Les ailes du soleil

Les traitements médicaux épuisants et coûteux qui n'offrent qu'un mince espoir, sont plus tolérés que les efforts requis pour observer des preceptes...

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le rabbin Avraham Greenbaum

Posté sur 06.04.21

« Guéris-moi, Seigneur, et je serai guéri .» (cf. Jérémie 17:14)

Au cours de ces cent dernières années, la médecine a vu une révolution sans précédent dans l'histoire de l'humanité. La variole et la peste ont été pratiquement éradiquées dans le monde entier. La diphtérie, le tétanos, la poliomyélite, et autres fléaux, ont été enrayés dans des pays aux normes raisonnables de prévention et d'hygiène. L'immunisation empêche la mort de millions d'enfants chaque année. Dans les pays développés, la mortalité infantile a chuté d'environ 25 % à moins de 1,3 %, tandis que l'espérance de vie est passée de 45 à 75 ans.
 
Les techniques qui autrefois étaient inconcevables, sont devenues routine aujourd'hui : transplantations d'organes, chirurgie par vidéo, opérations au laser, thérapeutique moléculaire, régénération de tissus, etc. La révolution médicale est en pleine expansion.
 
Vu l'intensité de la recherche entreprise dans des domaines tels que la biologie moléculaire, la biotechnique et bien d'autres spécialités, on peut aisément concevoir que dans un avenir prévisible, quatre-vingt-dix pour cent des cas de cancer pourront être prévenus ou guéris, les maladies coronariennes presque éliminées, des mystères comme la maladie d'Alzheimer élucidés. On trouvera des traitements contre les allergies, les migraines et autres affections.
 
Le corps médical
 

Les nombreux succès du monde occidental dans le domaine de la médecine et les espoirs qu'ils permettent, lui ont donné une place prestigieuse dans la société contemporaine. Le monde de la santé est une entreprise qui investit plusieurs milliards de dollars. Il consomme des pourcentages considérables de produits nationaux bruts des pays les plus avancés du monde.

 
Le corps médical comprend des armées de médecins, de spécialistes, d'infirmières, du personnel paramédical, des techniciens de laboratoire, des secrétaires, du personnel d'entretien dans des cliniques et hôpitaux publics ou privés, des centres de soin spécialisés, l'industrie pharmaceutique, les services médicaux de l'armée, les organisations éducatives, industrielles, commerciales, internationales, etc.
 
Pour les gouvernements, les agences publiques, les mass media et l'immense majorité du public, il va de soi que la profession médicale est l'autorité chargée d'étudier tous les problèmes concernant la santé du corps humain. La plupart considèrent que les médecins sont aussi les experts de la santé mentale de la population. Avec leurs tabliers blancs, leurs rites scientifiques, leur jargon savant, le corps des médecins ressemble à une hiérarchie ésotérique ; il détient apparemment les clés de la santé, libère de la douleur et de la maladie, et accorde même la vie !
 
La plupart des gens donnent plus de poids aux déclarations d'un e autorité médicale sur des questions de vie et de mort, qu'aux conseils prodigués par un Tsadiq. Les traitements médicaux épuisants et coûteux qui n'offrent qu'un mince espoir d'améliorer l'existence d'un individu sur terre, sont souvent plus tolérés que les efforts raisonnables requis pour observer des préceptes religieux simples qui garantissent des récompenses infinies.
 
Ne nous étonnons pas de la force de notre croyance en l'efficacité de la médecine. Sous une forme ou une autre, les soins et les conseils médicaux sont des facteurs toujours présents dans notre vie de la naissance à la mort.
 
Après des mois de soins prénataux, le nouveau-né passe directement du ventre maternel entre les mains d'un « comité d'accueil » de médecins et infirmières. L'enfant grandit et apprend vite que les pommades et les pansements font un peu mal, les coupures et les écorchures disparaissent, tandis que les sirop sucrés enrayent les rhumes et les toux. Les médecins et infirmières sont des figures familières pour la plupart des enfants, dont même les plus robustes reçoivent régulièrement des soins médicaux et des traitements dentaires.
 
