La guerre contre le mauvais penchant – Vayichla’h

Nous devons faire la guerre, c’est-à-dire à attaquer le mauvais penchant, prier D-ieu de nous sauver de l’emprise de cet ennemi, et saisir la Tora qui est un cadeau.

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le Rav David Hanania Pinto

Posté sur 07.12.22

Les stratagèmes de la guerre contre le mauvais penchant

Il est écrit (Béréchith 32:4-5) : “Et Ya’aqov envoya des messagers (selon une autre interprétation : des anges) au-devant… au pays de Séir, en terre d’Edom. Il leur donna l’ordre de dire à ‘Essav… ainsi parle ton serviteur Ya’aqov. J’ai séjourné chez Laban et j’ai tardé jusqu’à présent.” Plus loin (verset 8), il est écrit : “Ya’aqov fut effrayé et plein d’anxiété.”

 Les Sages expliquent (Rachi Béréchith 32:9) : “Ya’aqov craignait ‘Essav et c’est pourquoi il s’était préparé à faire trois choses : lui offrir des cadeaux, prier, lui faire la guerre.” Beaucoup de questions se posent, auxquelles nous devons répondre.
1. Pourquoi Ya’aqov envoie-t-il des anges pour apaiser ‘Essav ? Il sait qu’‘Essav le hait, comme le lui a dit sa mère (Béréchith 27:42) : “Ton frère ‘Essav veut se venger de toi, il veut te tuer.” ‘Essav le hait pour l’avoir privé de son droit d’aînesse et des bénédictions et tout l’or du monde ne suffirait à apaiser sa haine. Envoyer des anges à sa rencontre peut sembler une provocation et une déclaration de guerre.
N’aurait-il pas mieux valu que Ya’aqov prenne une autre route pour se rendre chez son père Yits’haq, afin d’éviter de rencontrer ‘Essav qu’il n’avait pas vu depuis longtemps ? Ils ne se seraient pas rencontré et Ya’aqov n’aurait eu aucune raison d’avoir peur.
2. Si ‘Essav haïssait Ya’aqov depuis si longtemps, pourquoi n’a-t-il rien fait jusque-là ? Durant ces vingt-deux ans, il aurait pu aller à Haran faire la guerre contre Ya’aqov, car ‘Essav ne manquait pas d’audace. Est-ce donc qu’il craignait Laban ?
3. Pourquoi Ya’aqov craignait-il ‘Essav ? Lorsqu’il quitta la maison de son père, D-ieu lui promit : “Je veillerai sur toi partout où tu iras et Je te ramènerai dans ce pays car Je ne t’abandonnerai pas…” (ibid. 28:15) et chez Laban aussi D-ieu lui promit “Je serai avec toi” (ibid. 31:3). Pourquoi avait-il donc si peur d’‘Essav, et pourquoi avait-il besoin de se préparer à toute éventualité par des offrandes, la prière et la guerre, s’il n’avait effectivement aucune raison d’avoir peur ?
4. Il faut expliquer l’intention de Ya’aqov lorsqu’il dit à ‘Essav : “J’ai séjourné chez Laban.” Est-ce qu’’Essav ne savait pas que Ya’aqov avait habité tout ce temps chez Laban ?
En fait, durant le temps que Ya’aqov passa chez Laban, il s’étonnait de ce que son frère ne vînt pas à Haran lui déclarer la guerre car ‘Essav ne craignait pas Laban et il avait le pouvoir de lutter à la fois contre Ya’aqov et contre Laban.
Mais lorsque Ya’aqov comprit combien Laban était menteur et malfaisant, il comprit à juste titre qu’‘Essav n’avait pas l’intention de le tuer en le privant de la vie, mais qu’il voulait le tuer sans verser de sang. Si Ya’aqov se laissait influencer par son oncle Laban, il devenait méchant lui aussi et “Les méchants sont comme morts même de leur vivant” (Berakhoth 18b, Béréchith Raba 39:7) et telle serait sa fin. Il s’ensuivrait nécessairement qu’il perdrait le bénéfice de toutes les bénédictions d’Yits’haq.
C’est pourquoi ‘Essav n’avait aucune raison d’aller à Haran déclarer la guerre à Ya’aqov, puisque Laban obtiendrait ce que lui-même voulait, et ‘Essav était heureux de chaque instant que Ya’aqov passait à Haran en compagnie de ce vilain (Rachi, Béréchith 24:50), appelé par tous “le roi des menteurs” (Tan’houma Vayichla’h 1).
C’est la raison pour laquelle Ya’aqov lui fait dire : “J’ai séjourné chez Laban” ce qui signifie (Midrach Hagada ad. loc.) : “J’ai observé toute la Tora et je ne suis pas devenu malfaisant, comme tu le penses. Au contraire, pendant tout ce temps, j’ai continué à suivre la voie de la Tora.
