Qui es-tu vraiment ?

Je m’étais coupée de mon « moi » d’avant, de celle qui aimait faire de nouvelles choses et découvrir leur fonctionnement, et ça m’a presque tuée...

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Rivqa Levy

Posté sur 17.03.21

Je m’étais coupée de mon « moi » d’avant, de celle qui aimait faire de nouvelles choses et découvrir leur fonctionnement, et ça m’a presque tuée. Rivka Levy, dans une redécouverte d’elle-même.

Traduit par Carine Illouz

J’avais 16 ans, quand ma famille entama un processus de téchouva (retour à la religion), et nous avons tous suivi le mouvement. En six mois, l’arbre de Noël fut jeté dehors, on arrêta de manger dans des restaurants non-cacher, et le Chabat et les chapeaux noirs s’établirent à la maison.

J’allais à la synagogue chaque semaine, j’aimais plutôt ça. Ça me faisait du bien. J’adore lire, donc j’aimais aussi les livres que la bibliothèque juive avait à offrir à ses lecteurs. J’aimais la profondeur des idées que je trouvais dans ces livres, la sagesse infinie. J’aimais aller à la synagogue, parce que les gentilles femmes, là-bas, m’avaient prise sous leurs ailes : elles m’encourageaient, me soutenaient, me renforçaient et surtout, m’apportaient énormément de chaleur. Je leur dois beaucoup. Après tout, mon judaïsme –au début du parcours, en tout cas- a grandi grâce à elles.

A la maison, la télévision était toujours à sa place, je voyais des films, je continuais à lire des livres non-juifs, et après une grosse dispute avec mes parents, je continuai à porter mes jeans bien-aimés.

L’apparence de ma famille, ce que nous mangions et ce que nous faisions le Chabat, sont les choses qui changèrent beaucoup. Mais à l’intérieur ? Ce n’était pas grandiose. On pourrait dire : un changement mineur. Personne ne me parla vraiment du travail qu’on avait à faire d’un point de vue spirituel, des traits de caractère ou de quoi que ce soit qui se rapprocherait un peu de l’intériorité de la personne. Et c’était assez prévisible, car changer réellement demande du temps. Il est bien plus facile d’acheter un Borsalino (chapeau noir que portent les religieux) que d’arrêter de crier sur les gens…

Mon mari vient d’une famille traditionnaliste (si l’on peut la caractériser ainsi), mais moins pratiquante que la mienne.

Quand nous nous sommes mariés, il adopta la religion sans réserve et se mit à faire Chabat et à observer certaines autres « grandes » mitsvotes (commandements). Dans une grande ville comme Londres, où nous vivions avant de monter en Israël, c’était vraiment agréable de faire partie d’une communauté, d’un groupe de gens à qui se lier, à inviter et avec qui sortir. Comme une petite niche dans laquelle on se démarque en tant qu’individu, et pas comme un des 10 millions d’individus qui peuplent la ville.

On allait ensemble au cinéma le samedi soir, on se retrouvait au café le dimanche matin, on répondait presque toujours présent aux invitations à des repas de Chabat ou à d’autres célébrations.

Le paradis.

Et puis nous sommes montés en Israël, pour rejoindre une communauté à majorité anglo-saxonne.

Nous avons essayé de continuer à vivre notre version de la vie juive, telle que nous la vivions à Londres : beaucoup d’amis et de sorties, essentiellement le Chabat, voirdes films, porter nos jeans bien-aimés et vivre une culture qui n’était pas la nôtre.

Pour pas mal de raisons, ça nous réussissait plutôt bien. Mais quand l’argent commença à manquer, tout s’arrêta, parce qu’il n’y avait pas de place pour des gens comme nous : nous n’avions tout simplement plus un sou en poche.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

A ce stade, nous avons commencé à nous rapprocher de la H’assidoute Breslev, ce qui nous aida à traverser plusieurs étapes profondes et significatives, mais nous poussa aussi à opérer quelques changements : se débarrasser des films, des livres non-juifs et des jeans, les rêves et les aspirations qui avaient façonné toute ma vie, jusqu'à l’âge de 32 ans.
En devenant religieux, même si cela s’est fait par étapes, mon mari et moi avons perdu des liens fondamentaux, liés à notre enfance. Par exemple, jusqu'à l’âge de 16 ans, toutes mes amies étaient non-juives. J’ai essayé de garder le contact après que ma famille se rapproche de la religion, mais nous n’avions plus rien en commun. Première blessure.

