Etre garants les uns des autres

Ce Chabat, j’ai entendu un cours à la synagogue sur le thème de la responsabilité mutuelle et du dévouement...

4 Temps de lecture

Sharon Rotter

Posté sur 17.03.21

Ce Chabat, j’ai entendu un cours à la synagogue sur le thème de la responsabilité mutuelle et du dévouement. Comme les enfants étaient avec moi, je n’ai pas entendu l’intégralité du cours, mais ce que j’ai réussi à entendre est ancré dans mes pensées.

Le Rav a expliqué que lorsque nous disons le verset du Shéma « Ecoute Israël, l’Eternel est notre D.ieu, l’Eternel est Un », nous devons penser à donner notre vie et notre âme au nom de notre foi, de notre judaïsme.

La seconde partie que j’ai pu entendre traitait de la responsabilité mutuelle. Lorsque nous entendons les difficultés et les épreuves des autres, nous devons être prêt à les aider vraiment, au lieu de simplement répondre « Ça ira avec l’aide de D.ieu », et de renoncer ainsi élégamment à s’impliquer personnellement. Nous devons nous engager à aider de façon pratique autant que possible, que ce soit en prêtant de l’argent, en gardant des enfants, en proposant du co-voiturage ou autre. Il faut essayer d’être garant de l’autre non seulement par notre écoute et notre compassion, mais aussi lui donner l’impression qu’on est là pour lui vraiment, tant que possible, tant qu’on peut aider.

Le soir venu, ces paroles ont continué à résonner dans ma tête. Responsabilité mutuelle, compassion, qu’est-ce que cela signifie pour moi ? J’adore ces termes, c’est sûr. Ils sont comme neufs sur mes lèvres et j’adore les employer dès que j’en ai l’opportunité. Pourtant, m’est-il vraiment arrivé de les approfondir, par rapport à moi et à mon entourage ?

Avant de me coucher, j’ai dit le Shéma, j’ai prononcé le verset « Shéma Israël… ». Je me suis concentrée et j’ai pensé donner mon âme pour le judaïsme, mais à mon grand regret, j’ai senti que des doutes s’infiltraient dans ma réelle volonté et dans mes intentions. Serais-je vraiment prête à cela ? A donner mon âme pour mes croyances ? Est-ce que j’aurais réussi à survivre une période aussi terrible que celle de la deuxième guerre mondiale, dans la Shoah, dans un camp de la mort, sans abandonner mes principes pour sauver ma peau ?

Je me suis souvenue de l’histoire de mon grand-père, que son âme repose en paix, qui a échappé aux griffes des nazis, que leur nom soit effacé, quand son père l’envoya hors de Pologne avant la guerre. Mon grand-père était candidat pour rejoindre l’armée polonaise qui était très antisémite, et pour lui épargner cette terrible expérience, son père se hâta de le faire monter à bord d’un navire pour l’Argentine.

Bien entendu, tous les membres de la famille de mon grand-père qui sont restés en Pologne ont été tués pendant la Shoah. L’histoire de leur extermination, mon grand-père l’entendit de la bouche de celle qui était sa petite amie avant qu’il émigre. Elle avait survécu et repris contact avec lui après la guerre.

Lors de leur rencontre, elle lui raconta tout ce que sa famille avait enduré dans les camps ainsi que son histoire personnelle : avoir eu un enfant d’un nazi. En plus de faire passer ces informations, il y avait un autre objectif à leur rencontre : la femme demanda à mon grand-père de reprendre leur relation, de l’épouser et d’adopter son enfant. Mon grand-père fut horrifié à l’idée d’élever l’enfant d’un nazi, et la femme quitta l’Argentine et monta en Israël.

Les pensées continuèrent à me hanter. Elever l’enfant d’un nazi, c’est vraiment quelque chose de complexe, de difficile, c’est presque impossible à envisager. Qu’est-ce que j’aurais fait à sa place ? Est-ce que j’aurais pu être aussi forte, donner mon âme et ne pas commettre cet acte ?

Je me suis souvenue d’une autre histoire que j’avais entendue, celle d’un homme du ghetto qui vint poser à son Rav une question difficilement supportable. Il avait la possibilité de ne pas envoyer son fils dans les camps de la mort, mais le hic, c’était que ce juif savait très bien que si son fils ne partait pas, on enverrait à sa place le fils d’un autre. Il demanda au Rav s’il pouvait faire une telle chose. Epargner la vie de son fils au détriment de celle d’un autre ?

Le Rav ne sut quoi répondre. Il réfléchit longuement et finalement, s’excusa de ne pouvoir lui apporter de réponse.

En fin de compte. L’homme prit la décision la plus difficile de sa vie. Il décida d’envoyer son fils plutôt que de risquer la vie d’un autre juif.

Quand je m’imagine cette situation et que j’essaie de m’identifier, de nouveau, j’ai ce doute. Est-ce que j’aurais pris la même décision ? Penser simplement à la vie de quelqu’un d’autre me serait-il venu à l’esprit dans une situation aussi cruelle ?

Une autre histoire : celle d’un hassid de Gour qui était tellement affamé qu’il décida de mettre sa vie en danger et de courir jusqu'à la cuisine pour dérober une pomme de terre, dans l’espoir d’apaiser un peu sa faim. La femme qui travaillait en cuisine était juive, elle le vit arriver difficilement et le gronda : « Vous auriez pu mourir à plusieurs reprises pour ça ! » Dans sa grande miséricorde, elle lui donna deux pommes de terre écrasées, mais avant qu’il s’empresse de repartir, elle lui tendit un petit papier plié en lui disant « Prends ça aussi ». Le hassid s’enfuit. En route, il perdit une pomme de terre mais ce n’était plus tellement important pour lui, tant il était curieux de connaitre le contenu du papier que la femme avait pris le risque de lui donner. Etait-ce une amulette ? Une ségoula ? Une partie d’un sefer Torah ?

Une fois arrivé et en sécurité, le hassid déplia le papier et y trouva… un peu de sel. Il fut ému jusqu’au plus profond de son cœur par la bonté de cette femme. Le fait que, même dans cet enfer, elle n’ait pas perdu son humanité et la volonté de donner un bon goût aux choses, même pour une petite pomme de terre écrasée.

Cette histoire vient nous enseigner ce que sont le dévouement et la responsabilité mutuelle. Même quand nous rendons service à quelqu’un, il y a une bonne manière de le faire. Apporter son aide avec grâce, du fond du cœur et dans un sentiment de bonté et de miséricorde, peut faire une grande différence, renforcer l’autre et l’inspirer, même dans les pires moments.

De ces histoires, commence à se profiler un certain discernement. Le dévouement et la responsabilité mutuelle sont des valeurs suprêmes. Certes, elles sont toujours difficiles à mettre en pratique et impliquent de faire des concessions qui sont parfois petites, et d’autres fois, énormes. Mais quand on fait la chose juste, s’engager pour un ami, se donner pour ses croyances, on reçoit en retour une élévation spirituelle extraordinaire, comme un avant-goût du monde futur.

Qu’on ait le mérite, avec l’aide de D.ieu, d’atteindre ce niveau spirituel et de sauter sur chaque occasion qui se présente à nous !

Ecrivez-nous ce que vous pensez!

Merci pour votre réponse!

Le commentaire sera publié après approbation

Ajouter un commentaire