Bien plus, j’ai appris de Laban quelle est la conduite à éviter, comme il est dit (Téhilim 119:98) : “Tes commandements me rendent plus sages que mes ennemis.” Tous les biens que je possède, je les ai acquis par mon dur travail, et par conséquent les bénédictions de mon père n’ont pas été amoindries, et elles restent valables pour moi et mes descendants jusqu’à la fin des temps.
Il reste à expliquer pourquoi Ya’aqov n’a pas préféré prendre une autre route pour se rendre chez son père, plutôt que d’affronter ‘Essav ?
C’est que Ya’aqov veut enseigner à toutes les générations comment servir D-ieu. Il nous enseigne qu’il est interdit de s’enfuir devant le Satan, “qui est le mauvais penchant, qui est l’ange de la mort” (Baba Bathra 16a).
Au contraire, il faut lui faire face et le dominer, comme il est dit (Berakhoth 5a ; Zohar III, 113) : “Il faut toujours faire dominer le bon penchant sur le mauvais”, que Rachi explique ainsi (ad. loc.) : “Il faut lui faire la guerre” afin de l’anéantir pour toujours. De plus, il est possible de l’investir dans le service de D-ieu comme il est dit (Berakhoth 54a) : “Tu aimeras l’Éternel de tout ton cœur, avec les deux penchants de ton coeur, le bon et le mauvais”.
Tout comme nous avons peur de faire la guerre, nous devons craindre la guerre contre le mauvais penchant, tout en gardant une pleine confiance en D-ieu, Créateur du monde, et savoir qu’Il nous vient en aide et nous procure la victoire.
C’est ce que fit Ya’aqov lorsqu’il alla intentionnellement au-devant d’‘Essav, afin de le rencontrer, de l’affronter et de le vaincre. Mais Ya’aqov craignait qu’une faute quelconque de sa part ne lui fit perdre cette guerre (Berakhoth 4a ; Chabath 32a ; Bamidbar Raba 19:32), comme il est écrit (Téhilim 51:5) : “Mon péché est sans cesse devant mes yeux.” Pourquoi ?
Parce qu’‘Essav respectait à la perfection l’honneur des parents (Chemoth Raba 46:3 ; Devarim Raba 1:14), tandis que Ya’aqov, durant sa longue absence, n’avait pas pu honorer son père, et cette faute risquait d’entraîner sa défaite. Et ainsi, lorsque Ya’aqov attaqua ‘Essav, il commença par se repentir de n’avoir pas servi son père.
Bien que Ya’aqov n’avait aucune raison de craindre ‘Essav puisque D-ieu lui avait promis de veiller sur lui, il craignait pourtant qu’en rencontrant ‘Essav, il n’oublie, ne serait-ce qu’un instant, la protection de D-ieu et que cette faute ne le perde et c’est pourquoi il s’est préparé à offrir des cadeaux, à prier et à faire la guerre.
La conduite de Ya’aqov est une leçon pour ses enfants. Elle vient leur apprendre qu’il faut toujours être en position d’utiliser ces trois moyens : les cadeaux, la prière et la guerre. Comment ?
En étudiant la Tora et en suivant ses voies, nous sommes assurés de pouvoir surmonter le mauvais penchant, puisque “la Tora est le remède contre les mauvaises tendances” (Qidouchin 30b ; Baba Bathra 16a) et “elle protège et sauve” (Sota 21a). Malgré cela, au moment de la lutte contre le mauvais penchant, nous risquons de nous détacher de D-ieu, ne serait-ce qu’un instant, ce qui pourrait sceller la défaite.
Et Ya’aqov nous prévient donc que, même dans le feu de l’action, nous ne devons pas oublier la crainte de D-ieu et que toute rupture dans notre lien avec D-ieu peut nous faire perdre la bataille. Il faut donc être prêt à trois choses :
À faire la guerre, c’est-à-dire à attaquer le mauvais penchant, comme nous l’avons dit plus haut, à prier D-ieu de nous sauver de l’emprise de cet ennemi, et surtout à faire des cadeaux, c’est-à-dire saisir la Tora qui est un cadeau.
En effet, il est écrit (Bamidbar 21:19) : “De Mattana à Na’haniel et de Na’haniel à Bamot (des étapes dans le parcours du peuple juif dans le désert)”. Se fondant sur le fait que le mot “mattana” signifie “cadeau”, les Sages ont dit (Berakhoth 5a ; Chemoth Raba 1:1) : “La Tora s’appelle un cadeau”, et elle est un enseignement, comme il est écrit : “Je vous ai donné un bon enseignement, n’abandonnez pas Ma Tora” (Michlé 4:2). Si nous restons constamment attachés à elle, elle nous aidera sans aucun doute à vaincre le mauvais penchant.
