Casser les Louh’ot Abrit

L’homme n’a été créé que pour se conformer à la volonté de Dieu et Le satisfaire, si on peut s’exprimer ainsi, en s’engageant dans l’étude de la Torah et l’accomplissement des mitsvoth.

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le Rav David Hanania Pinto

Posté sur 17.03.21

La Torah se termine par: …ainsi qu’à cette main puissante, et à toutes ces imposantes merveilles, que Moïse accomplit aux yeux de tout Israël (Deutéronome 34:12) et commence par: Au commencement, Dieu créa le Ciel et la terre (Genèse 1:1). Nous devons chercher à établir un rapport entre la fin et le début de la Torah.

L’homme n’a été créé que pour se conformer à la volonté de Dieu et Le satisfaire, si on peut s’exprimer ainsi, en s’engageant dans l’étude de la Torah et l’accomplissement des mitsvoth. Il arrive ainsi à s’attacher à Dieu avec le maximum de sincérité et de dévouement. Tout comme celui qui aime l’argent n’est jamais rassasié d’argent (Ecclésiaste 5:9), celui qui aime vraiment Dieu, ne se lasse jamais et cherche sans cesse à L’aimer davantage et à s’attacher à Lui.

Il s’agit ici de celui dont le métier est d’étudier la Torah. Toutefois, celui qui travaille pour subvenir à ses besoins mais fixe des temps pour étudier la Torah, doit allonger ces heures d’étude, veiller constamment à embellir les mitsvoth qu’il accomplit, aspect de: Il est mon Dieu, et je L’embellirai… (Exode 15:2). C’est essentiellement ce qui a caractérisé nos Patriarches, qui parlent peu et agissent beaucoup (Avoth 1:15; voir aussi Bava Métsia’ 87a).

Quand les enfants d’Israël ont commis le péché du veau d’or, le Saint, béni soit-Il, dit à Moïse: Va, descends! car on a perverti ton peuple… (Exode 32:7). Ensuite, comme il approchait du camp, il vit le veau et les danses. Le courroux de Moïse s’alluma; il jeta de ses mains les Tables et les brisa au pied de la montagne (id. 19). Pourquoi Moïse n’a-t-il pas laissé les Tables de la Loi dans le Ciel? Il aurait pu descendre du Ciel les mains vides et réprimander les Enfants d’Israël pour leur mauvais acte, puis implorer l’Eternel de leur pardonner. Il aurait pu argumenter avec Lui: c’est à moi que Tu as dit… et non à eux… et enfin demander à Dieu de l’effacer du livre que Tu as écrit (id. 32:32).

D’autre part, commentant les derniers mots du Deutéronome: aux yeux de tout Israël, Rachi explique que Moïse s’enorgueillit de briser les Tables à leurs yeux, comme il est écrit: Je les brisai à vos yeux (id. 9:17), et que Dieu a été d’accord avec lui, comme il est écrit: que tu as brisées (Exode 34:1). La Guémara ajoute que Dieu dit à Moïse: Tu as bien fait de les briser (Chabath 87a). Quel orgueil discerne-t-on ici? Le péché du veau d’or n’est-il pas assez grave? En outre, pourquoi Dieu a-t-il félicité Moïse pour son acte?

C’est que l’amour que portait Moïse aux Enfants d’Israël ne connaissait pas de bornes, et même après le péché du veau d’or, après que l’Eternel lui e-t demandé de descendre de ton haut statut (Bérakhoth 32a), il a éprouvé de la miséricorde à leur égard plutôt que de porter des accusations contre eux et de les haïr. C’est qu’il ressentait plus que jamais leur besoin de s’engager dans l’étude de la Torah pour dominer leur mauvais penchant, car sans la Torah, ils ne pouvaient que se détériorer davantage.

Moïse a pris l’initiative de briser les Tables de la Loi (les écrits saints énumèrent deux autres initiatives de sa part). S’il s’est enorgueilli de son acte, c’est dans ce sens qu’il portait à leurs yeux la responsabilité de leur méfait sur lui-même. Il visait ainsi à ce qu’ils s’en repentissent et prennent conscience de ce qu’ils ont perdu à cause de leur acte. Effectivement, après avoir vu de leurs yeux que Moïse était encore vivant et qu’il descendait du Ciel pour leur donner les Tables de la Loi, ils ont senti le besoin de faire téchouvah. C’est cette pénitence qui a contribué à leur pardonner leur faute à Roch HaChanah et Yom Kipour. Ils ont montré aux générations suivantes la valeur du repentir même pour l’adoration des idoles.

Cette initiative, Moïse l’a prise pour la gloire de Dieu et pour implorer le pardon divin en faveur des enfants d’Israël: c’est la raison pour laquelle Dieu l’en a félicité. C’est grâce à ton geste lui dit-Il, qu’ils pourront subsister dans ce monde et s’y engager dans l’étude de la Torah. Si, à Dieu ne plaise, Il les avait tués, le monde aurait été détruit car il ne peut subsister sans le Peuple Juif et la Torah, comme il est écrit: Si Mon alliance (l’étude de la Torah) n’était pas établie le jour et la nuit,  Je cesserais de fixer des lois au ciel et à la terre…

