Le réveil spirituel – Tsav

L’homme doit s’éveiller de son engourdissement, se lever et passer à l’action. Alors il sortira totalement de l’obscurité...

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le Rav David Hanania Pinto

Posté sur 22.03.22

Ceci est la Tora [règle] de l’holocauste, c’est l’holocauste qui se consume sur le brasier de l’autel.” (Lévitique 6, 2) 

Les commentateurs ont tenté de comprendre la répétition du mot “holocauste”. L’Écriture nous dit par là en allusion comment l’homme doit se comporter dans son service de D-ieu, et ce qu’il doit faire pour s’élever dans les degrés de la Tora et de la crainte du Ciel.
Au début, il faut qu’il veuille étudier la Tora. Comment y parvenir ? Il ne le peut qu’en allant trouver un sage pour lui demander de le prendre en pitié (Bava Batra 116a) et de le mettre sur le bon chemin. Alors quelque chose en lui s’éveillera, son désir de continuer à monter de plus en plus haut s’accentuera, et il accomplira les mitswoth de mieux en mieux.
Ce processus est comparable au cas d’un homme qui dort dans son lit, et qui pour se lever doit dans un premier temps se réveiller. S’il se contente de se réveiller mais reste allongé sur son lit, son réveil ne lui a rien fait gagner, il est même possible au contraire qu’il y ait perdu car ce n’est pas la théorie qui est l’essentiel mais l’action.
Qu’est-ce qui est meilleur pour l’homme, le réveil ou le lever ? Bien évidemment, les deux sont importants et agissent l’un sur l’autre, mais il faut savoir que le réveil n’a d’importance que s’il est effectif, s’il provoque un lever. Celui qui s’éveille un peu puis se rendort n’est pas considéré comme s’étant réveillé. C’est le sens du verset : “Ceci est la Tora de l’holocauste, c’est l’holocauste.” La répétition de “c’est l’holocauste”, le réveil et le lever, indique à l’homme la seule façon de s’élever au point que se réalisent en lui les paroles de la Tora et que la Présence divine descende et repose sur lui.
En effet, il est par nature relié à D-ieu, car son âme est une petite partie de la divinité, si bien qu’il doit chercher à se réveiller car son cœur l’est déjà, ainsi qu’il est écrit : “Je dors, mais mon cœur veille” (Chir Hachirim 5, 2).
Cela signifie que cette même partie de la divinité doit s’éveiller de son sommeil. Ensuite seulement : “C’est l’holocauste qui se consume sur le brasier de l’autel.” Le mot brasier (mokdah) est composé des mêmes lettres que KOUM dalet- (racine “se lever”), et aussi HaKeM vavdalet (même racine), ce qui évoque le fait d’éveiller et faire lever le vavdalet (dont la valeur numérique conjuguée est dix), à savoir les dix sefiroth et les Dix Paroles.
L’homme doit s’éveiller de son engourdissement et se relier aux dix sefiroth et à la Tora, se lever et passer à l’action. Alors il sortira totalement de l’obscurité, de la nuit et du brouillard qui l’entourent comme une écorce, et il arrivera au matin qui est la lumière des justes, comme le dit le verset : “La lumière se répand sur le juste” (Psaumes 97, 11), ce qui veut dire qu’il sera entièrement attaché à la Chekhina qui est la lumière (Tiqouné Zohar 33, 77a).
C’est cela “Sur le brasier de l’autel, toute la nuit jusqu’au matin.” Nous pourrons expliquer à merveille la signification de ce verset en commençant par aborder un sujet très profond : les bnei Israël, dans l’exil amer qui a suivi la destruction du Temple, croyaient qu’ils n’avaient plus aucune possibilité de relever la tête.
