Choisir entre la Tora et… – ‘Eqev

Nous connaissons des gens qui étudient la Tora mais n’ont pas cette joie de vivre qui caractérise le juif pieux.

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le Rav David Hanania Pinto

Posté sur 06.04.21

Les vertus de l’étude régulière de la Tora

“Grâce à ('AiQaV) votre obéissance à ces lois et de votre fidélité à les accomplir, l'Éternel, votre D-ieu, sera fidèle aussi au pacte de bienveillance qu'Il a juré à vos pères.” (Deutéronome 7:12)
 
Le premier verset de la sidrathEqev nous apprend que celui qui fixe (‘EQeV-QeV’a) des heures pour l’étude de la Tora, entend tout ce que le Saint, béni soit-Il, lui ordonne et accède ainsi à la joie qu’implique le terme “Véhaya” (Béréchith Rabba 42:4). Il est alors prêt à se dévouer corps et âme à l’accomplissement de toute mitswa, même celle fixée par nos rabbins. C’est ce que nous tirons de l’épisode suivant raconté par le Talmud (‘Irouvin 21b) :
 
“Nos Sages enseignent que Rabbi 'Aqiva était emprisonné. Rabbi Yéhochoua’ Hagarsi lui apportait de l’eau et de la nourriture quotidiennement. Un jour, le garde de la prison lui fit remarquer que sa ration d’eau d’aujourd’hui était supérieure à celle qu’il lui apportait habituellement. Il en versa la moitié. Rabbi 'Aqiva se plaignit à Rabbi Yéhochoua’ : 'Ne sais-tu pas que je suis vieux et que ma vie dépend de la tienne ?' Il lui raconta ce qui était arrivé. 'Donne-moi de l’eau pour que je me lave les mains' demanda Rabbi 'Aqiva. Rabbi Yéhochoua’ lui dit : 'S’il n’y en a pas assez pour boire, crois-tu qu’il y en a pour se laver les mains ?' Rabbi 'Aqiva répondit : 'Celui qui s’en abstient est passible de mort d’après les Sages. Il vaut mieux mourir de soif plutôt que transgresser les paroles de mes amis, les Sages.' Rabbi 'Aqiva s’abstint de manger jusqu’à ce que Rabbi Yéhochoua’ lui donna l’eau pour se laver les mains.” Rabbi 'Aqiva préféra donc la joie de réaliser un commandement plutôt que celle de la soif !
 
La conviction de Rabbi 'Aqiva s'explique parce qu'il consacrait tous les jours un temps fixe pour l'étude de la Tora. Ainsi, même dans les situations extrêmes, il savait à la perfection ce qu'il devait faire. À plus forte raison pour nous qui, grâce à D-ieu, ne faisons pas face à de telles situations : nous saurons quoi faire à chaque instant de notre vie. Mais si, à D-ieu ne plaise, on ne fixe pas des heures pour l’étude de la Tora, et qu’on se contente d’apprendre de-ci de-là de ses camarades ce qui est permis et interdit, on agira chaque fois différemment parce qu’on n’a pas totalement clarifié la loi, et on sera dans un doute constant.
 
La première des choses à faire est d’annuler son ego devant son maître, d’accéder à l’aspect de “‘Eqev.” Les deux parties sont alors emplies de joie : le maître est content de voir son disciple se soumettre à lui et écouter sa voix et l’élève prend plaisir à ce qu’il apprend de son maître et en éprouve de la joie. Il ressent qu’il est son “‘Aqev” (“talon”). Tout empli de joie (“VéHaYaH”), il ressent la grandeur de l’Éternel (“YHVH”), qui est le Premier et l’Ultime.
 
