Qu’a-t-il prit Korah’ ?

Pourquoi Kora'h, qui était intelligent et faisait partie de ceux qui portaient l'Arche Sainte s'est-il révolté contre Moché ?

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le Rav David Hanania Pinto

Posté sur 19.10.21

Commentant le verset: Kora'h, fils de Yitshar, fils de Kéhath, fils de Lévi… (Nombres 16:1), le Midrach (Bamidbar Rabah 18:4) demande: Pourquoi le nom de Ya'akov n'a t-il pas été mentionné? Et il poursuit: Dans leur complot, que mon âme ne s'associe point (Genèse 49:6) il s'agit des explorateurs; qu'à leur assemblée ne se joigne pas mon honneur il s'agit de Kora'h. Notre patriarche Ya'akov a demandé que son nom ne soit pas mentionné avec ces mécréants. Pourquoi?

Pourquoi Kora'h, qui était intelligent et faisait partie de ceux qui portaient l'Arche Sainte (Bamidbar Rabah 18:12), s'est-il révolté contre Moché et Aharon qui ont été choisis par Dieu pour diriger le Peuple d'Israël? Comment a-t-il osé parler du mal d'eux. Ignorait-il la grandeur de Moché qui était le plus humble des hommes, le père de tous les prophètes? Ne savait-il pas que c'est grâce à lui que tous les miracles ont été accomplis en Égypte et dans le désert et que la manne descendait du Ciel? Kora'h ne savait-il pas que c'est grâce à Aharon que les nuées de gloire protégeaient les enfants d'Israël dans le désert (Ta'anith 9a; Zohar III, 156a), Aharon, qui aimait la paix et la recherchait sans cesse en rétablissant la paix entre deux ennemis et entre mari et femme en querelle (Pirké Avoth 1:12; Avoth DéRabbi Nathan 12:3). C'est donc Moché et Aharon qui devaient diriger le peuple. Pourquoi alors Kora'h s'est-il révolté contre eux?

En fait, Kora'h a réussi à réunir autour de lui deux cent cinquante chefs du Sanhédrine (Bamidbar Rabah 18:2; Tan'houma, loc.cit. 1) pour ridiculiser Moché. Mais comment a-t-il pu concevoir que le Saint, béni soit-Il, aussi consente à cette controverse? Quant à Dathan et Aviram, comment ont-il osé s'avancer fièrement (Nombres 16:27) contre Moché et l'humilier?
Moché, fort affligé, dit alors à l'Eternel: N'accueille point leur hommage (ibid. 16:15). Pouvait-il croire un moment que Dieu acceptât l'hommage de ces méchants?

On peut dire en fait que Kora'h visait à être le Grand Prêtre destiné à expier les fautes des enfants d'Israël. Il savait que s'il portait leur joug et priait pour eux, la Providence Divine résiderait en lui: noble but en soi, mais pas sur le compte d'autrui ou en médisant de son prochain… Moché Rabénou en l'occurrence, qui portait le joug de la Torah Orale et Écrite. Kora'h aurait dû connaître sa place (Pirké Avoth 6:6) et veiller à l'honneur dû à Moché.

Notre patriarche Ya'akov, qui s'est engagé toute sa vie dans l'étude de la Torah (Béréchith Rabah 95:2; Tan'houma, Vayigach 11), et dont la vertu était celle de la vérité (Zohar I, 161a) comme il est écrit: Tu donnes la vérité  à Ya'akov (Michée 7:2), ne voulait pas que son nom fût joint à celui qui veut s'élever au détriment de l'autre, ce qui est diamétralement opposé à l'attribut de vérité. Comme nous l'avons vu plus haut, Moché et Aharon ont été choisis par Dieu: par conséquent, toute discussion qui ne vise pas à élever le nom de Dieu, n'est pas désintéressée et n'aboutit à aucun résultat (cf. Pirké Avoth 5:17).

