L’humilité – Béréchith

De même que l’eau, quand on la met à un endroit élevé, coule vers le bas, l’homme doit s'abaisser, et sa Tora ne subsistera en lui que s’il ressemble à l’eau.

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le Rav David Hanania Pinto

Posté sur 08.11.21

Quand le Saint béni soit-Il a été sur le point de créer l’homme, il a dit aux anges du service : “Faisons l’homme à notre image et à notre ressemblance, et ils domineront les poissons de la mer, les oiseaux du ciel, les animaux terrestres et toute la terre et tout ce qui rampe sur la terre.” (Béréchith 1, 26)

Il y a vraiment lieu d’examiner l’ordre des choses. Le verset commence par les poissons qui nagent dans la mer, et qu’on ne peut pas voir, ensuite il dit “les oiseaux du ciel”, qui planent au-dessus de la tête de l’homme, et qu’il ne voit que s’il lève les yeux, ensuite les animaux terrestres et les reptiles, que tout le monde peut voir. Apparemment, il aurait été plus juste d’écrire dans l’ordre inverse, au début les animaux que les hommes voient, ensuite les oiseaux qu’on ne voit pas avant de lever les yeux, et ensuite seulement les poissons, que l’on trouve dans l’eau et qui sont recouverts et cachés aux yeux.
 
On regarde vers le ciel et le cœur se soumet
 
On peut expliquer cela d’après l’enseignement des Sages selon lequel les anges du service n’étaient pas d’accord pour que l’homme soit créé, comme le rapporte la Guemara Sanhédrin 38b : “Les anges ont dit devant Lui : ' Combien mauvaises sont les actions des hommes !' Le Saint béni soit-Il leur a répondu : 'Bien que dans l’avenir il abîmera Mon œuvre, Je vais le créer, et lui donner la qualité de l’humilité ; du fait qu’il aura la qualité de l’humilité, il s’abaissera devant Moi et obéira à Mes ordres'.”
 
C’est-à-dire que le Saint béni soit-Il a répondu aux anges : “Je vais créer l’homme et lui donner la qualité de l’humilité, qui ressemble à l’eau”. De même que l’eau, quand on la met à un endroit élevé, coule vers le bas, l’homme s’abaissera, et sa Tora ne subsistera en lui que s’il ressemble à l’eau (Ta’anith 7a). L'homme possède un avantage supplémentaire : au moment où il lève les yeux vers le ciel, la crainte du Ciel entre en son cœur, ainsi qu’il est dit (Berakhoth 34b) : “L’homme ne doit prier que dans une maison où il y a des fenêtres”, et Rachi explique que les fenêtres le poussent à la concentration, car il regarde le ciel et son cœur se soumet.
 
On apprend donc que le ciel a la faculté de faire rentrer en l’homme la crainte de D-ieu, ainsi qu’il est dit (Yéchayah 40, 26) : “Élevez vos yeux vers le ciel et voyez Qui a créé tout cela.”
 
Ensuite, Il leur a dit : “Il dominera les animaux et tout ce qui rampe sur la terre.” En effet, les Sages demandent (Sanhédrin 38a) : “Pourquoi l’homme a-t-il été créé en dernier, la veille du Chabath ? Pour que s’il s’enorgueillit, on lui dise : un moustique a été créé avant toi !” Ce qui nous enseigne que lorsque l'homme s’enorgueillit, il regarde les animaux qui ont été créés avant lui, et immédiatement redevient humble.
 
C’est pourquoi le Saint béni soit-Il a parlé aux anges dans l’ordre suivant : les poissons, qui symbolisent l’eau ; les oiseaux, qui symbolisent la crainte du Ciel ; et les animaux terrestres, qui symbolisent l’humilité, car c’est la réponse à leurs objections.
 
Nous trouvons également la même chose dans les versets suivants (Béréchith 1, 28) : “D-ieu leur dit : 'Croissez et multipliez, remplissez la terre, soumettez-la, dominez les poissons de la mer, les oiseaux du ciel et toute bête qui se meut sur la terre.”
 
