Une enfance finlandaise

Au sein de ma famille, nous avions beaucoup d'estime pour Israël et pour les juifs. De fait, je ne me souviens pas avoir entendu un seul commentaire négatif à propos du Peuple du Livre.

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Shlomo Brunell

Posté sur 06.04.21

La maison de mon enfance était plutôt religieuse. L'ambiance qui régnait chez nous était chaleureuse et l'émouna (la foi) en D-ieu semblait être une chose acquise. Mes parents se rendaient à l'Église chaque dimanche. Je me souviens également avoir souvent vu mon père aux petites heures du matin assis sur la chaise à bascule qui se trouvait dans la cuisine. Assis à côté de la cuisinière – dans laquelle le feu brûlait – il lisait la Bible.

Nous vivions dans un petit village, pas très éloigné de la ville de Karleby (ou Kokkola) en Finlande. J'étais le plus jeune enfant d'une famille de quatre ; j'avais deux frères et une sœur. Mes grands-parents étaient décédés avant ma naissance. À la maison, nous parlions suédois qui est la langue de la minorité des finlandais qui habitent sur la côté ouest de la Finlande. C'est dans cette région que nous habitions, au sud de la capitale Helsinki.
 
La capitale se trouvait à une distance plutôt grande de notre village et nous nous y rendions assez rarement. De fait, je fis mon premier voyage à Helsinki lors d'une sortie d'école, lorsque j'étais âgé de onze ans. Le plus souvent, le voyage pour aller à la capitale – 500 kilomètres – se faisait en train car Karleby se situe sur la ligne ferroviaire qui relie la ville de Rovaniemi au nord, et Helsinki dans le sud.
 
Des six millions de finlandais, environ cinq pourcent possèdent le suédois comme langue maternelle. Le finlandais et le suédois sont les langues officielles de la Finlande et la langue minoritaire – le suédois – possède certains droits spécifiques qui sont garantis par la loi.
 
Notre maison avait été construite en 1949, peu d'années avant ma naissance. Il s'agissait d'une modeste maison à deux étages faite de bois. Son extérieur était recouvert d'une peinture rouge, comme la majorité des maisons du pays. L'encadrement des fenêtres était peint en blanc. Notre jardin était rempli de splendides bouleaux dont le vert nous éclairait pendant l'été. Lorsque je pense à ma maison d'enfance, je l'imagine toujours pendant l'été.
 
C'est dans notre superbe jardin que j'ai appris à faire du vélo et récoltant en même temps quelques égratignures et autres bobos sur mes genoux. Je me souviens des nombreuses heures où je jouais au football en passant entre les arbres. J'utilisais deux arbres comme de poteaux de cage à filet et j'essayais de marquer le plus grand nombre de buts. J'étais souvent le seul joueur de mon équipe : mes frères étaient trop âgés pour prendre plaisir à ce type de football. Quelques fois, mes cousins ou mes copains de classe me rendaient visite.
 
Pour me souvenir de la saison d'hiver, je dois fouiller au fond de ma mémoire et cela n'est pas toujours facile. En Finlande, l'hiver est froid et givré. Les bouleaux sont dénudés. Les seules couleurs – à l'exception du blanc de la neige – étaient la peinture rouge de notre maison et le vert des pins et des épicéas. La fumée s'élevait lentement de la cheminée et semblait se diriger tout droit vers le ciel. Je me souviens de cela comme d'un signe du froid typique des hivers finlandais. Mes souvenirs d'hiver sont aussi plaisants. Cependant, je reconnais que l'hiver n'était pas ma saison préférée de l'année.
 
La région de la Finlande où nous vivions est plate comme un lac gelé. Notre paysage n'autorisait seulement que des ballades à ski de fond… aucune descente excitante pour se régaler ! Mes cousins et moi-même avions construits derrière ma maison un tremplin à ski d'une hauteur de huit mètres. Même si la hauteur n'était pas extrêmement grande, je n'étais âgé que douze ans à cette époque. Je me souviens très bien de la peur qui me saisissait lorsque mon tour venait de sauter.
 
Cela me ressemblait : j'étais capable de passer un temps fou à faire quelque chose – dans ce cas, à construire un tremplin – pour ensuite, ne pas pouvoir m'en servir ! Cependant, je réussissais à rassembler mon courage et je finissais toujours par sauter. Cela était le début d'une journée qui se terminerait tard le soir… à cause des gelures que je sentais sur mes joues, mes orteils et mon nez. Du tremplin, je me précipitais près du feu pour me réchauffer.
 
Le dimanche, je me rendais souvent à l'église avec mes parents. Le bâtiment se situait à plus de trois kilomètres de notre maison, dans le centre de Karleby. L'église était majestueuse : une vieille bâtisse construite en pierres ; elle était recouverte de plâtre blanc et on disait qu'elle avait été construite à l'époque du Moyen-âge.
 
Les murs me semblaient impressionnants et leur épaisseur atteindre deux mètres ! Même si la tour de l'église n'était pas particulièrement haute, elle était superbe avec ses trois splendides cloches à l'intérieur. Évidement, une grande croix était également présente : elle dominait avec beaucoup de fierté le sommet de la tour. L'église pouvait contenir 800 fidèles et pendant les fêtes de Noël et de Pâques, elle était toujours remplie.
 
