L’hospitalité juive

Lorsque je pense à notre long et étrange parcours, je crois que je devrais marquer son origine aux commentaires surprenants que j'ai entendus derrière moi, ce vendredi soir-là...

4 Temps de lecture

Eric Simon

Posté sur 06.04.21

J'avais l'impression d'être un sociologue dans un documentaire. Entouré d'au moins une centaine de costumes sombres et d'une grande majorité d'hommes barbus en chapeaux noirs, avec les habituelles franges pendant sur les côtés, moi – un juif réformé bourgeois de banlieue – je me tenais au beau milieu de cette foule, un vendredi soir, dans cette synagogue particulière.  
  
J'étais en dehors de mon élément. Pourtant, ce n'était pas pour une raison professionnelle, mais tout simplement pour le goût de l'aventure – et parce que je voulais en savoir plus sur une partie de la religion juive si éloignée de moi.
 
Après un échange de lettres, je m'étais lié d'amitié avec un rabbin et après l'avoir rencontré une fois lors d'une conférence (et avoir été surpris par sa tenue vestimentaire "orthodoxe" bien distincte), j'acceptai son invitation d'aller le rejoindre pour un Chabath – avec ma famille de Virginie – chez lui, à Baltimore.
 
Nous étions arrivés quelque peu curieux, un peu excités et pétrifiés. Nous savions que le monde orthodoxe avait un nombre innombrable de règles liées au Chabath et nous avions entendu qu'il y avait des interdits pour des choses aussi ordinaires qu'allumer la lumière ou déchirer du papier toilette. Nous nous demandions comment nous allions nous débrouiller avec tout cela.
 
Mais nous savions aussi qu'un Chabath dans un environnement orthodoxe nous rapprocherait encore plus que tout ce que nous avions connu, d'un jour typiquement juif de repos tel que mes ancêtres – et les ancêtres de tous les juifs – l'ont observé.   
 
Notre hôte n'était pas un rabbin de pupitre; nous avons assisté aux services de la synagogue à quelques pas de sa maison. Lorsque le service était sur le point de commencer, il expliqua ce à quoi je devais m'attendre: récitations des chants spirituels, la lecture du Chéma' et la récitation silencieuse de la prière de la 'Amida. Tandis que le service religieux se déroulait normalement, je pouvais presque voir le documentaire qui apparaissait devant mes yeux. J'essayais de diriger mes yeux sur mon sidour (livre de prières), mais je ne pouvais pas m'empêcher d'observer la scène.
 
J'étais pratiquement le seul présent à ne pas porter un chapeau noir (en plus d'une poignée d'autres visiteurs). Pendant un petit moment, cela m'a été difficile de deviner à quelle page du sidour les gens se trouvaient; par la suite je réalisai que presque tout le monde était à une page différente. Je décidais alors de me concentrer sur la page ouverte devant moi.    
    
La prière chantée "Lékha Dodi " (“Allons, mon bien-aimé”) – la partie poétique "accueillant le Chabath" – était merveilleuse. La foule fut emportée dans une harmonie spontanée et fascinante et un sentiment de chaleur commença à s'abattre sur moi; le documentaire m'offrit mon expérience du moment comme participant. 
 
Tout d'un coup, le service prit fin. Dans ma synagogue, les services du vendredi soir étaient relativement plus longs et cela ne m'aurait pas dérangé si le service avait duré plus longtemps… beaucoup plus longtemps. Le rabbin se leva alors et annonça: "Personne ne devrait être seul pour le repas de Chabath. Aussi si vous avez besoin d'un endroit où manger, s'il vous plait faites-le savoir à Mr. Schwartzbaum".
 
À ce moment-là, un homme derrière moi se tourna vers son ami et dit, "Oh! C'est super! Juste quand j'en ai besoin!"
 
Je complétais sa phrase dans mon esprit et je fus surpris par le manque de scrupule qu'un individu pouvait avoir. Je n'en croyais pas mes oreilles: la personne assise derrière moi admettrait sa misère financière à son ami.   
 
Tandis que je lançais un coup d'oeil au speaker – qui était habillé de manière traditionnelle, chapeau noir et tout le reste – j'entendis une autre personne dire à son ami: "Chaque fois que je veux un invité, je n'ai qu'à venir ici!” Et son ami de lui répondre: "Je te comprends, mais tu dois les attraper rapidement car ils s'en vont vite!"
 
Je fus stupéfié. Je savais que l'hospitalité envers les étrangers était un idéal juif. Mais de voir que cela était pris sérieusement – et avidement adopté –  était une révélation pour moi. Comme j'étais émerveillé de ce que j'avais entendu, mon hôte se tourna vers les hommes qui se tenaient derrière moi et me présenta, expliquant que j'étais en visite avec ma famille de Virginie. Une de ces personnes me dit: "Vous savez, je n'ai pas d'invité ce Chabath. Est-ce qu'une partie de votre famille aimerait venir chez moi pour le souper?"
 
Mon hôte s'avança pour garder ma famille entière; cela n'était pas du goût de l'autre personne qui me dit: "S'il vous plait, la prochaine fois que vous venez à Baltimore, vous devriez venir pour un repas."
 
Depuis deux ans et demi, ma famille et moi avons grandit considérablement dans notre identité juive et notre observance. Je n'ai pas de projet d'acheter un chapeau noir et je ne crois pas que l'on puisse nous qualifier de "ba'alé téchouva" (“personnes nouvellement religieuses”). Cependant nous sommes arrivés à entretenir un profond respect pour la tradition juive et d'accepter que la Tora et ses lois sont de merveilleux cadeaux pour le peuple juif.
   
Quand je pense à notre long et étrange parcours, je crois que je devrais marquer son origine aux commentaires surprenants que j'ai entendus derrière moi ce vendredi soir-là à la synagogue de Baltimore.

Ecrivez-nous ce que vous pensez!

Merci pour votre réponse!

Le commentaire sera publié après approbation

Ajouter un commentaire