La sainteté des yeux – Nitsavim

Le son du chofar nous réveille de notre torpeur, mais seulement pour un moment. À la sortie de Roch Hachana, nous commençons déjà à tout oublier...

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le Rav David Hanania Pinto

Posté sur 06.04.21

La paracha Nitsavim commence par le verset : “Vous êtes placés aujourd’hui, vous tous, en présence de l’Éternel votre Dieu…” (Deutéronome 29:9). Deux versets plus loin, nous lisons : “afin d’entrer dans l’alliance de l’Éternel… voulant te constituer aujourd’hui pour son peuple.”

Pour quelle raison le terme “aujourd’hui” se répète-t-il ? Pourquoi n’est-ce qu’aujourd’hui que nous constituons le peuple de D-ieu ?
 
Les enfants d’Israël sont ici sur le point d’entrer en Terre Sainte, le patrimoine de D-ieu où réside la Providence divine, ce pays sur lequel “veille l’Éternel, ton D-ieu, et qui est constamment sous l’œil du Seigneur, depuis le commencement de l’année jusqu’à la fin” (id. 11:12). Ce n’est donc qu’aujourd’hui qu’ils deviennent le Peuple de D-ieu. Ce statut sublime les oblige à Le servir comme il convient, à œuvrer à faire descendre un flux d’abondance des mondes supérieurs à leur pays sacré et en faire bénéficier le monde entier. À son tour, le Saint, béni soit-Il, les nantit de bien et les bénit, et Son nom est sanctifié dans le monde entier.
 
D’une part, ils ont choisi D-ieu, comme il est écrit : “Tu as glorifié aujourd’hui l’Éternel en promettant de l’adopter pour ton D-ieu” (Deutéronome 26:17). De l’autre, à son tour, l’Éternel t’a glorifié en te conviant à être Son peuple privilégié (id. 18). C’est par le mérite des enfants d’Israël que s’intensifie le flux d’abondance dans le monde et que s’accroissent la gloire et la majesté de D-ieu dans tout l’Univers. Chacun aura donc à cœur d’aider son prochain pour se conformer à la volonté de D-ieu. Les enfants d’Israël ont eu droit à deux cadeaux précieux : premièrement s’implanter en Terre Sainte en faisant pénitence, se rapprocher ainsi du Saint, béni soit-Il ; deuxièmement, s’engager assidûment dans l’étude de la Tora et s’y élever sans cesse, former de nouveaux Sages et procurer du plaisir au Tout-Puissant.
 
Pour accéder à ce niveau, chacun des membres de l’Assemblée d’Israël doit être “nitsav” (ferme) dans ses intentions et se soumettre, grand ou petit, riche ou pauvre, à la volonté de D-ieu. C’est grâce à cette fermeté qu’Il fait entrer dans Son alliance et dans Son pacte solennels, non seulement les nouveaux habitants du pays, ceux qui sont aujourd'hui placés avec nous, en présence de l’Éternel, mais aussi ceux qui ne sont pas ici, à nos côtés, en ce jour (id. 13, 14) les générations futures, par le mérite de leurs ancêtres.
 
Moïse a donné l’impression aux enfants d’Israël de se trouver sous le dais nuptial comme la fiancée qui se prépare à prendre époux avec l’Éternel Lui-même, dans toute Sa gloire et Sa majesté. Dans ces circonstances, Il établit son pacte avec nous aussi, car nous sommes importants à Ses yeux, nous empruntons la voie qu’Il nous a tracée. Grâce à notre foi en Lui, les nations du monde nous glorifient et disent : “Heureux soient-ils de faire partie de la descendance de leur patriarche Avraham !”
 
Sortant de la ville de Beer Cheva, Ya'aqov atteignit l’endroit et il y passa la nuit, parce que le soleil s’était couché (Genèse 28:11). Et voici que l’Éternel “nitsav” se tenait sur lui (id. 13). Si notre patriarche a eu un tel mérite, c’est essentiellement parce qu’il était ferme dans ses idées, qu’il n’a pas subi l’influence tant néfaste de Lavan et Esaü. L’Éternel lui a donc promis de lui donner, ainsi qu’à sa postérité cette terre où il repose (id.). “Elle sera ta postérité comme la poussière de la terre ; et tu t’étendras au couchant et au levant” (id. 14).
 