D’ailleurs, le terme même de “‘AQeV” implique une idée de fin : en effet, dans l'alphabet hébreu, la lettre qui précède le “‘ayin” est le “samakh ” ; celle qui précède “qof ” est le “péh”, et celle qui précède “beth” est le “aleph” ; en réunissant ces lettres, on obtient le mot  “SéFA” ou “sof ”, qui signifie la “fin”. “Si Ta loi n’avait fait mes délices, j’aurais succombé dans ma misère” (Psaumes 119:92), s’exclamait le Roi David. Il ressentait que s’il ne s’engageait pas régulièrement dans l’étude de la Tora, il n’éprouverait aucune joie dans la vie et serait comme un indigent perdu et dépourvu de tout. C’est essentiellement l’étude de la Tora qui le remplissait de joie dans toutes les situations difficiles où il se trouvait.
 
Nous connaissons des gens qui étudient la Tora mais n’ont pas cette joie de vivre qui caractérise le juif pieux. Ils se demandent alors pourquoi la Tora ne les aide pas à se débarrasser de leur mélancolie ou même de leur dépression. La réponse est très simple : c’est parce qu’ils ne consacrent pas chaque jour des heures à étudier la Tora.
 
Grâce à l’étude régulière de la Tora dans la soumission, on ne ressent aucun manque au plan matériel.
 
La Guémara cite le cas de Rabbi ‘Hanina ben Dossa qui se contentait d’une mesure de caroube de la veille du Chabath à l’autre (Ta’anith 10a ; Zohar III, 216b). Mais comment peut-on être empli de joie si on est soumis (aspect de “ ‘Eqev”) ? Si le médecin prescrit au malade un médicament amer et difficile à avaler, il le prendra avec joie s’il prend conscience du fait que sa guérison en dépend. Il en est de même dans le Service divin. Le mauvais penchant s’efforce constamment de faire oublier à l’homme l’objectif de son existence ici-bas pour qu’il soit débiteur dans le monde futur : l’homme devient alors malade, la jalousie le ronge, il s’emplit d’orgueil, aspire aux plus grands honneurs et médit d’autrui. Il ne se débarrassera de tous ces défauts que par l’étude constante de la Tora, en faisant preuve du maximum d’humilité, qui est diamétralement opposée à ces graves défauts. Il verra alors combien sa joie s’intensifiera dans ce monde-ci comme dans le monde futur.
 
À notre grand regret, le juif de nos jours convoite constamment ce qu’il n’a pas : il ne se contente plus d’une petite maison ou d’une subsistance quotidienne moyenne… Et quand il voit qu’il ne peut pas accéder au standard de vie de son prochain, il détruit de ses propres mains la paix de son foyer. Nous connaissons personnellement le cas d’un juif qui a divorcé de sa femme parce qu’il n’avait pas assez d’argent pour acheter le réfrigérateur de la même marque que son voisin, D-ieu nous préserve !
 
La Guémara enseigne que le fils de David (le Messie) ne viendra que lorsqu’on n’aura plus un sou en poche (Sanhédrin 97a). C’est un signe évident de grâce du Saint, béni soit-Il, car comme on le sait, la cupidité détruit le monde. Quand dans l’avenir, l’argent n’aura plus aucune valeur, la jalousie, l’orgueil et la haine disparaîtront de la surface de la terre. Mais en attendant ces temps messianiques, la plupart de nos frères vivent dans la gêne du fait que chacun convoite ce que possède son prochain. Il n’en est pas de même de celui qui s’engage assidûment dans l’étude de la Tora : l’argent ne signifiant pas grand chose pour lui, il est constamment empli de joie, soumis à son Créateur. Pour lui, les meilleures affaires en bourse, c’est exclusivement l’étude intensive de la Tora.
 
Nos Sages enseignent aussi que le Machia’h (Messie) ne viendra que quand toute la génération sera coupable ou innocente (Sanhédrin 98a). La disparition du concept d’argent entraînera dans son sillage celle de la jalousie, de l’orgueil, de la convoitise, etc. La génération sera exempte de tout péché, et tout le monde affluera vers les synagogues et maisons d’études pour entendre la parole de D-ieu. Celui qui marche et avance constamment dans ses dévotions sur ses talons (“‘eqev”) aura le mérite d’entendre la Tora du Dieu tout-puissant (Admour de Gour dans son livre “Lev Sim’ha”).
 