Kora'h ne visait qu'à s'élever, sans élever les autres avec lui. Il s'est mis de c“té en prétendant avoir droit à la prêtrise (Tan'houma, Kora'h 2). Tout Tsadik doit comprendre que le niveau spirituel auquel il a accédé provient essentiellement de la communauté, plut“t que de son propre mérite seulement. Il doit viser à élever tous les membres de la kéhilah à l'unisson; il s'agit plus particulièrement de quelqu'un qui a eu le mérite de faire partie des porteurs de l'Arche Sainte: il doit porter le joug de la communauté. Ce qui n'était pas le cas de Kora'h.

En fait, on peut se demander pourquoi Kora'h n'a-t-il veillé qu'à son niveau spirituel et a refusé de porter le joug collectif? Il a dit à Moché et Aharon: Toute la communauté, tous sont des saints, et au milieu d'eux est le Seigneur; pourquoi donc vous érigez-vous en chefs de l'assemblée du Seigneur? (Nombres 16:3). Tous ont entendu les paroles du Dieu Tout-Puissant au Sinaï, explique Rachi (loc.cit.). Kora'h prétendait qu'un dirigeant tel que Moché s'avérait inutile dans ces circonstances, car tous les enfants d'Israël ont accédé individuellement à un niveau de sainteté, et la Providence Divine réside en eux, aspect de: Et ils Me construiront un sanctuaire, pour que Je réside au milieu d'eux (Exode 25:8). Comme le Saint, béni soit-Il, agit directement sur eux, ils n'ont pas besoin d'un Tsadik intermédiaire… Vous donc, Moché et Aharon, vous êtes emparés de la grandeur et avez veillé à votre satisfaction personnelle…

Kora'h a ainsi renié la grandeur de Moché et Aharon. Il a négligé leurs vertus et n'a nullement pris en considération les miracles qu'ils ont accomplis. Comme il voulait se rapprocher de l'Eternel sans en rapprocher d'autres, il a réussi à entraîner à sa cause deux cent cinquante chefs du Sanhédrine, capables, d'après lui, de s'élever et d'accéder à la Divinité sans avoir recours à l'influence exercée par un dirigeant… C'était là, la faute de Kora'h. En effet, on ne peut pas concevoir une communauté qui ne soit pas dirigée par un Tsadik chargé de l'imprégner de la bonté divine. Un dirigeant qui veille sur tous les enfants d'Israël, et non sur lui seul uniquement, est indispensable: dans ce cas, Kora'h s'est donc trompé en se séparant des autres.

Comme Moché craignait que chacun ne cherchât que son propre intérêt, selon la théorie de Kora'h, il a prié Dieu de ne pas accepter leur hommage: c'est qu'il considérait que le dirigeant ne doit pas s'élever seul, mais servir littéralement la communauté et veiller à l'élever vers Dieu. Il ne doit pas s'enfermer entre quatre coudées, mais apprendre aux enfants d'Israël la voie qu'ils doivent emprunter et l'action convenable à entreprendre. Notons à cet effet la similitude des valeurs numériques (en ajoutant le nombre de lettres) de: AL TeFeN EL MiN'HaTaM et Lo ToV ChéLaKa'H MéKa'H RA' Lé'ATsMO (il a mal agi en prenant cette mauvaise acquisition pour lui-même) (1142).
D'autre part, comme nous l'avons vu, Dieu ne prive personne de son juste salaire. Comme Kora'h a voulu s'élever et assumer la responsabilité de Grand Prêtre en Israël, sa descendance comprenait le prophète Samuel, qui équivaut à Moché et Aharon (Roch HaChanah 25b; Tan'houma, Kora'h 5; Zohar II, 278b), comme il est écrit: Moïse et Aharon étaient parmi Ses prêtres, Samuel parmi ceux qui invoquaient Son nom (Psaumes 99:6). Que signifie parmi ceux qui invoquaient Son nom? Il s'agit du prophète Samuel qui faisait le tour des villes d'Erets Israël pour rapprocher les Juifs de leur père qui est au Ciel. Samuel a donc suivi la trace de Moché, qui n'a pas veillé exclusivement à son élévation au plan spirituel, mais a oeuvré à élever les autres. D'autre part, il n'a pas cherché à prendre la place de quiconque, mais a été digne d'être choisi par Dieu.

