Simplicité et persévérance

Parachat BeHaaloth’a- En commentant le passage ci-dessus, Rachi écrit qu'Aaron était contrarié durant les douze jours de festivités de l'inauguration du Saint Tabernacle...

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le rabbin Lazer Brody

Posté sur 14.03.21

« Quand vous allumerez les lampes… » (Bamidbar 8: 2).

Dans son commentaire du passage ci-dessus, Rachi écrit qu'Aaron était bouleversé durant les douze jours de festivités de l'inauguration du Saint-Tabernacle : voyant que chacune des douze tribus avait son jour de gloire, présentant ses offrandes de cadeaux devant Hachem. Aaron et la tribu des prêtres étaient assis à l'écart, sans jour de gloire. Hachem consola Aaron et dit : « Enfin, Aaron ! Ta part est plus grande que la leur, puisque tu allumeras les bougies ! »

La consolation d'Aaron par Hachem est apparemment déroutante : pendant douze jours consécutifs, chaque chef de tribu respectif était la cible de millions de regards, quand tout Israël – 603 550 hommes seuls, mais avec des femmes et des enfants : des millions – se sont rassemblés autour du Saint-Tabernacle pour glorifier les somptueuses offrandes du chef de chaque tribu sur l'autel. Le jour de l'offrande était également un jour de fête pour chaque tribu lorsque son tour arrivait. Des millions de personnes applaudissent, louant le nom d’Hachem, se réjouissant – qui peut imaginer un spectacle aussi magnifique ? Chaque tribu respective, avec son chef en tête, apportait à Hachem ses offrandes d'ustensiles en argent et en or, des offrandes pour l'ascension, pour le pêché et pour la paix. Pendant douze jours entiers, les douze tribus étaient sous les feux de la rampe tandis qu'Aaron et sa tribu étaient assis tranquillement dans un coin.

 

Lorsque les festivités sont terminées et que chacun s’en retourne à ses tentes, Hachem se tourne vers à Aaron et lui confie une mitsva – loin des yeux d'un spectateur, encore moins des millions d'Israël – seul, silencieusement, sans publicité, ni néons, ni paillettes, sans faste, sans gloire, sans gros titres, et sans projecteurs. Hachem confie à Aaron, le grand prêtre, la tâche d'allumer la Menora.

 

Comment peut-on seulement comparer la simple, modeste et apparemment insignifiante tâche d'Aaron, consistant à allumer la Menora, à la grandeur de la présentation en fanfare d'une offrande par le chef de tribu sur l'autel, à la vue du grand public ?

Si je ne me trompe pas, la réponse est assez simple : le jour de gloire du chef de tribu était un événement unique dans une vie. Par contre, la tâche d'Aaron était quotidienne. Lui et sa progéniture allumeraient la Menora tous les jours, jusqu'à la fin des temps, que notre Temple Sacré soit bientôt reconstruit !

Hachem dit à Aaron : « Ta part est plus grande que la leur ! » Nous apprenons donc – directement d’Hachem – qu'une mitsva apparemment banale, exécutée quotidiennement, est bien plus grande qu'une mitsva aux proportions gigantesques, pratiquée une fois dans la vie, comme le montre la parabole suivante :

Le docteur Grossfarb agaçait le rabbin et les habitants d'Ivanov. Ils l'avaient averti mille fois, mais il ne les écoutait jamais. De plus, le médecin formé à Berlin aux lunettes à monture d’or jouissait de la protection du Graf et de l’évêque, qui étaient plus que ravis que le Juif « éclairé » – qui parlait couramment l’allemand, le russe et le polonais – mais pourtant pas le jargon yiddish de ses frères, continuait d’ouvrir son cabinet le Chabat. Le septième jour sacré, la salle d’attente de l’insolent médecin était toujours remplie de patients ukrainiens impatients, y compris le Graf lui-même, la personne la plus puissante de toute l'Ukraine centrale.