Là aussi, les poissons et les oiseaux viennent avant les animaux terrestres, pour nous enseigner que c’est pour cela que l’homme a été créé, pour qu’il se conduise avec humilité, obéisse aux décrets de D-ieu et ap­prenne l’humilité de l’eau et la crainte de la faute du ciel. De plus, qu’il regarde les animaux terrestres et apprenne d’eux la façon de se conduire, comme l’ont dit les Sages ('Erouvin 100b) : “Si la Tora n’avait pas été donnée, nous aurions appris la décence du chat, le vol de la fourmi et la pudeur de la colombe.”
 
Un soupçon d’orgueil est entré en lui
 
Voyez combien l’orgueil est grave, de ce que nous trouvons dans la Guemara (Chabath 147b) : “Le vin de Proguiata et les eaux thermales de Yomsat ont perdu les dix tribus d’Israël (car ils en profitaient, buvaient et se baignaient, n’étudiaient pas la Tora, et finirent par la renier). Rabbi Elazar ben Arakh eut l’occasion d’y aller, et fut attiré par tout cela, au point qu’il oublia ce qu’il avait appris. Quand il revint à la yéchiva, il voulu lire dans la Tora.
 
Quand il commença le verset (Chemoth 12:2) “Ha’hodech hazé lakhem” (“ce mois-ci est pour vous”), il dit “Ha’herech haya libam” (“leur coeur était-il sourd”). Les Sages ont imploré miséricorde pour lui, et ce qu’il avait étudié lui revint.
 
Ceci est extrêmement étonnant : comment Rabbi Elazar ben Arakh s’est-il laissé attirer par les plaisirs du corps et a-t-il arrêté d’étudier, alors que Rabbi Yo’hanan ben Zakaï témoigne sur lui (Avoth 2:8) : “Si tous les Sages d’Israël se trouvaient dans un plateau de la balance et Rabbi Elazar ben Horkanos avec eux, et Rabbi Elazar ben Arakh dans l’autre plateau, il pèserait plus lourd qu’eux tous.”
 
On apprend de là combien l’orgueil est grave. En effet, Rabbi Elazar ben Arakh, le plus grand des Sages, n’a été attiré par les plaisirs et les eaux thermales que parce qu’un soupçon d’orgueil était entré en lui. Peut-il venir à l’esprit qu’il n’ait pas envisagé, avant d'entrer dans cette ville, qu’il allait être attiré par les plaisirs ? Mais un soupçon d’orgueil est entré en lui, il a compté sur sa sagesse pour ne pas oublier ce qu’il avait appris, et c’est pour cela qu’il oublia sa sagesse. Parce qu’il avait compté sur elle, le Saint béni soit-Il lui prit sa sagesse.
 
C’est un grand principe de ne pas compter sur sa propre sagesse. Quiconque n’accomplit pas les paroles du psal­miste (Téhilim 111:10) : “Le commencement de la sagesse est la crainte d'Hachem”, compte sur sa sagesse et ne la fait pas précéder de la crainte du Ciel, ne voit pas sa sagesse subsister. De plus, elle le quitte, ainsi qu’il est dit (Iyov 12:20) : “Il enlève la parole aux orateurs éprouvés et ôte le jugement aux vieillards.” Il est également dit (Yéchayah 44:25) : “Je ramène les sages en arrière et fais taxer de folie leur science.”
 
De façon générale, la sagesse de quelqu’un ne se maintient chez lui que si elle s’accompagne de crainte du Ciel et d’humilité. Les Sages ont dit (Avoth 3:17) : “Celui dont la sagesse est plus importante que les ac­tes, à quoi ressemble-t-il ? À un arbre dont les branches sont nombreuses et les racines peu nombreuses, le vent vient, les arrache et le renverse. Celui dont les actes sont plus importants que la sagesse, à quoi ressemble-t-il ? À un arbre dont les branches sont peu nombreuses et les racines nombreuses : même si tous les vents du monde viennent souffler sur lui, ils ne le font pas bouger de là où il est.”
 