Kora'h avait donc raison d'affirmer que toute la communauté, ce sont des saints. Comme nous l'avons vu, la génération du désert était sainte, parce que ses membres fuyaient toute union prohibée conformément au commandement de Dieu (cf. Vayikra Rabah 24:6). Mentionnons à cet effet l'épisode de One, fils de Pélet, qui a été sauvé du complot de Kora'h grâce à sa femme qui tressait ses cheveux à l'entrée de la tente, empêchant ainsi les gens de Kora'h d'entrer dans sa tente car ils voulaient convaincre son mari de joindre leurs rangs (Sanhédrine 109b; Yalkout Chimoni, Kora'h 750). Fait stupéfiant, les messagers ont refusé de souiller leur vue alors qu'ils connaissaient bien l'importance de One qui était l'un des chefs de l'assemblée! Son absence pouvait semer le doute et mettre en danger tout le complot. Mais malgré tout, ils ont préféré conservé leur sainteté à tout prix, quitte à perdre leur statut. One, n'a pas rejoint les rangs de l'assemblée de Kora'h et est donc resté en vie.

Toute la communauté, ce sont des saints, comme avait dit Kora'h… même lors du combat qu'ils livraient à Moché et Aharon! Grâce à ce mérite, les enfants de Kora'h ont fait pénitence (Midrach Cho'her Tov 45:6) et un emplacement élevé leur a été réservé en enfer (Sanhédrine 110a) pour qu'ils ne périssent pas. En fait, dans l'avenir, Kora'h assumera la prêtrise et portera le nom de Tsadik. C'est ce qui ressort du commentaire du verset: tsadiK katamaR yifra'H (le juste fleurit comme le palmier) (Psaumes 92:13), dont les dernières lettres forment le mot KoRa'H.

Toutefois, lors du combat qu'il a livré à Moché et Aharon, Kora'h s'est plut“t servi des premières lettres du verset mentionné plus haut, qui ont la même valeur numérique (120) que TseL: en d'autres termes, il n'a pris en considération que son ombre! Il n'a pas servi de soleil éclairant les autres, et n'a pas veillé à les élever au plan spirituel. Kora'h estimait que le Tsadik doit travailler avant tout sur lui-même et ne doit pas forcément veiller à influencer les autres (ce qui peut l'empêcher d'étudier la Torah), parce que chacun des enfants d'Israël reçoit une telle influence directement de Dieu! Sa faute était très grave et son châtiment très sévère!

Ce n'est que dans l'avenir, où il n'y aura ni Satan ni mauvais penchant (Soucah 52a; Zohar I, 190b), que l'Eternel nous nantira individuellement de Sa bonté et de Sa bénédiction et que Kora'h sera un tsadik.

Moché en revanche a avoué: Je n'ai jamais pris à un seul d'entre eux son âne. (Nombres 16:15). En d'autres termes, il voulait dire: Je ne me suis élevé sur le compte de personne, et je n'ai convoité le statut de personne. Comme l'âne, j'ai particulièrement veillé à porter le joug (cf. Avodah Zarah 5b): n'est-ce pas là le r“le du Tsadik et du dirigeant… Si on s'approfondit sur ce sujet, on voit que toute la controverse était engendrée par le mauvais penchant qui ne cesse de séduire l'homme par deux péchés capitaux: la rapine et l'immoralité au plan sexuel (Messilath Yécharim, Cha'ar Hanékyouth), Kora'h aspirait à assumer le r“le de Moché (voler son statut de chef), et chacun soupçonnait Moché de convoiter sa femme, comme le rapporte le Midrach (Tan'houma, loc. cit. 10). Par la rapine, la génération du déluge, dont le sort n'a été scellé qu'à cause de cette faute… Quant à Kora'h et son assemblée, nous savons qu'ils ont été avalés par la terre qui a ouvert sa bouche. Notons à cet effet la similitude des valeurs numériques respectives de KoRa'H Vé'ADaTO (Kora'h et son assemblée) [avec le nombre de lettres] et 'HeT GuiLOuY 'ARaYoTh VéGuéZeL (la faute de l'immoralité et de la rapine) (809).