En constatant que l’exil se prolongeait au-delà des soixante-dix ans dont parlait le prophète (“Voici, en vérité, ce que dit l’Éternel : Quand Babylone sera au terme de soixante-dix ans pleinement révolus, Je prendrai soin de vous et J’accomplirai en votre faveur Ma bienveillante promesse de vous ramener en ces lieux » (Jérémie 29, 10)), ils sont tombés dans un grand désespoir, au point de souhaiter ressembler à tous les peuples. Ce désir les a menés à participer au festin d’Assuérus (Méguila 12a), ce qui leur a valu une lourde condamnation.
Même si nous disons qu’ils n’ont pas vraiment partagé ce festin mais que chacun a mangé ce qu’il avait apporté de chez lui, cela leur a néanmoins été compté comme s’ils avaient mangé des aliments interdits, considérés comme des sacrifices aux morts (‘Avoda Zara 8, voir la conclusion du BeithYossef dans Yoré Dé’a). Sans compter qu’ils ont joui de la fête et de la beauté du palais rempli d’idoles, et plus encore, ont profité de ce qu’Assuérus a sorti devant eux tous les ustensiles du Temple et les vêtements du Grand Prêtre (Méguila 11b, Esther Raba 2, 11).
Tout cela a donné de la force au côté de l’ombre, car Assuérus, comme il savait que les bnei Israël était un peuple dispersé et disséminé (Esther 3, 8), n’avait pas imaginé qu’ils viendraient lui rendre hommage… or ils sont venus. Ils ont donc renforcé la qelipa et l’obscurité en leur permettant de régner sur les juifs.
De plus, Assuérus, en constatant que l’exil avait créé chez les juifs un état d’abattement et de déchirement (Yébamoth 47a), a fait étalage de son immense fortune et de toute la gloire de son royaume, pour les décourager et les désespérer encore plus.
Les sources rapportent une anecdote qui évoque le même sujet à propos de Rabbi Yéhochoua ben Lévy (Béréchith Raba 33). Se trouvant à Rome, il a vu des colonnes de marbre recouvertes, pour que le froid et la chaleur ne les abîment pas, puis ensuite, au marché, un pauvre qui était enveloppé dans une natte parce qu’il n’avait pas de vêtements. Sur les colonnes, il a dit “Ta justice est comme les montagnes de D-ieu” (Psaumes 36, 7) et sur le pauvre il a dit : “Tes arrêts sont comme l’immense abîme” (Ibid.).
De même ici, Assuérus a voulu montrer aux bnei Israël la différence entre son immense richesse et leur pauvreté, afin de les briser moralement. À ce moment-là, les juifs ont été condamnés à la destruction, parce qu’ils avaient donné de la puissance à la qelipa et aux forces de l’ombre. C’est pourquoi la reine Esther, quand elle a entendu que Mardochée s’était revêtu d’un sac et de poussière, lui a envoyé demander par ‘Hatakh de quoi il s’agissait (Esther 4, 5).
Cela signifie que pour annuler le décret, il leur fallait d’abord sortir du désespoir et de la mélancolie où ils étaient plongés, s’éveiller au repentir et se rattacher de nouveau à D-ieu dont ils avaient dit autrefois : “C’est mon D-ieu (zé E-li) et je lui rends hommage” (Exode 15, 2).
Ils devaient aussi accomplir à nouveau les Dix Paroles dont la Tora dit qu’elles étaient écrites des deux côtés (mi-zéou mi-zé, Ibid. 32, 15), et de plus découvrir ce qui était caché dans leur intériorité, à savoir le ma (quoi), dont la valeur numérique est la même que celle de adam (“homme”), ainsi que celle du Tétragramme quand on écrit le détail de toutes les lettres (Zohar ‘Hadach Ruth 102b).
Cela signifie qu’en se rattachant à la parcelle de divinité en eux au moyen de (zé E-li, c’est mon D-ieu), ils pourraient s’éveiller de leur sommeil, et le salut arriverait. Ils mériteraient en outre une élévation spirituelle, évoquée par al ma zé (la racine “al” signifie s’élever). En se rattachant au et au al, ils s’élèveront et seront sauvés.
