La véritable modestie – Vayélekh

En outre, si on apprend les enseignements de Tora d’un Tsadiq, on fait remuer ses lèvres dans sa tombe.

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le Rav David Hanania Pinto

Posté sur 06.04.21

La modestie de Moché Rabbénou : un enseignement pour chaque Ben Israël

“Moïse alla ensuite adresser les paroles suivantes à tout Israël” (Deutéronome 31:1).
 
Où est-il allé ?
 
Il se trouvait au sein des enfants d’Israël auxquels il tint les propos mentionnés dans notre sidra.
 
D’autre part, commentant le verset : “Je ne peux plus vous servir de guide (lit.: sortir et venir). D’ailleurs, l’Éternel m’a dit : ‘Tu ne traverseras pas ce Jourdain’" (id. 2), Rachi, citant les Sages, explique : À ce moment, Moché avait oublié les enseignements traditionnels de la Tora et les fontaines de la sagesse s’étaient taries pour lui (Sota 13b). Or, nous savons qu’il a inculqué aux enfants d’Israël la mitswa de convocation du peuple entier, à l’issue de l’année sabbatique (id. 31:12), il leur a fait de la morale et leur a écrit un Cantique (id. 22). Il les a enfin béni tous avant sa mort (id. 33:1).
 
Comment donc les commentateurs peuvent-ils écrire que les fontaines de la sagesse s’étaient taries ?
 
La Tora met particulièrement l’accent sur les rapports entre l’homme et son prochain. Il est difficile à celui qui a été gravement lésé de pardonner à celui qui l’a blessé. Il est prêt à livrer combat à celui qui a souillé son nom. La Ma’HLoKeTh (dissension) engendre toute une série de mauvaises réactions dont les initiales forment ce terme : Maca (coup) ; ‘Haron (colère) ; Likouy (déficience) ; Kelala (injure) ; To’éva (abomination) (Bamidbar Rabba 18:10). Celui qui blesse son prochain doit donc aussi chercher à se réconcilier avec celui qu’il a lésé (Yoma 85b).
 
Par conséquent, si le verset précise que Moïse alla adresser ces paroles, c’est parce qu’il était le plus humble et le plus aimé des hommes. Aussi, avant sa mort, au lieu de s’occuper de ses affaires personnelles et veiller à rectifier son âme, alla-t-il d’un juif à l’autre en vue de l’inciter à emprunter la voie de la rectitude, pour subvenir à ses besoins au plan matériel et spirituel. Ce qui sort du cœur entrant dans le cœur, comme l’enseignent nos Sages (Bérakhoth 6a), il a réussi dans son entreprise et ses paroles ont laissé un grand impact chez tous ceux qui l’entendaient : c’était là sa victoire, ce qui l’a essentiellement honoré.
 
Tout maître et éducateur devrait agir comme notre maître Moïse, et s’il remarque par exemple un élève qui n’est pas venu un jour à l’un de ses cours, il devrait se rendre chez lui pour se renseigner exactement sur son absence. Il ne devrait pas s’en sentir humilié ou avili. La Guémara (Bava Kama 20a ; Bava Batra 51a) a rapporté à cet effet l’épisode d’un Amora qui s’est abstenu une fois de venir à la maison d’étude et à qui ses camarades ont rapporté les leçons apprises.
 
On remarque au premier verset de notre sidra l’emploi du verbe “Vayedaber” (parler-s’adresser) qui implique comme on le sait un langage dur (cf. Tan’houma 96a).
 
Comment peut-on concevoir que Moïse puisse utiliser un tel langage ? C’est qu’il n’était pas très facile pour lui de réprimander les enfants d’Israël dans toutes leurs diversités sociales. Leur cœur fut toutefois brisé de voir un chef de son envergure s’abaisser et venir à leur rencontre.
 
On peut dire que c’était pour lui une descente destinée à une élévation (Makoth 7b) : en d’autres termes, il considérait ses discussions avec les gens les plus simples comme une élévation personnelle, du fait qu’elle contribuait à leur faire emprunter la bonne voie. La Michna enseigne à cet effet : Tout celui qui dirige les gens vers le bien, le mérite des autres lui est attribué (Avoth 5:21).
 
Ce faisant, Moïse veillait particulièrement à ne pas faire preuve de la moindre trace d’orgueil, aspect de “Va, descends !” (cf. Exode 19:24 ; 32:7). Sur le
Sinaï, Moïse s’est imprégné d’une sainteté que nul œil humain n’a jamais discernée, comme il est écrit : “Tu es remonté dans les hauteurs, après avoir fait des prises” (Psaumes 68:19). Et il devait descendre et s’occuper pour pouvoir monter par la suite davantage.
 
C’est donc, comme nous le verrons plus bas (leçon sur le Chabath Téchouva), grâce à Moïse que les gens simples se sont repenti. C’est grâce à lui que le Jour de Kipour pardonne nos fautes, Moïse étant monté une deuxième fois sur la montagne pour recevoir ce jour les secondes Tables de la Loi (Tan’houma, Ki Tissé 31).
 
