La bataille des volontés

Une idée, un sentiment nous effleurent l'esprit : nous les retenons ? Nous leur donnons la possibilité de se développer, de s'emparer de nous ?

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le rabbin Avraham Greenbaum

Posté sur 06.04.21

Si nous ne visions qu'un seul but, la réalisation serait aisée et nous n'aurions pas constamment à livrer des combats internes ; ce n'est cependant pas le cas.

On voudrait être en bonne santé mais on aime manger tout ce qui est contre-indiqué. On voudrait bien étudier, mais on se sent fatigué et on préfère se reposer, lire le journal ou un roman. On voudrait économiser de l'argent, pour un achat important, mais on ne peut résister à une bonne affaire par-ci ou un petit luxe par-là. On voudrait être bon et charitable, mais on se révèle coléreux et égoïste, etc…

Le défi qui nous incombe dans ce monde émane de notre manque de détermination. Plus nous développons le côté spirituel de notre néfech, plus la néchama nous gratifie, nous permettant de nous élever toujours plus haut vers la Divinité. Mais à chaque pas, nous sommes tentés par des distractions matérielles. Les choses que nous désirons entrent parfois en conflit mutuel, et nous nous trouvons poussés dans des directions différentes.
 
Bien que nous sentions que tous ces besoins et désirs contradictoires proviennent de nous-mêmes – ils semblent tous à un même degré être « les nôtres » – il est important de comprendre qu'ils proviennent de deux pôles diamétralement opposés de notre nefech. La plupart des gens se considèrent normalement comme une seule entité, mais le « je » – le nefech – est de par sa nature ambivalent. Le nefech constitue l'interface entre les deux plans opposés de notre être.
 
Grâce au nefech, l'âme supérieure s'emploie à rechercher des perspectives spirituelles dans le monde qui l'entoure, par la pratique des mitswoth. La néchama cherche à se servir des différentes facultés intellectuelles, affectives et physiques du nefech pour accomplir cette mission. D'autre part, les tentations matérielles du monde environnant éveillent l'ego inférieur qui s'efforce de réquisitionner ces mêmes facultés pour la poursuite et la satisfaction de ses désirs.
 
Il existe ainsi deux sources distinctes de volonté dans le même nefech : l'une qui aspire à des buts spirituels dérivant de la néchamah, l'autre recherchant des plaisirs et satisfactions matériels enracinés dans le corps. La Tora se réfère parfois à chacun de ces pôles comme l'Âme divine et l'âme animale, ou respectivement yetser hatov et yetser hara', le bon et le mauvais penchant. Dans notre histoire, ils sont symbolisés par le Prince Royal et l'ego bouffi qui s'est emparé de Monsieur Dindon.
 
Le terme yetser provient de la racine « yatsar », former, façonner, construire. La formation dont il s'agit est celle de l'ego réalisé – la personne que l'on devient de par les actions qu'on choisit. La formation commence par la conception, la pensée et la motivation. Le yetser est la source des pensées, des sentiments et des impulsions, orientés dans une direction déterminée.
 
Le penchant pour le bien est la source de ces facultés dirigées vers le Bien au sens absolu du terme, qui est authentiquement Divin et en accord avec notre but ultime. Le penchant pour le mal est la source de toutes nos inclinations susceptibles de nous éloigner de ce but ultime, que ce soient les désirs physiques les plus grossiers ou les délices sociaux et culturels les plus sophistiqués.
 
Bien qu'à l'origine ces deux penchants soient opposés, aussi longtemps que l'âme est attachée au corps, les deux pôles du nefech sont intimement liés. En nous, ils se présentent tous deux comme le même ego.
 
Nous pouvons percevoir le flot de conscience comme une unité homogène et continue, mais en fait toutes nos pensées, tous nos sentiments, tous nos penchants et toutes nos réactions, au cours de notre vie, dérivent de l'un ou l'autre de ces côtés distincts de l'âme. Ils constituent la source de notre ego, de la multitude conflictuelle de pensées, de sentiments d'impulsions et d'aspirations – qui sont tous « nôtres ».
 
L'Âme divine et l'âme animale parlent à l'intérieur de notre être, par notre propre voix intérieure, dialoguent, argumentent, combattent…: « Je pense ceci… », « mais, moi je ressens cela ». « Je devrais faire ceci… », « mais, moi je veux faire cela », etc…
 
Les deux penchants constituent respectivement notre ego supérieur et notre ego inférieur. Nous nous assimilons à l'un ou à l'autre selon la façon dont nous réagissons à leurs différents appels. Une idée, un sentiment ou une pulsion nous effleurent l'esprit : nous les retenons ? Nous leur donnons la possibilité de se développer, de s'emparer de nous jusqu'à régler nos actes ? Ou bien nous les ignorons, nous les écartons ou même les rejetons avec force ?
 