La deuxième blessure a été en montant en Israël. Les liens avec notre communauté de Londres cessèrent.

La troisième blessure fut lorsqu’on se rapprocha du courant Breslev : le peu d’amis qu’il nous restait prirent leurs distances, et bien entendu, il y avait cette difficulté de nous adapter aux anglo-saxons qui n’étaient pas h’assidim ou à ceux qui se considéraient comme « normaux ».

Une autre chose que j’ai perdu, c’est une grande partie de moi-même. A partir du moment où j’ai reconnu la volonté de D.ieu, j’ai tout jeté : des livres, des journaux, et les albums de la reine d’Angleterre, j’ai perdu le fil rouge grâce auquel je gardais les pieds sur terre lors de changements et de transitions que je traversai par la suite.

Ce fut douloureux, et ça l’est toujours.

Dernièrement, mon mari m’a donné un livre très intéressant à lire : Là où se tiennent les Baalé Téchouva(les gens qui sont revenus vers la religion), du Rabbin Dan Tiomkin. C’est un livre étonnant que je recommande vivement à chaque personne qui est en processus de téchouva. Le livre explique comment « nous » (nos dimensions internes), avons été créés dans notre enfance, et combien il est important d’impliquer ces parties de nos vies dans notre vie actuelle en tant que juifs pratiquants, et de ne pas faire comme si elles n’avaient jamais existé.

Je cite : « …emprunter la voie de la vérité, qui nous mènera au bonheur et à la satisfaction de servir D.ieu au quotidien, n’est possible que si l’on ne nie pas son identité passée, en tuant son « moi » précèdent, non-pratiquant, mais en intégrant la Torah et les mitsvotes dans sa personnalité de façon équilibrée et appropriée. »

Il va sans dire que l’auteur ne parle pas de périodes de notre vie où l’on ne mangeait pas cacher ou bien où l’on n’observait pas le Chabat, pas du tout. Mais simplement, arrêter de faire genre d’être de grands Rabbins illuminés qui se réjouissent en achetant une paire de chaussures tous les 20 ans.
La vérité, c’est que ce livre a fait revivre mon âme, car tout au long de mon parcours, je me suis toujours sentie coupable –pendant des années- d’être aussi matérialiste, du fait que j’aime que ma maison soit belle et que pour moi, préparer un bon kouglof n’est pas le summum de la satisfaction. 
Je m’étais coupée de mon « moi » d’avant, de celle qui aimait faire de nouvelles choses et découvrir leur fonctionnement, et ça m’a presque tuée. J’avais perdu d’énormes morceaux de ma joie de vivre. J’avais perdu l’étincelle, l’envie de manger, de me bouger. Oui, même l’envie de vivre. J’étais devenue une personne spirituelle qui manquait de vitalité, qui faisait beaucoup de mitsvotes mais qui n’en finissait pas de prier et de demander des jours plus heureux.

Mais aujourd’hui, tout revient.

Avant même d’avoir lu ce livre, D.ieu m’a secouée, essentiellement lors de notre dernier déménagement à Jérusalem, qui a soulevé toutes sortes de questions : « Qui suis-je vraiment et où est ma vraie place ? »

Aujourd’hui, je peux clairement identifier deux choses : la première, c’est que je veux m’élever spirituellement et servir D.ieu. La deuxième, c’est que je veux Le réjouir. Oui, je veux Le servir en étant celle que je suis, et dans la joie. Pour le moment, j’ignore complètement comment, mais ça sera, pour sûr, ma prochaine découverte.

Souhaitez-moi bonne chance !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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