Le quatrième repas, “mélavé malka
 
“Les cieux et la terre et toutes leurs armées furent terminés. D-ieu termina le septième jour le travail qu’Il avait fait, et D-ieu bénit le sep­tième jour et le sanctifia, car en ce jour Il s’est reposé de tout le travail qu'Hachem avait créé.” (Béréchith 2:1-3)
 
Comment l’a-t-Il béni ? Le Midrach dit (Béréchith Raba 11:2) : “À cause des gens particulièrement délicats, Il l’a bénit par des mets délicieux.” “Matnoth Kehouna” explique : “Il s’agit de personnes gâtées qui ont envie de choses bonnes, Il l’a béni par des choses bonnes. Le Maharzou écrit : “Il s’agit de personnes qui ne peuvent manger que très peu, et qui sont aussi gâtées et ne peuvent pas manger le même plat qu’hier car cela les dégoûte. Il a béni le Chabath pour qu’ils puissent manger trois repas, et puissent manger les mêmes plats qu’hier sans en être dégoûtés.
 
Rachi parle de l’“âme supplémentaire” dans la Guémara Beitsa 16a : “Une âme supplémentaire : un élargissement du coeur pour le repos et la joie, être largement ouvert, manger et boire sans en être dégoûté.” Alors qu’il y a des gens qui sont dégoûtés même par un peu de nourriture. Il est écrit sur Rabbi qu’il était délicat, et quand il mangeait un peu le matin, il ne pouvait plus manger ensuite, alors com­ment pratiquer la mitswa de trois repas ?
 
En plus du fait qu’il y a trois repas le Cha­bath, la Guémara Chabath 119b dit au nom de Rabbi ‘Hanina : “On doit toujours dresser la table à la sortie du Chabath, même si l’on ne peut prendre que le volume d’une olive.”
 
À cause de l’honneur du Chabath, les Sages ont décidé de l’accompagner honorablement à sa sortie, comme quelqu’un qui accom­pagne le roi lorsqu’il sort de la ville, par le repas de “melavé malka.” Le Choul’han Aroukh fixe ainsi la halakha (Ora'h ‘Haïm 200) : “On doit toujours dresser la table à la sortie du Chabath pour accompagner le Chabath, même si l’on ne peut manger que le volume d’une olive.” Le Beit Yossef cite “Chibolé HaLéket ” : “C’est comme lorsqu'on raccompagne un roi à son départ, de même qu’on l’accueille à son arrivée.”
 
On a l’habitude de dire des pioutim (poèmes) et des chants pour accompagner le Chabath, comme on accompagne un roi quand il vient et quand il repart. Les pioutim de la sortie du Chabath, écrit le livre “‘Hemdath HaYamim”, sont une ségoula (remède) pour réussir tout ce qu’on fera tous les jours de la semaine. Comme le dit l’auteur de “Minhag Tov” : “On demandera à Hachem ce dont on a besoin pour être avec Lui quand on part et quand on revient, et Il donnera un coeur qui permettra d’accomplir les mitsvoth.”
 
Le Beit Yossef cite une raison supplé­mentaire au nom des sidourim (livres de prières) : Il y a un petit membre dans l’homme qui s’appelle “niskouï ” et qui ne profite que de ce qu’on mange à la sortie du Chabath. On sait que cet os s’appelle “louz”, c’est l’essence, l’essen­tiel et la racine de l’homme, c’est à partir de lui que l’homme est formé. Quand il meurt, cet os ne disparaît pas et ne s’abîme pas.
 
Si on le fait entrer dans le feu il ne brûle pas, si on le met dans une meule il n’est pas broyé, si on le frappe avec un marteau il n’éclate pas, c’est un os qui a une existence éternelle, c’est à partir de lui que l’homme se relèvera à la résurrection des morts, et c’est lui qui reçoit souffrance ou plaisir après la mort de l’homme. La racine et l’essence de cet os sont l’essence même des Cieux. Il ne profite que de ce qu’on mange à la sortie du Chabath, il n’a donc pas profité de l’arbre de la connais­sance (car l’homme en a mangé la veille du Chabath), c’est pourquoi il est indestructible (Kaf Ha’Haïm 301:1).
 
Le saint Zohar parle avec enthousiasme de la grandeur d’accomplir la mitswa du quatrième repas, au point qu’il dit que celui qui ne le fait pas, c’est comme s’il n’avait pas accompli le troisième repas !
 
