Pourquoi haït-on les juifs ?

Les autorités chrétiennes, en réponse à la menace que faisait peser le judaïsme sur leur doctrine, ont entrepris une véritable action subversive pour effrayer le monde...

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le rabbin 'Haïm Harboun

Posté sur 19.10.21

Quant au monde chrétien, un judaïsme florissant lui posait des problèmes insolubles quant à la véracité de sa doctrine. Les autorités chrétiennes, en réponse à la menace que faisait peser le judaïsme sur leur doctrine, ont entrepris une véritable action subversive pour effrayer le monde…
 
La haine à l’égard des juifs n’est pas un phénomène nouveau. On peut remonter à Pharaon – qui jetait des nourrissons juifs dans le Nil – aux philistins qui brûlaient les champs des juifs avec des queues de renards enflammées. Les assyriens dévastaient régulièrement le territoire d’Israël,  Nabuchodonosor détruisit le temple et exila la population juive en Babylonie. Les grecs occupèrent le pays à partir de –332 avec l’invasion de l’armée d’Alexandre le Grand, les romains détruisirent le deuxième Temple et rasèrent tout le pays. On peut continuer longtemps l’énumération des souffrances infligées aux juifs – surtout au Moyen Age – mais pour cela il faudrait une bibliothèque entière.
 
Des centaines de livres ont déjà été rédigés pour expliquer l'antisémitisme, mais comme la persécution des juifs continue de nos jours, les historiens ont encore du pain sur la planche. La dispersion des juifs et leurs conditions de  vie étaient si misérables que la minorité juive était considérée partout comme un élément étranger sur lequel se focalisaient les haines et l’hostilité. Cette minorité souffrante, culpabilisait les populations locales, ce qui entraînait  son rejet, son isolement et sa dégradation. Dans l’antiquité, le faible n’avait aucun espoir de vivre décemment. La pulsion de haine – qui se traduit par la persécution du faible, incapable de se défendre – avait enraciné dans la mentalité des populations indigènes l'idée selon laquelle les juifs étaient néfastes, impurs et souillaient  le lieu où ils se trouvaient. C’est ainsi que les minorités juives sont devenues le souffre douleur des populations du monde.
 
On accusait les juifs de tous les maux et chaque malheur qui touchait une population d’une région dans le monde s'expliquait à cause des juifs ! Lorsque l’économie d’un pays était chancelante, les juifs étaient désignés comme la cause de la ruine du pays. Quand un enfant disparaissait, les juifs étaient accusés d’assassinat. Le meurtre rituel a été la cause des massacres de villages juifs la veille de Pessa'h. Ce qui était à l’origine de la défense faite aux juifs de sortir de leurs maisons durant toute la période de Pâques. Toutes ces accusations renforçaient la haine à l’égard des juifs. Ces derniers sont devenus objet de phobie, ce qui intensifiait le sentiment de leur rejet et toute atteinte au juif fut considérée comme une bonne action par la chrétienté. En conséquence les juifs furent brûlés par l’inquisition – pour avoir refusé d’abjurer leur adhésion au judaïsme – massacrés dans les pogroms, pourchassés partout en Europe et dans le monde, victimes d’accusations mensongères.
 
La mentalité des masses ignares a été imprégnée par cette haine durant des siècles. Lorsque l’islam déferla sur le monde et convertit des dizaines de nations, les juifs étaient véritablement misérables. Contrairement aux premiers chrétiens qui avaient connu Israël dans sa gloire et sa puissance, avec un Temple qui attirait l’admiration et la jalousie des peuples du Moyen Orient, les musulmans n’ont connu qu’un peuple haï, dispersé et persécuté. Cette image du peuple juif s’est définitivement fixée dans le mental musulman.
 
Quant au monde chrétien, un judaïsme florissant lui posait des problèmes insolubles quant à la véracité de sa doctrine. Les autorités chrétiennes, en réponse à la menace que faisait peser le judaïsme sur leur doctrine, ont entrepris une véritable action subversive pour effrayer le monde, présentant les juifs comme des dominateurs qui veulent gouverner le monde en déstabilisant les institutions internationales, monopoliser le commerce, spolier les pauvres gens… Les non juifs fabriquent “Les protocoles des anciens de Sion” pour étayer leur thèse.  En réponse à toute cette propagande, les masses réagissent par la violence contre les juifs et la haine envers eux s’exacerbe encore un peu plus. Le corps de la société chrétienne a été contaminé par le virus de la haine qui, à son tour a contribué à la faiblesse de ce même corps.
 