Dans ma jeunesse, je me souviens que le dimanche matin, entre 100 et 200 personnes se rendaient régulièrement à l'église. À Karleby – comme dans toutes les autres régions rurales – plus de quatre-vingt pourcent de la population appartenait à l'Église luthérienne de l'État. Au niveau national, le niveau est légèrement inférieur.
 
La paroisse dont notre région géographique dépendait touchait environ 7 000 habitants. Pour servir cette communauté, il y avait deux prêtres qui étaient employés à temps plein, en addition d'un organiste. Il y avait également des travailleurs sociaux pour s'occuper des jeunes de la région et des douzaines de bénévoles qui assuraient les cours de catéchisme.
 
Au sein de ma famille – ainsi que dans notre communauté et dans notre église – nous avions beaucoup d'estime pour Israël et pour les juifs. De fait, je ne me souviens pas avoir entendu un seul commentaire négatif à propos du Peuple du Livre. Je n'ai aucun doute que le respect que j'avais déjà à cette époque pour les juifs me vient de ce que j'ai appris chez moi et en regardant vivre mes parents.
 
Mon père et ma mère croyaient au D-ieu d'Israël et ils transmirent cette foi à tous leurs enfants, y compris moi-même. Dans le domaine religieux, les années de ma jeunesse étaient dépourvues de conflit. Le “Vieux Testament” représentait la base solide et incontournable – avec Avraham, Moché et les Dix Commandements – du “deuxième étage” spirituel : le “Nouveau Testament.”
 
Durant mon adolescence, je n'ai jamais posé des questions sur notre façon de percevoir l'“Ancien Testament” et le “Nouveau”. C'est bien plus tard que les premières questions apparurent. Cependant, à l'époque où j'enfourchais le vélo de mon frère aîné pour me rendre au catéchisme, les questions étaient encore très loin de moi. Mon frère aîné – Borje – était l'enseignant du catéchisme. J'étais fier de lui car il possédait une voix agréable à entendre lorsqu'il chantait ; de plus, les histoires qu'il racontait à propos de la Bible étaient des moments remplis de vie.
 
Durant les années où un adolescent commence à réfléchir sérieusement à son avenir, Borje me fit participer avec lui à la fanfare de notre paroisse. Je faisais également partie du chœur. Au sein de la fanfare, je jouais du cor, tandis que dans le chœur, je jouais de la basse. Toutes ces activités dans mon église prenaient beaucoup de mon temps.
 
Quelques années plus tard, je ressentis une impression d'handicap dans mes relations sociales : j'avais l'habitude de fréquenter seulement des jeunes d'autres paroisses ! Tous mes amis appartenaient à une église du même mouvement que le mien et en dehors de ce groupe restreint de personnes, je ne voyais pratiquement personne.
 
Mon implication active au sein des activités de l'église joua un rôle important dans mon choix d'université et les matières que j'allais étudier. Au lycée, mon professeur de Latin – madame Gadda – avait toujours pensé que j'irai à l'université pour y étudier la théologie. D'un côté, son assurance m'irritait : je m'étais juré plusieurs fois que j'étudierai n'importe quoi… sauf la théologie ! D'un autre côté, chaque fois que j'essayais de penser sérieusement à des alternatives concrètes, je ne me voyais pas occuper un métier qui n'aurait pas été lié au domaine religieux.
 
Certains de mes amis rêvaient de devenir un ingénieur ou un dentiste. Personnellement, je me serais bien vu dans le rôle d'un pilote d'avion. De fait, les avions m'avaient toujours fasciné. À quelques kilomètres de notre maison, se trouvait un aérodrome. Je me souviens regarder les vieux avions DC-3 atterrir ou décoller.
 

 
Je me souviens regarder les vieux avions DC-3 atterrir ou décoller.
 
Du matin au soir, ils continuaient leur manège en emportant des centaines de personnes vers les grandes villes comme Helsinki. De nombreuses années plus tard – lorsque les DC-3 furent remplacés par les DC-9 – j'avais conservé l'habitude de courir aux fenêtres ou dans le jardin pour aller voir ces avions et entendre leur bruit qui m'était familier.
 
Sans doute, ce genre de souhait était trop détaché de la réalité pour la famille à laquelle j'appartenais. Mes parents avaient bien les pieds sur terre et je ne pense pas qu'avoir un fils pilote fit un jour partie de leurs rêves. Nous vivions dans une petite ferme avec des champs à perte de vue devant notre porte d'entrée. À l'arrière de la maison, se trouvait une splendide forêt. Dans la grange, se trouvait des vaches, des veaux et un cheval. Traire les vaches était plus proche de la réalité dans laquelle je vivais que de m'imaginer voler dans le ciel.
 
Pourtant,je dois reconnaître que mes parents – et particulièrement mon père – m'on encouragé à étudier. Selon lui, mon horizon serait grandement ouvert si je poursuivais des études universitaires. L'attitude positive de mon père dans la vie – et sa conviction que chaque personne possède la possibilité de choisir son futur si elle est prêtre à travailler dur – fut un cadeau immense qui m'a servit durant toute ma vie. Lui-même regrettait le fait qu'il n'ait pas continué ses études ; plutôt que de devenir fermier, c'est à l'université que mon père aurait aimé décider de son avenir.
 
(“Strangers No More, par Shlomo Brunell. Traduit et reproduit avec l'autorisation des éditions Gefen House 2005 www.gefenpublishing.com).

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