Les dernières lettres de BéréchiTh BarA ElokiM forment EMeTh (la vérité) qui est la Torah (Yérouchalmi, Roch HaChanah 3:8; Tana Débé Elyahou Zouta 21). L’Eternel a tout créé pour la Torah qui porte le nom de vérité, comme il est écrit: Achète la vérité et ne la vends pas (Proverbes 23:23). De même, nous disons dans la bénédiction après la lecture de la Torah: Qui nous as donnés la Torah de vérité (cf. Bérakhoth 11b). C’est donc grâce à la brisure des Tables de la Loi par Moïse que le monde continue de subsister, et que les Enfants d’Israël ont fait pénitence sur le péché du veau d’or et se sont remis à l’étude de la Torah (Réchith). Moïse leur a montré que leur chute ne visait que leur élévation. Si les Tables de la Loi et leurs fragments sont déposés dans l’arche (Bérakhoth 8b; Bava Bathra 14b; Bamidbar Rabah 4:19), c’est essentiellement pour que nous nous en rappelions toujours les résultats: pour que nous, notre coeur et notre corps soient meurtris, brisés si nous commettons un péché. Nous regretterons alors nos mauvais actes et nous nous abstiendrons désormais d’y revenir. Après notre téchouvah, nous reviendrons au Béréchith commencement, nom que portent les Tsadikim et les saints, comme il est écrit: Israël est une chose sainte, appartenant à l’Eternel, les prémices (Réchith) de Sa récolte (Jérémie 2:3). C’est aussi le nom qui désigne ceux qui font une téchouvah sincère: non seulement ces derniers reviennent à leur état initial d’avant le péché, mais s’élèvent encore plus. Nos Sages enseignent à cet effet que là où se tiennent ceux qui ont fait téchouvah, les justes les plus intègres ne peuvent pas se tenir (Bérakhoth 34b; Zohar I, 129b). C’est ce qui se passe aussi dans le domaine de la Torah: ce qui compte essentiellement, c’est d’en intensifier constamment l’étude. C’est peut-être à quoi faisaient allusion nos Sages en louant l’étude de la Torah qui conduit à l’action (Kidouchine 40b): comme nous l’avons vu plus haut, ce qui prime, c’est essentiellement l’assiduité.

La locution Néssav Libo du commentaire de Rachi fait allusion à l’initiative de Moïse de briser les Tables de la Loi pour que les Enfants d’Israël soient dignes de porter le titre de Réchith, et intensifient de la sorte l’étude de la Torah et leur pénitence. Ils ont ainsi eu droit au Jour de Kipour pour se faire pardonner leurs fautes et s’élever. A la fin des Jours Redoutables, quand nous finissons le Deutéronome, nous traitons du bris des Tables de la Loi grâce auquel les enfants d’Israël ont été dignes de porter le titre de Réchith, comme au commencement du Pentateuque Béréchith Bara.

La Guémara (Pessa’him 68b) enseigne: Rabbi Yossef disait: Si Yossef (ne ressent pas) aujourd’hui, (alors qu’il s’engage dans l’étude de la Torah, qu’il la reçoit aujourd’hui), combien de Yossef se trouvent dans la rue? Un grand nombre ne le ressentent pas et n’intensifient pas l’étude de la Torah, et ne portent que le nom de Yossef, et non celui de Rav Yossef. Car seul celui qui en ajoute constamment (Ta’anith 31a), celui qui s’avance avec une force toujours croissante se fait appeler par le Ciel Rav ou Rabbi, comme c’est le cas notamment d’Elazar ben Dardaya, qui a fait une pénitence sincère du fond du coeur après avoir commis un péché très grave (Avodah Zarah 17a). Celui qui considère constamment la Torah comme neuve (Pessikta Zouta, VaEt’hanane 6:6) s’imprègne de la crainte du Ciel, réussit dans son étude de la Torah, en propose de nombreuses interprétations originales et s’imprègne de la sainteté du jour où elle a été donnée. C’est le cas de Rabbi Yossef qui a organisé un festin en cette occasion.

Cette intensification du service divin se poursuit même après la mort, dans le cas où on apprend aux autres à se conformer à la volonté divine: on prend alors part à leurs actes. C’est le cas notamment d’Adam qui a donné soixante-dix ans de sa vie au Roi David (Zohar I, 55b, 168a). Or, le Zohar lui-même enseigne que ce sont les Patriarches Avraham, Jacob et Joseph qui le lui ont donné. On peut se demander d’autre part ce qui est advenu aux années de vie qui ont été données par le Premier Homme.

C’est qu’Adam s’est repenti par la suite d’avoir donné de ses années de vie à David et a demandé à Dieu de les lui restituer. Le Roi David ne les a pas reçues et on ne les a pas données de nouveau à Adam. Comme il est interdit à quelqu’un qui s’élève de se rabaisser et de regretter son acte, il risque de tout perdre. Dans notre contexte, si Dieu avait octroyé ces années à David, Adam se serait élevé à chaque mitsvah accomplie par David. Cependant, Dieu ne prive aucune créature de son salaire (Bava Kama 38b; Nazir 23b) et Adam a reçu la récompense due à sa bonne volonté d’avant. Quelle était cette récompense?

Commentant à cet effet le verset: Le roi David était vieux, chargé de jours (Rois I, 1:1), le ‘Hida demande dans Nahal Sorek pourquoi il est mentionné vieux, chargé de jours, le Roi David n’étant alors âgé que de soixante-dix ans. Il explique qu’il était chargé des jours d’Adam qui a vécu mille ans entiers. Les dernières lettres de DaviD bA bayamiM forment ADaM: la récompense du Roi David est donc d’avoir complété les années d’Adam. Mais en vérité l’âge de David était composé des années de vie qu’il avait reçues d’Avraham, Jacob et Joseph, comme nous l’avons vu plus haut. Et pourquoi Isaac n’en a-t-il pas donné à Adam? Parce qu’il incarnait l’holocauste par excellence (Béréchith Rabah 64:3) et sa vie tout entière était dévouée à l’Eternel. Cette leçon nous apprend que l’intensification de l’étude de la Torah ajoute des mérites à l’homme dans ce monde-ci et dans le monde futur.

 

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