Briser pour mieux recommencer – Béréchith

Imaginez un grand Tsadiq, comme Baba Salé qui, voyant des juifs mal se comporter prend le sefer Tora de la synagogue et le jette à terre.

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le rabbin Éliyahou Haviv

Posté sur 06.04.21

Lors du Chabath dernier, nous avons terminé la lecture du sefer Tora et l'avons recommencé immédiatement en lisant le début de la première paracha Béréchith, que nous lisons entièrement cette semaine. Il existe une coutume chez certaines communautés séfarades de ne rien dire entre la lecture de la fin du sefer Tora et celle du début. Ceci est très étonnant quand on sait qu'il est absolument permis de parler entre deux lectures de la Tora.

Ce silence est donc significatif : il veut nous faire comprendre que la fin de la Tora et son début sont très fortement liés.
 
Étudions les derniers mots du sefer Tora : “Lé'éné kol Israël ” (“Aux yeux de tout Israël”). Il a été communément admis par notre peuple que l'explication simple des versets (le pchat) se trouve dans le commentaire de Rachi. On peut supposer que le dernier commentaire de Rachi sur la Tora recèlera un message particulier, surement une louange de celle-ci.
 
D'après Rachi, l'expression “aux yeux de tout Israël” nous apprend que le cœur de Moché l'a entrainé à briser les Tables de la Loi “aux yeux d'Israël” et qu' Hachem a été d'accord avec Moché et lui a dit : “Tu as bien fait !” Non seulement il n'y a pas ici de louange de notre sainte Tora mais au contraire, on parle de la briser en la jetant à terre. Rappelons le contexte.
 
Après avoir reçu les Tables de la Loi (Lou'hoth) au sommet du mont Sinaï, où il était resté 40 jours, Moché redescend vers le peuple d'Israël et le trouve en train de s'adonner à l'idolâtrie autour du veau d'or. Il prend alors les Lou'hoth c'est à dire la Tora donnée par Hachem, et les jette sur le sol. Si l'on réfléchit un peu, cet acte est incompréhensible. Imaginez un grand Tsadiq, comme Baba Salé ou l'Admour de Loubavitch qui, voyant des juifs mal se comporter prend le sefer Tora de la synagogue et le jette à terre.
 
On n'imagine pas un instant que cela soit possible : se mettre en colère au point de jeter un sefer Tora !? Même nous, nous ne pourrions le faire, à plus forte raison un Tsadiq. Alors comment comprendre ce qu'a fait Moché Rabbénou et comment comprendre que la Tora se termine par des mots qui font allusion à cet évènement ?
 
Rabbi Nathan explique dans son livre “Liqouté Halakhoth” que lorsque Moché Rabbénou est descendu de la montagne et qu'il a vu le veau d'or, il a compris que, selon la Tora, le peuple juif était coupable d'extermination. Il s'adressa alors à D-ieu et Lui dit : “Si cette Loi que Tu nous donnes entraîne la disparition des enfants d'Israël, nous ne voulons pas d'une loi comme cela !” Et il la jeta à terre, ce à quoi D-ieu lui répondit : “Tu as bien fait.” C'est à dire que Moché Rabbénou avait compris que l'intention réelle d'Hachem n'était pas du tout de détruire Israël. D-ieu désire que nous revenions vers Lui et pardonne toujours.
 
C'est pourquoi, dans la discussion qui suivit la brisure des Tables de la Loi, Il dévoila à Moché les 13 attributs de miséricorde qui sont les garants du fait qu'Israël ne sera jamais détruit parce qu'Il attend avec une patience infinie que nous fassions téchouva (que nous nous repentions).
 
Rabbi Nathan continue et nous enseigne que les premières et deuxièmes Tables de la Loi font allusion à deux sortes de vérité : la vérité qui éloigne et la vérité vraie. En effet, il est possible de lire la Tora d'une telle manière qu'elle ne laisse pas d'espoir à l'individu. Certaines personnes font des conférences en insistant tellement sur la dureté des punitions qu'elles découragent leur audience de vouloir s'approcher de la dévotion, et le plus incroyable est qu'elles provoquent ce découragement avec des paroles de Tora.
 
On ne rappelle pas que D-ieu attend notre retour et qu'Il est très proche de nous, prêt à tout pardonner. Au contraire, on fait de D-ieu uniquement un juge punisseur et de l'homme qui faute une créature sans avenir. Cette “vérité” est la vérité qui éloigne, c'est une lecture de la Tora qui, même si elle se base sur des paroles vraies, reste incomplète car elle évacue la notion de téchouva et de miséricorde de D-ieu.
 
En outre, Rabbi Nathan explique que certains livres de moussar (morale) ne correspondent plus à nos générations et qu'il vaut mieux les fermer. Ces livres qui, à leur époque, avaient la capacité de réveiller le juif et de le rapprocher authentiquement d'Hachem, n'ont plus le même effet sur nous car nous ne possédons plus les mêmes aptitudes spirituelles, ils nous donnent l'impression que servir D-ieu est trop difficile. À tout ceci, il faut donner la même réponse que Moché Rabbénou et “briser” ces premières tables, cette vérité qui si elle est vérité n'en reste pas moins incomplète parce qu'elle est décourageante.
 