Or, à ce moment, Ya'aqov était pauvre et indigent, comme il est écrit : “Moi qui avec mon bâton avais passé ce Jourdain” (id. 32:11). Il aurait pu demander à D-ieu de mettre de suite ses promesses en application. C’est donc de là qu’on voit sa grandeur : il s’en est abstenu et n’a rien demandé et s’est complètement soumis à la volonté de D-ieu. C’est grâce à sa fermeté, sa justesse et sa foi en D-ieu, que son mérite nous protège, des centaines de générations après.
 
Rabbi Guedj de Sarcelles, ajoute à ce propos :
 
Le terme 'aujourd’hui' figure dans les deux versets : “Vous êtes placés (fermes) aujourd’hui, vous tous, devant l’Éternel, votre D-ieu…” (Deutéronome 29:9) et “Vous, qui êtes attachés à l’Éternel, votre D-ieu, vous êtes tous vivants aujourd’hui” (id. 4:4). Ceci nous enseigne que la fermeté dans le service divin conduit à l’attachement à D-ieu et à la vraie vie. Toutefois, comme nous sommes encore loin de cette fermeté, nous n’avons pas peur des Jours Redoutables (les jours entre Roch Hachana et Yom Kippour) et ne sommes pas attachés à D-ieu. Le lion a rugi : qui n’aurait peur ? (Amos 3:8).
 
Le son du chofar nous réveille de notre torpeur, mais seulement pour un moment. À la sortie de Roch Hachana, nous commençons déjà à tout oublier. Pour ressentir vraiment la crainte du Ciel, nous devons prier (…) pour la reconstruction de notre Saint Temple le cœur du peuple juif et la rédemption finale. Car dans cet exil amer, nous ne craignons pas vraiment D-ieu. Engageons-nous donc assidûment dans l’étude de la Tora et veillons à corriger nos traits.
 
Dans les bénédictions qui précèdent la prière du matin, nous louons D-ieu qui prépare les pas du “guéver” (de l’homme). Pour quelle raison n’utilisons-nous pas plutôt le terme “adam” à cet effet ? Ce mot est celui qui est le plus souvent utilisé pour dire “homme”.
 
C’est parce que l’Éternel a d’ores et déjà préparé les pas de l’homme, mais il lui faut faire preuve de “guévoura” (d’héroïsme), aspect de : “Quel est le héros ? Celui qui sait vaincre ses passions” (Avoth 4:1). Le chemin est déjà tracé: il nous suffit désormais de nous imprégner de la crainte de D-ieu.
 
En vérité, si nous sommes tellement éloignés de la YIRaH (la crainte) c’est à cause de la déficience de notre RéIYaH (vue). Comme nos yeux regardent ce qui est interdit, il se crée un rempart habité par les forces du mal entre la vue et l’ouïe, entre le cœur et l’enthousiasme.
 
Comme nous l’avons vu, ce sont essentiellement le cœur et les yeux qui conduisent au péché (Yérouchalmi, Bérakhoth 1:5; Bamidbar Rabba 10:6). Une vue souillée engendre une crainte du Ciel déficiente. En revanche, une vue pure engendre la vue de la sainteté. C’est ce que nous implorons tous les jours dans la prière du matin : “Que nos yeux voient ton retour à Tsion, grâce à Ta miséricorde. C’est là-bas, au Saint Temple de Jérusalem, que nous Te servirons dans la crainte.”
 
Toutefois, à cause de nos nombreux péchés, comme nous ne veillons pas assez sur notre vue, nous créons un rempart entre notre esprit et notre cœur, habité désormais par les forces du mal. Efforçons-nous donc d’étudier la Tora, cet arbre de vie pour ceux qui s’en rendent maîtres (Proverbes 3:18). Elle contribuera à nous rapprocher de D-ieu. Car les préceptes de l’Éternel sont droits: ils réjouissent le cœur (Psaumes 19:9). Fuyons les futilités de ce monde et exaltons la gloire de D-ieu aux yeux de tous les hommes.
 
Tenons-nous (netsavim) devant Sa Majesté, nous tous. Aspirons à accéder à la Chlémouth (perfection). Les lettres de ChaLeM (parfait) forment les mots Sékhel (l’esprit), Lev (le cœur) et Moa’h (le cerveau).
 