Là-dessus, Mardochée lui a raconté et kol acher karahou (tout ce qui lui était arrivé) (Esther 4, 7). ACHeR est formé des mêmes lettres que ROCH (la tête), KaRahou peut être compris comme évoquant KeRiRout (le refroidissement). Cela signifie qu’il lui a mandé que les bnei Israël étaient arrivés à un tel désespoir que leur tête et leur cerveau s’étaient complètement refroidis et qu’ils étaient loin de D-ieu, tout cela ayant été provoqué par KaRaou, à cause du premier KaRaou, qu’on rencontre dans la Tora à propos d’Amaleq.
En effet, Haman était un descendant d’‘Amaleq, à propos de qui il est écrit : “ACHeR KaRekha badérekh (qui t’a surpris [ce qu’on peut traduire par “refroidi” dans l’interprétation des Sages] en chemin)” (Deutéronome 25, 18).
ACHeR, ce sont les lettres de ROCH (la tête), KaRekha est le même mot que KaRahou. Cette froideur (KeRirout) à conduit Israël à profiter du festin d’Assuérus. À ce moment-là, Esther lui a répondu : “Rassemble tous les juifs… jeûnez pour moi et ne mangez ni ne buvez rien pendant trois jours et trois nuits; mes servantes et moi-même jeûnerons également, et alors je me présenterai devant le roi” (Esther 4, 16).
Cela signifie : avant tout, tu dois rassembler tous les juifs pour qu’ils viennent écouter tes remontrances, que cela provoque en eux un réveil ; alors seulement ils seront sauvés, car ils ne peuvent pas l’être avant d’être unis (Yalqouth Chimoni Amos 549). Ce sont les reproches du juste qui leur seront plus utiles même que des actes. Sur le péché commis en jouissant du festin d’Assuérus, ils obtiendront le pardon en jeûnant, ce qui servira à annuler en eux la force du désir.
En effet, l’homme doit réparer dans le domaine même où il a fauté, c’est ainsi qu’il s’éveille au repentir et peut renouer le lien initial avec le saint béni soit-Il. C’est cela “alors je me présenterai devant le roi”, à savoir le Roi du monde.
Nous apprenons de là la grandeur et l’importance du jeûne, qui diminue la graisse et le sang comme si l’on s’offrait en sacrifice sur l’autel (Bérakhoth 17a). Quand l’homme domine ses désirs et ses appétits matériels, la lumière de D-ieu commence à briller en lui, et il la reçoit mieux que lorsque la matière vient faire obstacle entre celui qui envoie la lumière et celui qui la reçoit.
De plus, à ce moment précis l’homme trouve la force de faire sortir de son cœur la sainteté cachée en lui et de la faire jaillir à l’extérieur, comme un roi qui brise toutes les barrières sans que rien ne puisse l’en empêcher (Pessa’him 110b). Il met alors en pièces ces barrières de pierre qui étaient devenues comme un rempart fortifié entre lui et l’Éternel.
Mais tout cela n’est possible que quand l’homme est habité d’une grande humilité, et qu’il va vers Mardochée, à savoir le juste, pour entendre ses remontrances, étudier la Tora près de lui, et se laisser influencer par lui, qui est sans cesse relié à l’Éternel.
Maintenant que nous en sommes arrivés là, nous allons pouvoir comprendre ce que signifie le verset “Ceci est la Tora de l’holocauste, c’est l’holocauste qui se consume sur le brasier de l’autel.” Tout d’abord, il faut réparer le ma, pour comprendre de quoi il retourne… à savoir : “ceci est la Tora de l’holocauste, c’est l’holocauste”, l’élévation (cf. holocauste) ne provient que de l’effacement de soi et l’humilité.
Quand l’homme se fait petit il commence à s’élever, comme il ressort de l’histoire de Rabbi Elazar ben Dourdaya, (‘Avoda Zara 17b) qui a écouté les remontrances d’une prostituée. Il s’est effacé à ce point, ce qui lui a permis de s’élever jusqu’à “gagner son monde en un seul instant.”