Même quand tout va bien, le souci de notre santé s'installe à un point dontnous sommes à peine conscients. La moindre boite de conserves que nous achetons doit nous renseigner sur sa teneur en hydrates de carbone, graisse, cholestérol, protéines, vitamines, minéraux, etc. Nous sommes assaillis de tous côtés de renseignements sur la valeur sanitaire de la gymnastique, des effet négatifs des cigarettes, de l'alcool.
 
Devons-nous nous exposer au soleil ou non ? Que dire des insecticides, des écrans d'ordinateurs et de milliers d'autres choses ? Chacun de nous a sa réserve personnelle de sagesse médicale puisée dans son éducation, à la télévision et dans toutes sortes de magazines. Dans quel foyer ne trouve-t-on pas un « arsenal » de pilules, pommades, lotions, vaporisateurs, etc. ?
 
Et si, à D-ieu ne plaise, il y a quelque chose de sérieux, la première pensée qui vient à l'esprit de la plupart d'entre nous est d'appeler le médecin de toute urgence. Certes, nous prions, nous récitons des Psaumes, faisons la charité, prenons de bonnes résolutions. Mais est-ce notre foi et notre confiance en D-ieu qui nous rassure que tout ira pour le mieux ? Ou bien est-ce l'assistance médicale, les piqûres, les médicaments et le regard du médecin qui nous dit que la situation est sous son contrôle ?
 
Rabbi Na'hman de Breslev
 

Il est surprenant de voir que Rabbi Na'hman de Breslev (1772-1810), ce grand Sage mystique, maître de la 'hassidouth, a dénoncé dans les termes les plus violents, la médecine et les médecins. Il conseillait à quiconque tient à sa vie et à celle de sa famille, de les éviter, même dans le cas de maladies sérieuses.

 
« On ne doit dépendre que de D-ieu, disait-il. L'art de la guérison est très complexe, mais cette complexité échappe aux médecins, qui ne sont pas capables de tenir compte de tous les détails subtils, sans risque d'erreur… Il suffit que les médecins commettent la faute la plus légère pour détruire un homme, comme nous le voyons souvent. La majorité des médecins sont des agents de l'Ange de la mort. » (La Sagesse de Rabbi Na'hman #50).
 
Est-ce là le langage du même Rabbi Na'hman qui racontait des histoires savoureuses et nous apprenait à être toujours heureux, à considérer le bon côté des choses et à juger tout le monde favorablement ? Traiter les médecins d'assassins peut procéder de la dérision – n'avons-nous pas tous entendu des histoires sur l'arrogance et l'incompétence des médecins et sur les traitements qui ont été administres à tort ? En fustigeant les médecins, nous pourrions apaiser notre ressentiment de dépendre d'eux à ce point.
 
Mais que faire en cas de crise réelle, à D- ieu ne plaise ? Un enfant est pris de convulsions… La victime d'un accident saigne abondamment… Un cardiaque pris de malaise vomit, en nage… N'avons-nous pas vu des miracles, des gens qui ont échappé à la mort grâce à des soins intensifs, des opérations miraculeuses, des médicaments extraordinaires, et des technologies nouvelles ?
 
Nous pouvons donc expliquer que Rabbi Na'hman méprisait la médecine de son temps, qui n'avait pas encore vu toutes les découvertes scientifiques stupéfiantes du vingtième siècle. Nous poumons même rejeter ses idées : « Guérir par la foi ? Toutes les autorités rabbiniques contemporaines reconnaissent d'un commun accord qu'il ne faut pas compter sur le miracle » (Pessa'him 64b). « La Tora a donné aux médecins l'autorisation de soigner » (Bérakhoth 60a). On doit donc consulter un médecin !
 