Les fontaines de la sagesse se sont taries pour Moïse la veille de sa mort, mais grâce à sa modestie, il n’en continua pas moins à faire la morale aux enfants d’Israël et avant de disparaître, il les bénit qu’ils suivent sa modestie. Il leur apprit que les lois de l’année sabbatique lui ont été données sur le Mont Sinaï connu pour son humilité (Béréchith Rabah 99a ; Pessikta Rabati 7:3). Moïse a reçu la Loi sur le Sinaï (Avoth 1:1), la Torah qui est acquise par la modestie (id. 6:4).
 
Quel rapport y a-t-il entre l’année sabbatique et le Sinaï ? demandent nos Sages (Torath Kohanim, Rachi, Lévitique 26:3). La Tora veut nous montrer par là l’égalité entre le maître et l’esclave grâce à la modestie, on peut donc recouvrer ses forces et sa sagesse. Elle est en mesure d’annuler toute sentence rigoureuse. La modestie est la mère de tous les bons traits pour tout homme tout au long des générations.
 
Les Tsadiqim sont nos meilleurs avocats de leur vivant comme après leur mort
 
“L’Eternel dit à Moïse : Tandis que tu te reposeras avec tes pères, ce peuple se laissera débaucher par les divinités du pays barbare où il va pénétrer” (Deutéronome 31:16).
 
Nous devons comprendre pourquoi, au lieu de raffermir Moïse avant sa mort, le consoler de sa future disparition de ce monde et lui faire prendre conscience du sort prochain du Peuple d’Israël, pour qui il s’était tant dévoué toute sa vie, l’Éternel lui annonce de si mauvaises nouvelles.
 
C’est qu’après sa disparition de ce monde matériel, quand le Tsadiq commence à savourer le goût du Jardin d’Eden, il coupe tout contact avec nous. Et comme Moïse était le meilleur défenseur d’Israël (Chemoth Rabba 43a), l’Éternel lui annonce qu’après sa mort, les israélites serviront des idoles, ce qui pourrait irriter le Saint, béni soit-Il. Dieu l’incite ici en quelque sorte à veiller sur le peuple juif, même après sa mort, pour qu’il ne soit pas victime du courroux divin, à D-ieu ne plaise. C’est pourquoi, en toute génération, se trouve l’âme de Moïse (Zohar III, 216b).
 
Quand Moïse est monté au Ciel pour recevoir la Tora, il ignorait complètement que les israélites allaient faire le veau d’or. C’est l’Éternel Lui-même qui le lui annonça, comme il est écrit : “Va, descend ! car on a perverti ton peuple que tu as tiré du pays d’Egypte… Ils se sont vite détournés de la voie que je leur avais prescrite, ils se sont fait un veau de métal…” (Exode 32:7, 8). Si Moïse le savait, il serait immédiatement descendu du Ciel pour les en dissuader.
 
C’est là une preuve qu’après la disparition de ce monde du mensonge, le Tsadiq coupe tout contact avec lui, et ignore tout ce qui s’y passe. Dans son livre “Méqor ‘Haïm”, Rabbi ‘Haïm Pinto zal, cite à cet effet l’introduction de Rabbi ‘Haïm ben Attar, qui explique que l’allumage d’une bougie pour l’élévation de l’âme du Tsadiq nous imprègne de son mérite et intercède au Ciel en notre faveur.
 
En outre, si on apprend les enseignements de Tora d’un Tsadiq, on fait remuer ses lèvres dans sa tombe (Yévamoth 97a). Il éprouve un grand plaisir à ce qu’on continue à rappeler ses enseignements qui créent des anges. La Tora porte le nom de celui qui l’a dispensée, comme il est écrit : “Souvenez-vous de la Loi de Moïse, mon serviteur…” (Malachie 3:22).
 
Commentant le verset de la sidra que nous verrons plus bas : “L’Éternel parla à Moïse ce même jour, en ces termes…” (Deutéronome 32:48), Rachi fait remarquer autre part qu’on retrouve trois fois cette locution dans la Tora, notamment chez Noé, lors de la sortie des enfants d’Israël d’Égypte. Celui qui nous a sorti d’Égypte, a fendu la Mer Rouge pour nous, nous a fait descendre la manne, nous a nourri de cailles dans le désert; nous a fait monter le puits et nous a donné la Tora. “Comment pouvons-nous l’oublier ?” avouèrent les israélites en parlant de Moïse. La pensée de la future disparition de leur dirigeant les a tellement affligés qu’ils étaient prêts à livrer combat à l’ange de la mort et se dévouer corps et âme pour lui pour qu’il vive encore et les fasse entrer en Terre Sainte. Toutefois, le décret divin fut mis en pratique ce jour même malgré leurs prières et leur lutte.
 
Le Saint, béni soit-Il, voulait montrer à Moïse l’immense amour que lui portaient les enfants d’Israël et l’a incité à ne pas les oublier et à défendre leur cause même après sa mort.

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