si un couple marié qui rencontre des difficultés pour concevoir peut utiliser les dons de la science, il est important de ne pas ignorer les risques encourus. La halakha tient compte de ces risques en n'exigeant pas que les couples entreprennent un traitement contre l'infertilité afin d'avoir des enfants. De fait, si un couple désire renoncer à ces procédures difficiles, la halakha le comprend et appuie une telle décision. Ceci est évident d'un commentaire des Tosséfoth à propos de la Guémara Pessa'him 28b.
 
Selon Tosséfoth, un homme qui a besoin de subir une procédure médicale afin de pouvoir se faire circoncire n'est pas obligé de le faire. Cela est le cas, même si en l'absence de cette procédure cette personne ne pourra réaliser un certain nombre de mitswoth.
 
À suivre…
  
(Traduit de l'anglais avec l'autorisation de l'auteur et du magazine B'OR HA'TORAH)

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