On pourrait le plus souvent donner une réponse positive. N'oublions pas que Rabbi Na'hman lui-même insistait pour que l'on fasse vacciner les enfants contre la variole (Avanéa Barzel p.3l, #34). La vaccination était alors une technique médicale nouvelle, mais qui avait fait ses preuves. On pourrait en dire autant des innombrables procédés médicaux nouveaux de notre époque.
 
Rabbi Na'hman comprenait que bien des gens n'avaient pas la foi assez forte pour assumer une maladie grave et leur conseillait : « Vous connaissez mon attitude vis-à-vis des médecins, mais si vous allez consulter un médecin, assurez-vous que c'est le meilleur !» (Sia 'h Sarfé Qodech I,8).
 
La maladie peut faire très peur et l'on évite parfois de consulter un médecin – même si les symptômes qu'elle présente sont sérieux, car on craint d'entendre le diagnostic.
 
Qu'aucun de nous ne se serve des commentaires concernant dans les médecins et la médecine présentés dans notre ouvrage comme excuse pour ne pas consulter un médecin quand cela s'avère nécessaire ou lorsqu'il faut subir un traitement médical. Ceux qui ont des questions ou des doutes sur les conseils médicaux qu'ils ont reçus ou les traitements qu'ils subissent doivent demander l'avis d'autres experts dans ce domaine. Les questions religieuses ou spirituelles doivent être discutées avec un rabbin compétent.
 
Rappelons-nous que Rabbi Na'hman s'adressait à des 'hassidim qui consacraient leur vie à suivre la voie spirituelle qu'il leur avait tracée. Il serait extrêmement dangereux de se servir des commentaires de Rabbi Na'hman concernant les médecins pour éviter les traitements médicaux nécessaires, tout en s'abstenant de se conformer à ses autres enseignements.
 
Mais le sujet ne s'arrête pas là. Les déclarations de Rabbi Na'hman concernant les médecins ne sont qu'une facette de l'ensemble de ses enseignements sur les problèmes de santé qui sont uniques dans toute la littérature rabbinique.
 
On a vu de tout temps des rabbins éminents particulièrement verses dans la médecine. Citons notamment le RaMBaM (Rabbi Moché ben Maïmon, ou Maïmonide, 1135-1204) dont les écrits sur la médecine conventionnelle sont nombreux. En toute génération, les autorités rabbiniques ont été influencées par les implications légales et éthiques des différents aspects de la pratique médicale.
 
Les nouveaux horizons ouverts par la science médicale ont généré récemment une grande prolifération d'une telle littérature. Mais partout, c'est essentiellement sur le traitement des maladies physiques par des moyens matériels qu'on focalise. On peut dire que nulle part ailleurs que dans les écrits de Rabbi Na'hman on ne trouve une discussion détaillée des aspects spirituels de la santé, de la maladie et de la guérison.
 
On trouve des références à la guérison dans tous les enseignements de Rabbi Na'hman. Mais, au cours des trois dernières années de sa vie, alors qu'il était lui-même atteint de tuberculose, ce problème devint un thème central dans ses grands discours. Rabbi Na'hman exprimait et expliquait l'approche juive particulière de la santé et la guérison qui a ses racines dans la Bible, et qu'on retrouve dans d'innombrables passages du Talmud, du Midrach, de la Kabbala et de la 'Hassidouth, ainsi que dans d'innombrables histoires et anecdotes empruntées à toutes les époques et fractions du monde juif.
 
Rabbi Na'hman a « distillé » la sagesse de milliers d'années et l'a transformée en une méthode unique de guérison. Le point focal n'est pas le corps, mais l'âme… Les enseignements de Rabbi Na'hman à ce sujet peuvent se résumer en une seule phrase : « Toutes les maladies dont souffrent les gens, ne sont dues qu'au manque de joie… La guérison procède essentiellement de la joie. » (Liqouté Moharan II,24)
 
À suivre…
 
(Extrait du livre “Les ailes du Soleil” par Avraham Greenbaum, publié aux Éditions de l'Institut Breslev)

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