La Tora, la crainte de Dieu et leur récompense dans le monde futur
 
Commentant le verset : “Si le serpent mord faute d’incantations, il n’y a point de profit pour celui qui dit des paroles de médisance” (Écclésiaste 10:11), Rech Lakich explique : “Dans l’avenir, tous les animaux se réuniront. Se présentant devant le serpent, ils lui diront : 'Le lion écrase sa victime et la dévore et le loup déchire sa proie et la mange. Mais toi, quel profit tires-tu [de ta morsure] ?' Le serpent leur répondra : 'Et quel est le profit qu’en tire le Ba’al Halachon, celui qui médit ?' (Erkhine 15b).” [Pour en savoir plus sur la médisance, cliquez ici.]
 
Cette Guémara est difficile à comprendre : quel est le rapport y-a-t-il entre le serpent et la médisance ? La réponse est simple : le serpent mord généralement le talon, comme il est écrit : “Qui mord les talons, et son cavalier tombe renversé” (Genèse 49:17). Commentant le verset : “Si tu prêtes de l’argent au pauvre qui est avec toi, ne sois point à son égard comme un créancier” (Éxode 22:25), Rachi explique : “Au début, la morsure du serpent ne laisse qu’un petit impact sur la peau du pied ; celui qui a été mordu ne le ressent même pas, et soudain la morsure s’enflamme et tout le corps est atteint. Il en est de même de la médisance : une petite parole à laquelle on n’a même pas pensé finit par s’enfler et blesser tout le corps. Le serpent mord précisément au talon conformément au principe de mesure pour mesure (Chabath 105 b ; Nédarim 32a).” La bouche a médit, elle qui devait s’engager dans l’étude de la Tora ; le serpent mord précisément le “‘eqev” (“talon”)de celui qui s’est abstenu de “qové’a” (“fixer”) des heures pour son étude.
 
Les disciples de l’École de Rabbi Yichmaël enseignaient : “La médisance équivaut à l’idolâtrie, à l’inceste et au meurtre” (Erkhine 15b). De plus, il est écrit : “Ne va point colportant le mal dans ton peuple” (Lévitique 19:16). Nous apprenons de cela que celui qui médit des autres doit savoir que c’est comme s’il médisait de lui-même, car lui aussi fait partie du peuple ; il altère ainsi l’unité du peuple. D’ailleurs le terme “rakhil ”(celui qui médit) a la même valeur numérique (260) que “néri ”(ma lumière) : en d’autres termes, la médisance allume une lumière qui s’introduit dans les trous et les fentes et endommage là où elle va.
 
Par conséquent, réfléchissons avant d’ouvrir la bouche, car comme l’enseigne le Midrach, la médisance tue trois personnes : celui qui médit, celui de qui on médit et celui qui entend la médisance (Dévarim Rabba 5:1), tout comme la morsure du serpent qui se fait au talon et met tout le corps en danger. Nous l’avons vu à plusieurs reprises : nous devons éprouver de la joie à aider notre prochain, à le pourvoir de ses besoins, être à ses talons pour prêter l’oreille à ses problèmes et difficultés, et veiller à ce qu’il n’en vienne pas à médire de son prochain. Empli de joie, il peut ressentir un éveil d’en bas qui entraîne celui d’En Haut.
 
La sidrath ‘Eqev qui commence par la joie (“Véhayah”) se poursuit par le péché du veau d’or, qui a tant irrité le Saint, béni soit-Il. Elle nous apprend que l’étude de la Tora ne suffit pas à elle seule ; il faut qu’elle soit accompagnée de la crainte du Ciel et de la foi. De fait, il est écrit : “L’homme ne vit pas seulement de pain” (Deutéronome 8:3). Nos Sages (Yalkouth Chimoni ) ont enseigné que ce pain, c’est la Tora, c’est-à-dire la foi. L’inverse aussi est vrai : la foi seule ne suffit pas. Il faut qu’elle soit accompagnée par l’étude de la Tora.
 