La véritable vérité, les deuxièmes Tables, représente la Tora éclairée par les enseignements des Tsadiqim authentiques qui montrent que le désespoir n'existe pas et qu'il est interdit de se décourager car c'est seulement le découragement et la tristesse qui maintiennent l'homme éloigné de D-ieu. C'est pourquoi la vraie réponse consiste à recommencer à nouveau, quelles que soient les fautes que nous avons faites et même si nous les avons refaites sans arrêt. Faire taire la voix intérieure qui nous demande de ne plus y croire.
 
On comprend maintenant pourquoi la fin de la Tora (la brisure des Tables) est immédiatement suivie par le début de la Tora : Béréchith, qui signifie le commencement, c'est à dire la capacité de toujours recommencer à zéro, selon son niveau et pas plus, parce que D-ieu nous aime infiniment.
 
Sefer Hamidoth
 
“L'unification de D-ieu se fait avec les âmes d'Israël.”
 
Si Rabbi Na'hman de Breslev a placé cet enseignement dans le sujet “Émouna"”, c'est peut-être pour que nous comprenions que le rapport essentiel du juif avec Hachem se construit avec l'émouna. C'est la foi qui permet l'unification du peuple juif avec le Créateur. Or l'unification est selon les kabbalistes, la raison essentielle de notre Service divin. En d'autres termes, l'émouna est le plus grand vecteur de l'union parfaite entre D-ieu et Israël, que le Cantique des cantiques compare à la relation entre un fiancé et une fiancée. De fait, la personne qui a confiance en D-ieu manifeste ainsi son amour pour le Créateur.
 
 “La faute de l'homme introduit en lui de l'hérésie.”
 
L'hérésie consiste à renier D-ieu et les Sages d'Israël. Elle est donc le contraire de l'émouna qui représente justement cette croyance que D-ieu a créé le monde et qu'Il le dirige selon Sa volonté, jusqu'aux moindres détails. Qu'Il a donné la Tora au peuple d'Israël et que les Sages sont les représentants de Sa parole. Ils enseignent ce que nous devons faire et ne pas faire.
 
Quand un homme commet une faute il abandonne ce principe directeur et en outre, la faute a pour particularité de voiler la Présence Divine. Il fait alors automatiquement entrer de l'hérésie en lui. Néanmoins, il pourra détruire cette dernière en se renforçant dans la foi.
 
 “Quand un homme perd la foi, il doit pleurer.”
 
Ce conseil semble difficile à suivre d'autant plus que Rabbi Na'hman enseigne ailleurs que celui qui essaiera de pleurer ne pourra y arriver. Néanmoins, celui qui perd la foi devra méditer profondément sur sa situation, parce qu'il s'est éloigné de son Père divin. Et s'il prend cette réflexion à cœur et l'associe à des prières pour sortir de cette chute, nul doute que (sans l'avoir cherché) les larmes couleront de ses yeux, envoyées par le ciel en récompense de l'effort personnel. Ces larmes lui donneront des forces spirituelles et, à la fin, il reprendra le dessus.
 
“Le serpent était rusé”
 
Nos sages racontent que lorsque le serpent a abordé 'Hava (Ève) dans l'intention de lui faire manger le fruit défendu, il l'aborda en disant : “N'est-ce-pas que D-ieu vous a interdit tous les arbres du jardin ?”, et ensuite il commença sa discussion jusqu'au point de la faire fauter. Au sujet de ce premier argument, le Or Ha'haïm Haqadoch explique :
 
Le serpent savait bien que les autres arbres étaient permis, ce qu'il fit comprendre à 'Hava est que si elle ne pouvait pas manger de l'arbre de la connaissance du bien et du mal, alors même si elle mangeait du fruit des autres arbres, cela n'avait aucune valeur, comme si elle n'avait rien mangé du tout car seul le fruit défendu avait de l'importance.
 
Rabbi Na'hman enseigne que tel est le chemin du Yetser Hara' (le mauvais penchant), il focalise notre intention uniquement sur ce que nous ne pouvons faire ou sur ce qui est interdit. Le pratiquant n'arrive pas à se réjouir des mitswoth faciles à accomplir (taliht, téfilines, téfila, Chabath et fêtes, etc.), il ne regarde que les choses trop difficiles pour lui en pensant qu'elles sont seules à avoir de la valeur. Il développe donc un sentiment de frustration qui l'empêche de servir D-ieu dans la joie et le maintient éloigné de la dévotion authentique, il ne peut pas progresser ainsi.
 
Quant au non-pratiquant, il fait la même erreur à un autre niveau : il pense que seules les choses interdites sont bonnes et ne croit pas qu'il peut être heureux en respectant la Tora et les mitswoth. Et même s'il est sûr que la vérité se trouve chez les Sages d'Israël, il ne croit pas que les petits efforts qu'il pourra fournir sont importants aux yeux de D-ieu (bien évidemment il se trompe).
 
C'est pourquoi Rabbi Na'hman est venu nous enseigner exactement le chemin inverse du serpent. Le service de D-ieu doit se faire avec simplicité, authenticité et joie. Savoir se réjouir de ce qu'on fait et ne tenir compte que du positif, sans s'appesantir sur nos manques. C'est ainsi qu'à la fin du compte on réussira son passage sur terre à condition d'être patient et de suivre ce chemin, Rabbénou l'a promis.
 
Lois de Chabath
 
On ne peut pas se rendre, à Chabath, dans une maison qu'on envisage de louer ou d'acheter afin de voir si elle nous convient ou pas, ou de vérifier les réparations à effectuer le lendemain. Cette interdiction est à condition qu'il soit reconnaissable que la maison est à louer ou à acheter, par exemple si elle est vide ou nouvelle.

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