Malgré les persécutions et les souffrances, la puissance spirituelle de la tradition juive fortifia les juifs qui sont demeurés – plus que jamais – forts dans leurs convictions et leur détermination d’assurer leur pérennité, quel que soit le prix à payer. Cet entêtement, malgré des conditions de vie très difficiles, contribua encore un peu plus à exacerber la haine à leur égard. Cependant, la ferme volonté manifestée par les juifs – ainsi que leur refus de se diluer dans la masse et disparaître – effraya leurs ennemis, ce qui incita ces derniers à intensifier leurs attaques. En réponse à la haine, les juifs ont développé une qualité très particulière, à savoir : l’adaptation. Pour répondre à leurs ennemis, ils ont développé des moyens de défense dont le principal consiste à être les premiers en tout. C’est le juif qui a contribué au développement du commerce international – c’est lui qui inventa la lettre de change qui allait être par la suite à l’origine de la banque – c’est lui qui se distingua dans les sciences, la musique, la finance et dans bien d’autres disciplines. En cent ans le peuple juif a donné au monde quatre vingt deux prix Nobel, le monde musulman en a donné deux. Cette réponse juive aussi brillante fût-elle a encore fixé ses ennemis dans leur haine structurelle.
 
Dans un livre récent, la psychanalyste Béla Grumberger a écrit : “Ce qui unit dans une sorte de religion les antisémites 'offensés du narcissisme' est une certaine interprétation de leur blessure primordiale que leur offrent deux mille ans de culture chrétienne, même si parmi eux nombreux sont ceux qui ne se réclament pas directement du christianisme. Hitler – grand blessé narcissique – en est un exemple parmi d’autres ; il déplaça la responsabilité de sa frustration sur les juifs, culturellement tout désignés comme boucs émissaires. Ce rôle leur fut assigné du temps du nazaréen et en constitue l’héritage ; la blessure narcissique obligatoire est en effet permanente. Le judaïsme ne persiste-t-il pas dans son refus de confondre un homme avec une divinité ? Ne continue-t-il pas de contester la magie toute puissante du saint esprit ? … Voilà le juif ainsi définitivement 'marqué', responsable de toutes les blessures narcissiques à venir, déplacées sur celle que reçut le nazaréen et les premiers chrétiens.'"
 
Cet antisémitisme chrétien et islamique a fini par envahir la psychologie des juifs. Comme tous les persécutés, les juifs se sont culpabilisés et ont cherché les causes de la haine – dont ils sont victimes – en eux-mêmes. Ce phénomène s’est produit aussi lors du déclenchement de la seconde intifada. Les israéliens s’accusaient eux-mêmes d’avoir été à l’origine du soulèvement des palestiniens en allant sur l’Esplanade du Temple, comme si ce lieu était la stricte propriété des palestiniens. Il ne manquait plus qu’à demander pardon aux assassins d’enfants et de civils.
 
L’avènement  de l'État d’Israël a modifié la structure mentale et des juifs et des nations. Cependant, la haine du juif est tenace ayant des racines tellement profondes. Afin de dissimuler un antisémitisme structurel, on a opéré un transfert sur le sionisme. Désormais, en attaquant le sionisme et en plaignant les pauvres palestiniens, on peut continuer à tuer le juif sans aucun problème de conscience.                                         
 
En guise réponse au titre de cet article, on peut dire que la haine du juif est structurelle aux nations. Israël est le seul peuple qui a accepté de pratiquer la Tora. Cette Tora a été promulguée au mont Sinaï. L’étymologie du mont Sinaï a pour racine hébraïque “SANO”  qui signifie “haïr”. Autrement dit, quand le peuple d’Israël a accepté la Tora – en s’engageant de respecter ce qui y est écrit – il a de ce fait attiré la haine des nations contre lui. Il ne faut donc pas craindre cette haine qui n’est rien d’autre qu’une atteinte au narcissisme des nations. 
 
 
Le rabbin 'Haïm Harboun est l'auteur du livre “Les voyageurs juifs du 16e siècle” aux éditions Massoreth.

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