Chacune des décisions que nous prenons influence l'équilibre entre les deux penchants ainsi que le processus de la lutte qu'ils se livreront pour l'avenir. Et la personne que nous devenons est une combinaison de tous les choix que nous faisons au cours de notre existence.
 
L'habit de l'âme
 
Les vêtements du Prince sont éparpillés tout autour de lui, mais il n'y porte aucun intérêt. Autant qu'il sache, il est un Dindon et qu'a-t-il à faire de vêtements ? Afin de comprendre le symbolisme des habits du Prince, voyons une autre parabole racontée cette fois par Rabbi Nathan deBreslev, le disciple le plus illustre de Rabbi Na'hman de Breslev.
 
Un roi informe un jour ses sujets bien-aimés qu'il souhaite leur offrir à telle date les dons les plus précieux qu'ils puissent imaginer. Puisqu'ils ne pourront évidemment pas assister au banquet et recevoir leurs cadeaux si leur tenue n'est pas parfaite, il les prévient à l'avance, pour leur laisser le temps de se préparer. Ils doivent arborer de somptueux habits, se parfumer de riches essences et se parer de leurs plus belles décorations. Ainsi, ils seront dignes d'entrer dans le palais royal, de se joindre aux ministres et aux serviteurs du roi et de recevoir leurs cadeaux.
 
Dans sa grande compassion, le roi leur procure tout ce dont ils auront besoin pour apprêter leurs habits, leurs décorations et leurs parfums. Il délègue des messagers chargés de leur enseigner l'usage de chaque objet… leur demandant de s'assurer que la période accordée aux préparatifs est utilisé pour le mieux. Le roi les avertit surtout d'éviter tout ce qui pourrait nuire à leur netteté.
 
S'il leur arrivait de glisser par inadvertance, il leur indique le moyen de se nettoyer. Il leur fournit des fontaines spéciales, qui ont le pouvoir de nettoyer et purifier même ceux qui se sont souillés gravement. Quand ils seront prêts, ils pourront venir recevoir les présents que le roi leur a préparés (LiqoutéHalakhoth, 'Hochen Michpath, Hilkhoth Matanoth, 4).
 
Le héros de notre parabole est assis sous la table, complètement dénudé, se délectant d'os et de miettes. Il a fait exactement le contraire de ce qu'a exigé le Roi de la parabole de Rabbi Nathan (qui est naturellement le Roi du Conte du Prince-Dindon). Loin de veiller soigneusement à ses habits royaux, il s'en est complètement dépouillé.
 
Le banquet royal de la parabole de Rabbi Nathan, au cours duquel les sujets bien-aimés du Roi sont appelés à recevoir les cadeaux merveilleux, représente le monde à venir. C'est là que les âmes accèdent au but ultime : être prêt de D-ieu. L'invitation royale représente la Torah, qui enseigne la signification réelle de la vie dans ce monde-i, et nous montre comment réaliser notre destinée. Il est évident qu'on ne peut se présenter au banquet dans n'importe quelle tenue : il faut s'y préparer bien à l'avance.
 
Les émissaires du roi représentent les saints et les sages qui ont enseigné la Tora tout au long des générations. Ils expliquent à l'homme comment il doit se conduire pendant son séjour sur cette terre, comment il doit préparer ses « habits », accomplir les mitswoth de la Tora, les vêtements que l'âme revêtira dans le monde à venir.
 
Avant d'examiner dans quel sens les mitswoth sont des « habits », considérons d'abord nos habits physiques. L'homme est la seule créature sur terre à porter des vêtements. L'une de leurs fonctions est de toute évidence de fournir à l'homme une protection contre toute atteinte de l'environnement physique : changements de température, blessures dues à un objet, malpropreté et autres problèmes de santé, etc.
 
Dans un certain sens, nos habits physiques nous offrent également une certaine protection contre le corps. Le port d'habits est l'un des signes les plus importants de notre dignité d'êtres humains. Nous sommes plus, beaucoup plus que de simples êtres physiques : nous avons le pouvoir de contrôler et de canaliser nos instincts matériels. En nous couvrant le corps, ce que ne fait pas l'animal, nous affirmons la primauté de l'âme.
 
En fait, les premières parties du corps que nous couvrons sont le lieu de nos désirs physiques les plus vifs. Au premier niveau, le déshabillage du Prince constitue un symbole : celui de l'obsession animale du plaisir sensuel dans la culture contemporaine.
 
À suivre…
 
(Extrait du livre “Sous la table” par Avraham Greenbaum, publié aux Éditions de l'Institut Breslev)

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