Berel était tout l’opposé de Grossfarb. Il ne parlait que le yiddish, et quelques phrases en russe. Il avait de longues péottes rousses et une barbe qui atteignait le quatrième bouton de sa chemise en pure laine. Berel était un « balagoula », un conducteur de wagon. Quand il ne transportait pas des gens ou des cargaisons, il se trouvait à la maison d’études locale. Il ne savait pas grand-chose en matière de Talmud, mais il pouvait comprendre des Michnayotes avec le commentaire de Bartenoura, et il adorait réciter des Psaumes. Berel terminait chaque jour le livre des Psaumes en entier depuis quarante ans et était en bonne santé, jusqu'à ce que…

Les révolutionnaires cosaques envahirent l'Ukraine, semant le chaos et répandant le sang juif partout où ils allaient. Ils arrivèrent à Ivanov un samedi matin, quand tout était fermé, à l'exception de la clinique du docteur Grossfarb. Brutalement, ils traînèrent le docteur en pleine rue. Ces antisémites pervers déroulèrent ensuite un Sefer Torah qu’ils avaient pris dans une choule locale et le mirent en pièces dans la rue.

Les cosaques, assoiffés de sang, ordonnèrent à Grossfarb de danser sur le rouleau de la Torah et de le piétiner. Il refusa. « À quoi bon ? » ricana le chef du groupe. « Tu n'observes pas ce qui est écrit dans ce rouleau. Danse dessus ! »

Encore une fois, Grossfarb refusa. Aux yeux horrifiés de gens qui se cachaient aux alentours, Grossfarb mourut de la mort héroïque mais horrible d'un martyr aux mains des petits-fils d'Ésaü. Il est mort juif malgré sa vie d'agnosticisme.

Étonnamment, ce meurtre isolé satisfit la soif de sang des Cosaques qui quittèrent la ville. Lorsque le Chabat fut terminé, le rabbin d'Ivanov rassembla un minyan et, avec la famille du docteur, mit le martyr en repos éternel.

Trois semaines plus tard, les cosaques meurtriers s'emparèrent de Berel, le balagoula, sur une route déserte à mi-chemin entre Ivanov et Medjibaj. Berel aussi mourut en martyr.

Pour les funérailles de Berel, le rabbin déclara un moratoire sur la ville, ordonnant à chacun de fermer ses magasins et d'assister à ses funérailles. Les grands de la Torah d'Ivanov firent l'éloge de Berel pendant trois bonnes heures. Quand l'enterrement fut terminé, les fils de Grossfarb étaient furieux : « Rabbi, comment osez-vous accorder un tel honneur à un cocher crasseux, alors que notre distingué père fut enterré avec un simple minyan et aucun éloge ? Il est mort en public, dans une sanctification héroïque – une sanctification du nom d’Hachem – la plus grande des mitsvotes ! »

« Vous avez raison », dit le rabbin avec patience, mais fermement. « Néanmoins, c'était la seule mitsva de votre père. Il a enfreint les autres lois de la Torah toute sa vie. Pourtant, le simple Berel a servi Hachem avec persévérance, illuminant le ciel de ses milliers de Psaumes. Il est le plus grand héros ! »

***

Rabbi Nah’man de Breslev enseigne (Likoutey Moharan II: 104) qu’Hachem tire une immense satisfaction de la Avodat Hachem, ou service divin, d'un simple juif.

Les Psaumes quotidiens d'une femme au foyer, récités année après année, ont plus de poids au paradis que les dons uniques d'un homme riche d'un million de dollars. Gardant cela à l'esprit, le message d’Hachem à Aaron est que le service quotidien et silencieux dans le tabernacle est plus noble que la mitsva unique des présidents de tribus, aussi magnifique soit-elle. Rabbi Nah’man explique qu’Hachem aime la beauté, la simplicité et l'innocence des Psaumes, les chants de la table du Chabat et une prière sincère. Puissions-nous tous servir Hachem avec simplicité, persévérance et innocence, amen.

 

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