On constate donc que si l’on est habité d’un véritable désir de s’abaisser pour mieux s’élever, on peut accepter les remontrances et la morale même d’un méchant, sans prendre la peine de lui dire de s’occuper de ses propres fautes avant d’examiner celles d’autrui (Bava Metsia 107b, Talmud de Jérusalem Ta’anith ch. 2, 1). Alors s’accomplit la Michna : “Sois humble devant tout homme” (Avoth 4, 6), ce qui est une très grande et très noble qualité. On peut ajouter une allusion supplémentaire.
Les Sages ont dit : “Sois très, très humble” (Avoth 4, 4). Le mot meod (très) est écrit deux fois ; comme il a la même la valeur numérique que ma, cela donne deux fois ma (ma zé vé-al ma zé), deux fois adam (“homme”, même valeur numérique), et aussi la même valeur numérique que le Tétragramme quand on écrit le détail de ses lettres, car par l’humilité (meod meod), on s’élève et on se rapproche de D-ieu.
Nous savons que Nevouzeradan a fini par se convertir au judaïsme (Guitin 57a, Sanhédrin 96b) uniquement à cause de la quantité de sang qu’il avait versée pour apaiser le sang de Zacharie : ce sont précisément ses crimes qui ont été à l’origine de son repentir. Il en va de même de Jéthro qui a pratiqué toutes les idolâtries du monde (Mekhilta ad loc 18, 66), comme il l’a dit lui-même : “Maintenant je sais que D-ieu est plus grand que tous les dieux” (Ibid. 18, a). Or il a fini par venir se convertir, tout cela par effacement de soi.
Mais au contraire, les bnei Israël n’avaient pas écouté Mardochée quand il leur avait dit de ne pas profiter du festin d’Assuérus, ce qui leur a valu d’être condamnés, comme le dit la Michna : “Le fait qu’Assuérus ait donné sa bague à Haman a eu plus d’influence que quarante-huit prophètes et sept prophétesses qui ont prophétisé pour Israël” (Méguila 14).
C’est le sens de “Voici la Tora [règle] de l’holocauste.” L’élévation (OLaH) ne vient que par l’effacement de soi-même et l’humilité. Certes, l’homme peut apprendre la Tora tout seul, mais pour s’élever et mériter un grand bien, il doit aussi écouter les autres et ne pas étudier dans la solitude.
Il est écrit : “Épée sur les trafiquants de mensonge (habadim), ils perdront la tête” (Jérémie 50, 36), ce qu’on peut lire : guerre aux ennemis des Talmidéhakhamim [euphémisme désignant les Talmidéhakhamim eux-mêmes] qui s’occupent seuls (bad be-bad, à savoir levad (seuls)) de Tora, alors que les Sages ont dit : “Les paroles de Tora ne s’acquièrent que par une étude en commun” (Bérakhoth 63b, Ta’anith 7a) ; l’épée les vaincra. Les Sages ont dit de plus : “De toi et de moi le sujet s’éclaircira” (Pessa’him 68a).
Par conséquent, c’est en étudiant en commun qu’on en arrive au fond de l’étude de la Tora, à l’assiduité, au brasier, avec feu et élévation, maintenant et à jamais, jusqu’à la venue rapide du libérateur. “Toute la nuit”, c’est la période de l’exil, “jusqu’au matin”, c’est le matin d’Israël, quand une lumière nouvelle brillera sur Sion et que nous mériterons tous d’en être illuminés, Amen, qu’il en soit ainsi.
Comment faut-il se comporter ?
L’élévation vient principalement par l’étude en commun. Il faut apprendre des autres, étudier avec eux et écouter leurs remontrances, ne pas non plus rester endormi sur son lit… mais se réveiller et se lever afin de servir le Créateur, car c’est uniquement ainsi qu’on peut élever les Dix sefiroth et les Dix Paroles et se rapprocher de D-ieu.

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