Souvenirs

Quand le passé resurgit et fait remonter les souvenirs…

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Sharon Rotter

Posté sur 05.04.21

J’ai reçu une invitation pour le congrès célébrant les trente ans de la chorale Bat-Kol, dont j’ai fait partie durant toute mon enfance et ma jeunesse.

Mon premier instinct fut de la jeter à la poubelle, tel un prospectus ou un rapport inutile de la banque. Mais quelque chose de mystérieux me retint de le faire. Je me retrouvai ainsi, accrochant l’invitation sur la porte du frigo, aux côtés de toute la paperasse qui s’y trouvait déjà –formulaires scolaires et autres listes de courses.

Je ne pensais vraiment pas y aller. Je n’aime pas ces congrès, j’ai même loupé celui du lycée. Quelque chose me dérange dans le fait de ressortir les vieux souvenirs. Il se peut que j’ai un peu peur de ce qui remonte, peur que ça fasse mal ou que ça me rappelle des choses que j’ai déjà oubliées et dont je ne veux plus me rappeler.

J’ai aussi un peu honte du changement radical que j’ai traversé et qui se remarque tout de suite. Je ne sais même pas pourquoi j’ai honte, mais je comprends que chaque personne est sujette, à un moment ou un autre, à un changement fondamental dans sa vie, et porte en elle ce petit manque de confiance face à la réaction d’autrui quant à ce changement.

J’ai quitté la chorale à l’âge de dix-sept ans, sans me retourner. Sept ans de chant intensif, dans un esprit de concurrence, avec des voyages à l’étranger, des ateliers d’opéra et de chant sur plusieurs jours d’affilée ; j’ai arrêté d’un seul coup et j’ai continué le voyage de ma vie, sans m’arrêter une seconde.

Je laissai une période très significative de ma vie -qui est en fait ma base musicale et qui m’a façonnée, moi et ma personnalité- derrière moi, sans sourciller. Ça sonne un peu dramatique, mais je dois reconnaitre que c’est ma façon de faire, dans tous les processus de ma vie. Je vais de l’avant et je n’ai pas l’habitude de m’attarder sur les vagues du passé.

Quoi qu’il en soit, l’invitation me faisait signe de temps en temps, comme si elle demandait : « Peut-être que tu pourrais quand même me faire honneur et venir au congrès ? » Mais je préférai ne pas lui répondre, et surtout, ne pas m’engager.

Le jour tant attendu arriva et je reçus un appel de la mère d’une bonne amie qui chantait avec moi dans la chorale. « Je pense que c’est important que tu viennes et je suis prête à venir te chercher », me proposa-t-elle gentiment. Quand je répondis que je ne serais pas prête à temps, elle répondit qu’elle était même prête à arriver en retard, juste pour que je vienne au congrès.

Eh bien, me dis-je, si le Saint, béni soit-Il, m’envoie un chauffeur privé à ma convenance, il n’y a pas de raison que je n’y aille pas, et peut-être même que je passerai une bonne soirée. D’ailleurs, je ne rate pas une occasion de sortir de la maison à l’heure de coucher les enfants et de tout laisser aux bons soins de mon mari. C’est vrai que je compatis un peu, mais la sensation de liberté qui m’envahit au moment où je ferme la porte, alors que j’entends encore l’écho des cris et du boucan, balaye tout d’un seul coup.

 

En arrivant au conservatoire de Tel Aviv, au début, j’étais embarrassée et j’ai presque regretté d’être venue, jusqu'à que je vois la directrice de la chorale, cette femme qui avait été comme une mère pour nous, et même plus que cela, pendant cette période significative de ma vie.

Je ne suis pas quelqu’un de particulièrement sensible, mais lorsque je lui ai dit bonjour et que je l’ai prise dans mes bras, j’ai eu les larmes aux yeux. Cela m’a surprise, je l’avoue. Je ne m’attendais pas du tout à cela. Mais au moment de cette rencontre et durant les deux heures de concert qui avait été préparé spécialement pour cette soirée, je ne pus m’arrêter de pleurer. Je ne comprenais pas d’où me venait toute cette sensibilité, mais je sanglotais comme une petite fille et je ne pouvais pas m’arrêter.

L’apothéose fut lorsqu’on nous appela sur scène pour chanter « le chant de la colombe », je me postai alors immédiatement aux côtés des altos, les voix les plus graves, me souvenant de ma partie sans problème.

A la fin de la soirée, j’allai voir la directrice, je la pris dans mes bras et je lui dis que je ne l’avais jamais remerciée pour avoir changé ma vie. Comme moi, beaucoup d’autres filles qui avaient ressenti la même chose que moi vinrent lui parler. Qu’on ait poursuivi dans la musique ou non, les outils et les connaissances acquis durant ces années nous accompagnent toutes dans divers domaines de nos vies d’adultes.

Traduit de l'hébreu par Carine Illouz

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