Bien que nous ayons la promesse de D-ieu, si nous détachons nos pensées de Lui, ne serait-ce qu’un instant, la promesse peut ne pas se réaliser. C’est ce que Ya’aqov craignait, et c’est cette leçon qu’il transmit à ses descendants, pour toutes les générations.
Il y a une autre leçon à tirer de la conduite de Ya’aqov avec ‘Essav. Il faut poursuivre le mauvais penchant partout où il se cache, et cela parce qu’il a plusieurs appellations, comme le disent les Sages (Soukaa 52a) : “Le mauvais penchant a sept noms”, il s’appelle “le grand roi” (Qohéleth 9:20), David l’appela “pécheur” (Zohar I, 165), il se nomme aussi “impur et ignoble” (Zohar III, 101b), et il peut donc paraître sous des formes aussi diverses que variées, et il peut être là sans que l’on se rende compte de sa présence.
Il faut se méfier de lui et le guetter de tous côtés, comme nous le disons dans la prière : “Retire le Satan de devant nous et de derrière nous”, c’est-à-dire de quelque côté qu’il puisse venir. C’est que le mauvais penchant peut se présenter devant nous sous la forme d’un homme plein de vertus, tout comme il peut nous attaquer par derrière comme un vilain qui en veut à notre vie.
Les exemples qui illustrent ce fait ne manquent pas. Parfois le Satan se présente à nous de bon matin, il nous réveille pour la prière, et effectivement, nous nous réveillons et faisons tout ce que nous avons à faire. Mais ensuite, le mauvais penchant nous rend orgueilleux : “je me suis levé de bon matin… j’ai prié…”, et alors il nous insuffle des mauvaises pensées qui nous font dire : “je suis fatigué, je me suis levé si tôt…” et il nous est impossible d’étudier tout le reste de la journée…
Il faut donc le devancer et frapper le premier coup, comme il est écrit : “Lorsque tu partiras en guerre contre ton ennemi…” (Devarim 21:10), il faut agir avec la crainte des fautes commises, ne pas s’enorgueillir, et ne pas rompre le lien avec D-ieu au moment du combat.
C’est ce que Ya’aqov dit à ‘Essav : “J’ai séjourné chez Laban, et je n’ai rien appris de sa mauvaise conduite, mais toi tu as vécu chez Yits’haq, homme vertueux, et tu es resté méchant, tu n’as rien appris de sa bonne conduite”, comme le disent les Sages (Yoma 38b) : “‘Essav habitait chez deux personnes vertueuses et n’a rien appris de leur conduite”. Et Ya’aqov ajoute : “J’ai tardé jusqu’à présent”, c’est-à-dire : ne crois pas que j’aie imité ses mauvaises manières du fait que j’ai vécu longtemps chez lui ; au contraire, j’ai habité chez lui pendant vingt-deux ans, et malgré cela je suis resté vertueux et je n’ai pas fauté comme lui.
Il en est de même de la rencontre de Ya’aqov avec l’ange d’‘Essav. Après avoir envoyé son message à ‘Essav, Ya’aqov affronte l’ange d’‘Essav et lutte contre lui, lui dont le but était justement de lui faire oublier D-ieu en lui causant une grande douleur à la cuisse.
Cette lutte eut lieu la nuit, car le Satan et les esprits malfaisants et destructeurs règnent à ce moment (Baba Kama 60b ; Zohar III, 113 ; Rachi Chemoth 12:22). Pourtant, il est dit (Béréchith 32:26) : “L’ange vit qu’il ne pouvait pas le vaincre”, c’est-à-dire que le Satan n’a pas réussi à détourner Ya’aqov de son attachement à D-ieu et il n’a fait que le blesser à la cuisse, et Ya’aqov est resté vertueux tout le temps de cette lutte.
Et l’ange lui dit ensuite (ibid. 32:29) : “Ton nom ne sera plus Ya’aqov mais Israël, car tu as lutté avec la divinité et avec les hommes, et tu as gagné”. Israël a le sens de “yachar” droit, car durant cette lutte Ya’aqov est resté intègre et attaché à D-ieu et c’est pourquoi il a gagné. L’ange d’‘Essav fut contraint de se rendre, et en particulier d’agréer les bénédictions reçues de son père par Ya’aqov (Béréchith Raba 78:2), comme ‘Essav le concéda par la suite (ibid. 33:9) :
“Mon frère, garde ce que tu as”. Ya’aqov, qui fut victorieux dans cette guerre, enseigne à ses enfants et à ses descendants qu’“avec des stratagèmes, tu entreprendras la guerre” (Michlé 24:6), avec des cadeaux, avec la prière, avec le combat, et ainsi tu parviendras à écraser le mauvais penchant et toi, juif, tu survivras et tu progresseras dans une vie faite de spiritualité et de piété.

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