Dans la prière du matin de Roch Hachana nous disons : “Que ce grand chofar se fasse entendre”, suivi d’un grand silence. Nous disons ensuite : “En ce jour, résonnera la grande trompette: alors arriveront ceux qui étaient perdus dans le pays d’Achour…” (Isaïe 27:13). “Pourquoi précisément un grand chofar ? Un petit ne suffirait-il pas ?” demande à cet effet l’auteur de “Aryeh Chaag”, un commentaire à propos de la Tora.
 
À cause de nos nombreux péchés, tout au long de notre exil, le sentiment d’épouvante ne fait que se dissiper. Le son du chofar a cessé de nous emplir d’effroi. À preuve : cela fait deux mille ans que nous l’entendons sans pour autant revenir vers D-ieu et hâter notre libération. La Royauté de D-ieu n’a pas encore été restaurée et les nations n’ont pas encore reconnu la souveraineté totale de l’Éternel sur toute la Création.
 
Tant que nous vivons, nous risquons d’être la victime du mauvais penchant et de détériorer notre voie. Même quand nous entendons le son du chofar, nous nous repentons sur nos mauvais actes, alors que nous sommes susceptibles de trébucher de nouveau. “Ne réponds de ta vertu qu’au jour de ta mort” enseigne la Michna à cet effet. Quand viendra le prophète Élie pour nous annoncer la rédemption finale, il recueillera toutes les sonneries des juifs à travers les générations. On entendra alors une très grande sonnerie qui imprégnera de la crainte du Ciel le cœur de toute l’Assemblée d’Israël, qui se repentira et ne retombera plus jamais dans les filets du mauvais penchant. Notre peuple sera alors libéré.
 
“Alors arriveront ceux qui étaient perdus dans le pays d’AChOuR” : même ceux qui ont perdu leur ROCh (tête), leur Sékhel (esprit) et leur Lev (cœur) prendront conscience de la véracité de ces faits et feront un repentir sincère. Ceux qui étaient relégués au pays de Mitsraïm (Égypte) c’est-à-dire qui sont tombés dans les filets des forces du mal portant le nom de Mitsraïm, en feront de même et se prosterneront devant l’Éternel sur la montagne sainte de Jérusalem.
 
En fait, le Saint, béni soit-Il, ne vise pas à mépriser même les méchants, Il n’aspire qu’à leur retour vers Lui. Et ce n’est que s’ils s’abstiennent de faire téchouva (repentir) qu’Il les châtie. À cet effet, commentant les versets : “Or, le nom de l’israélite frappé par lui, qui avait péri avec la midianite, était Zimri, fils de Salou… et la femme qui avait été frappée, la midianite, se nommait Kozbi, fille de Tsour ” (Nombres 25:14-15), le Or Ha’Hayim se pose la question : si la Tora veut rappeler le nom des frappeurs et des frappés, elle aurait dû le mentionner plus haut, au moment où ils ont agi. “Or, voici qu’un israélite du nom de Zimri…”
 
Et si la Tora veut faire abstraction de leur acte, comme dans le cas du juif qui ramassait du bois un Chabath, pourquoi ce n’est que maintenant qu’elle mentionne leur nom ? C’est que D-ieu ne vise pas à mentionner même le nom de ceux qui commettent des actes immondes, comme celui du ramasseur de bois, au moment où ils le commettent. Ce n’est qu’après nous avoir mentionné la jalousie de Pin’has de la Cause divine, que la Tora mentionne l’identité du frappé et de la frappée qui étaient des princes et non des gens simples.
 
La mention des noms des pécheurs vise essentiellement à glorifier le Nom de D-ieu dans le monde. Si Pin’has n’avait pas visé à se venger de ces personnages importants, la Tora n’aurait pas mentionné leur nom, D-ieu aspirant qu’ils fassent téchouva (qu'ils se repentent). Celui qui vient se purifier se fait aider du C-iel (Chabath 104a ; Zohar I, 54a). “Montrez-Moi l’ouverture de la grandeur du chas de l’aiguille, et Je vous ouvrirai la porte du Oulam” (Chir HaChirim Raba 5:3).
 
Celui qui emprunte le chemin de la droiture assistera au retour de l’Éternel à Tsion, par Sa miséricorde.
 
Il l’y servira avec la crainte sincère des années d’antan.

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