Le mauvais penchant a ainsi réussi à attraper Kora'h dans ses filets; ce dernier a passé toute une nuit à ridiculiser Moché et Aharon et à médire d'eux (Tan'houma, Kora'h 7): il s'opposait à leur autorité, oubliant sans doute l'adage de nos Sages selon lequel celui qui trouve un défaut chez l'autre c'est en vérité son propre défaut qu'il voit (Kidouchine 70a).
Kora'h, qui était très riche (Chémoth Rabah 31:2) a réussi à réunir autour de lui toute une assemblée de notables: comme on le sait, les paroles du riche se font bien entendre même si elles sont illogiques, car l'argent parle de sa gorge. Il a fait mauvais emploi de ses possessions, les considérant comme l'essentiel et mettant tout à fait de c“té la sainteté.

Son influence était tellement grande, que même Na'hchon, fils d'Aminadav, qui a sanctifié le nom de Dieu et sauté le premier dans la Mer Rouge (Sotah 37a), a rejoint les rangs de Kora'h… Moché a donc dû implorer Dieu de ne pas accepter leurs hommages (allusion aussi à l'argent). Il est indispensable d'écouter le Tsadik et de subir son influence qu'il a lui-même reçue de Dieu. Ce n'est vraiment qu'ainsi qu'on se rattache à la Providence Divine, au Juste de la génération, aspect de: et ils eurent foi en l'Eternel et en Moïse, Son serviteur (Exode 14:31).

Ceci peut ainsi nous aider à mieux comprendre le rapport entre la sidrah Chéla'h Lékha, qui traite du problème des explorateurs et du concept de tsitsith, et le passage de la controverse de Kora'h et son assemblée. Comme nous l'avons vu, les explorateurs visaient à se mettre à la tête de la communauté d'Israël; ils savaient que s'ils entraient en Terre Sainte, ils perdraient leur statut de Princes. C'est pourquoi ils en ont médit. Ils ont ainsi non seulement péché, mais fait pécher beaucoup d'autres (cf. Nombres 14:27, Sforno): leur orgueil leur a fait perdre la tête… Kora'h aussi aspirait au même but. Il voulait être Grand-Prêtre, sans veiller au bien-être spirituel des autres. Il n'a pas hésité à se révolter contre Moché et Aharon et s'est efforcé de les abaisser. C'est pourquoi, le passage de Kora'h suit celui des explorateurs.

Si en portant le talith et en regardant les franges, on en arrive à se rappeler Dieu et tous Ses commandements, car comme nous l'avons vu, les tsitsith équivalent à la Torah toute entière, à plus forte raison en se rattachant au Tsadik de la génération. De plus, les tsitsith incarnent l'humiliation et l'effacement. C'était là, comme nous l'avons vu, la faute des explorateurs et celle de Kora'h qui ne se sont pas effacés devant le Tsadik, ne se sont pas rappelés les préceptes divins et n'ont pas tiré de leçon de la lèpre de Miriam engendrée par la médisance. Ils avaient beaucoup à apprendre de Moché qui aspirait tant à entrer en Terre Sainte (cf. Sotah 14a; Tan'houma, Va'et'hanane 6) pour y aider les enfants d'Israël. Kora'h estimait qu'on n'a pas besoin d'un dirigeant spirituel et que Dieu réside en chacun de nous. Kora'h, ainsi que les explorateurs, se sont bel et bien trompés là-dessus, car le passage des tsitsith montre combien nous avons tous besoin des conseils et de l'assistance du Juste. Si nous ne comptons que sur nous-mêmes, nous n'aboutirons à rien.
 

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