Tossefeth Ma’assé Rav” raconte qu’un fois, la femme du Gaon de Vilna avait pris sur elle de jeûner d’un Chabath à l’autre. Elle arrêta donc de manger après le troisième re­pas du Chabath. Immédiatement après avoir entendu la havdala à la sortie du Chabath, elle partit se coucher. Le Gaon l’apprit, et lui envoya dire que tous les jeûnes qu’elle ferait ne rachèteraient pas l’absence d’un seul “quatrième repas.” Alors elle se leva immédiatement et mangea le quatrième repas.
 
Celui qui en a la possibilité fera le repas de mélavé malka avec du pain et un plat chaud. Il dressera une belle table pour accompagner le Chabath. Celui à qui il est impossible de manger du pain mangera au moins du gâteau, ou des fruits (Min’hath Chabath 96, 13). Le Aroukh HaChoul’han dit qu’il est souhaitable de manger de la viande pour celui qui le peut, sinon qu’on mange du poisson, car c’est aussi un aliment honorable, ou les meilleurs fruits qu’on a. Tout cela avec du pain.
 
Celui qui ne peut pas du tout manger du pain mangera des gâteaux ou des fruits. Il est écrit dans “Chné Lou’hoth HaBrith” qu’on doit rechercher un plat qu’on aime particulièrement, même s’il est cher. En cas de besoin, écrit “Min’hath Chabath” (96:31) au nom du Ya’avets, on se rend aussi quitte de son devoir en buvant un verre de thé chaud ou quelque chose du même genre.
 
Les décisionnaires discutent de la question de savoir si le repas de mélavé malka est comme les autres repas du Chabath. Dans le Choul’han Aroukh de Rabbénou Zalman, il dit qu’on n’a pas besoin de faire le troi­sième repas plus tôt pour pouvoir manger le quatrième comme il convient. Il donne la raison que ce dernier n’est pas tellement une obligation, mais seulement une belle mitswa. La Michna Beroura (300:2) écrit dans le même ordre d’idées que ce repas n’est pas obligatoire comme les trois repas du Chabath, mais qu'il s'agit seulement une bonne chose.
 
En revanche, le ‘Hida écrit que c’est une grande mitswa et une obligation, et le ‘Hayé Adam (5:36) écrit que c’est une obligation absolue. On sait qu’une fois, le Gaon de Vilna est tombé malade à la sortie du Chabath et a vomi, et n’a donc pas mangé le quatrième repas. Après avoir dormi et s’être senti un peu mieux, il a ordonné à sa famille de regar­der si le jour ne s’était pas levé, et demandé qu’on lui donne le volume d’une olive de pain qu’il se forcerait de manger à la cuiller, pour accomplir la mitswa du quatrième repas.
 
Le commentaire “Cha’aré Techouva” à “Moré Etsba” (5:164) dit à propos des paroles du ‘Hida que c’est la raison pour laquelle le Beit Yossef a écrit un paragraphe particulier pour le repas de melavé malka, le 300, et un paragraphe spécial pour le repas de Roch ‘Hodech, le 419, qui ne comportent qu’un seul alinéa. Or il aurait pu les joindre aux paragraphes qui précèdent, mais il l’a fait délibérément, pour insinuer qu’ils ont une grande valeur, bien que la plupart des gens les négligent.
 
Le devoir des femmes de faire ce repas est aussi évoqué dans les livres des déci­sionnaires. Le Kaf Ha’Haïm dit au nom de “Divré Yitz’haq” que celui-ci a entendu au nom du Rav Elimelekh zatsal que c’est une ségoula pour les femmes pour avoir des naissances faciles de manger quelque chose à toutes les sorties de Chabath au nom de melavé malka.
 
Les autres lois sur la sortie du Chabath et le quatrième repas sont très bien expliquées dans le bel article du gaon Rabbi Eliyahou Cohen chelita dans son livre “Zikhron ‘Haïm.”
 
 
Extrait de “La voie à suivre”, reproduit avec l'aimable autorisation des Institutions Hevrat Pinto.