Ce verset nous apprend aussi que ce n’est pas seulement durant l’étude qu’on se souvient de Dieu, mais même en temps de repos.
 
Si le Tsadiq tombe malade et ne peut répondre aux questions de ses disciples, ces derniers s’attachent à lui par le biais de ses écrits. “Grâce à votre obéissance à ces lois…” (Deutéronome 7:12). La première lettre des deux premiers mots hébreu du verset forment le mot “moment”. Ceci est une allusion à l’obligation pour l’homme de fixer des heures pour l’étude de la Tora dans la joie.
 
Pourquoi le verset ne mentionne-t-il seulement que les lois (michpatim)? Qu’en est-il alors des principes (’houqim) et des Commandements divins (mitswoth)? C’est que la majorité des lois sont faciles, percevables par l’esprit de l’homme et appliquées par tout peuple éduqué. La Tora vient nous apprendre que le juif doit les appliquer dans la joie en s’efforçant de sonder leur sens profond et ne pas les considérer seulement de façon superficielle. Ainsi, par exemple, le Commandement divin : “Ne tue point” signifie aussi ne fais pas honte à ton prochain; ne vole point peut traiter aussi de fraude et de tromperie…
 
Le verset fait aussi allusion à la récompense qu’on doit recevoir lors de l’avènement du Machia’h où Le Saint, béni soit-Il, donnera à chaque Tsadiq, à pleines mains, trois cent dix mondes (Zohar III, 257b ; Sanhédrin 100a). On reçoit la récompense la plus substantielle pour des mitswoth faciles sur lesquelles on piétine selon la définition de Rachi (Deutéronome 7:12). D-ieu sera alors fidèle au pacte de bienveillance qu’Il a juré à nos pères. Un exemple de mitswoth qu’on néglige généralement, c’est l’ablution des mains après le repas, les “mayim a’haronim ‘hova” (l’ablution des mains à la fin du repas) ; il s'agit pourtant d'une mitswa est obligatoire.
 
Les premières lettres de cette expression (mem, aleph et ‘heth) possèdent la valeur numérique de 49. En d’autres termes, celui qui veille à cette mitswa, ne tombe pas entre les mains des quarante-neuf portes de l’impureté et sera constamment empli de joie. L’auteur du Liqouté Tora écrit à cet effet : “Un serviteur voulait faire plaisir à son maître. Après maintes réflexions, il lui donna en cadeau… un singe qui parle, chose très rare. Il en est de même pour celui qui veut emplir de joie le Saint, béni soit-Il : il ne doit pas se contenter de faire des choses simples, mais viser essentiellement à se conformer à la volonté du Roi des Rois, avec le maximum d’enthousiasme et de dévouement.”
 
Cette joie, l’Éternel ne l’éprouve que si l’homme accomplit les grandes mitswoth en faisant preuve d’humilité, en se sentant bas comme le talon (‘éqev). En outre, “véhayah ‘eqev” peut se décomposer en Ya’aqov. En d’autres termes, Jacob s’est constamment saisi du “‘aqev”, il n’en est jamais parvenu à altérer l’Alliance du fait qu’il se rappelait qu’il venait de la poussière (…).
 
C’est pourquoi Ya’aqov s’est exclamé : “Je suis trop petit pour toutes les grâces…” (Genèse 32:11). Si je suis petit, c’est essentiellement parce que je fais mon introspection constamment. Qui suis-je pour que le Saint, béni soit-Il, manifeste tant de bonté à mon égard ? C’est grâce à cette modestie qu’il s’est protégé de l’attribut du jugement.
 
Celui qui veut vraiment réussir dans l’étude de la Tora doit s’effacer devant tout le monde. Quel est le vrai sage ? demande Ben Zoma ; “Celui qui apprend de tout le monde” (Avoth 4:1). Le Roi David avoue à son tour : “J’ai appris de tous mes précepteurs” (Psaumes 119:99). “Je lève mes yeux vers le Ciel. D'où (“ayin“) me viendra mon secours? (id. 121:1). Du fait que je me considère comme “ayin” (le néant), de là viendra mon salut.”

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