Le tigre de Kovno

Il y a des histoires de héros et des histoires de « Kiddouch Hachem », mais l'histoire vraie du major-général Sidney Shachnow, de mémoire bénie, combine les deux et les surpasse

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le rabbin Lazer Brody

Posté sur 15.03.21

Il y a des histoires de héros et il y a des histoires de « Kiddouch Hachem » (sanctification d’Hachem). L'histoire vraie, phénoménale et sans précédent, du major général Sidney Shachnow, de mémoire bénie, combine les deux et les surpasse toutes. C'est l'histoire de l'opprimé le plus défavorisé qui s'élève jusqu'aux plus hauts sommets ; c'est une histoire de survie, de ténacité et du potentiel d'une âme juive.

Imaginez être un garçon de cinq ans en Lituanie, alors que la Seconde Guerre mondiale vient d’éclater et que les nazis ont envahi votre pays. Imaginez qu’à six ans, vous et votre famille soyez pris de force dans un camp de travaux forcés et, plus tard, dans le camp de concentration de Kovno.

Le film d'horreur ne fait que commencer. Quand Sidney a neuf ans en mars 1944, les nazis décident de liquider tous les enfants de Kovno en les expédiant à Auschwitz pour y être gazés. Sidney s’échappe tout juste et se cache dans les bois, mourant presque de faim à plusieurs reprises. Bien qu'il trouve finalement refuge auprès d'une famille catholique, il doit vendre des marchandises au marché noir pour survivre. La vie est non seulement difficile, mais aussi très périlleuse.

Le major-général Sidney Shachnow, de mémoire bénie – crédit photo : Armée Américaine
« J’ai développé l’instinct de survie », écrit-il dans Hope and Honour (Espoir et Honneur) : un livre sur le courage et la survie d’un soldat, livre qu’il a co-écrit avec Jann Robbins. Moins de 5% des Juifs de Kovno ont survécu avec lui.

Miraculeusement, après la guerre, Sidney retrouve sa mère, qui avait passé l’Holocauste au camp de concentration de Kovno, et son père, qui avait combattu les nazis dans les forêts lituaniennes. Ils se rendent à Nuremberg, en Allemagne, et y obtiennent un visa pour émigrer aux États-Unis, où ils s’installent à Salem, dans le Massachusetts, en 1950, alors que Sidney a 16 ans.

C’est à l'âge de 16 ans que Sidney Shachnow s'assied pour la première fois dans une salle de classe, à Salem. À peine capable de parler anglais, Sidney rejoint l’armée américaine quelques années plus tard. Peu de temps après, il épouse sa petite amie de lycée, Arlène, également de Salem.

« Sidney est arrivé aux États-Unis sans rien pour se distinguer », m'a raconté Arlène, sa veuve. « Quand je l'ai épousé, il était soldat de première classe, un simple soldat de l'armée. Mais il savait à quel point l'éducation était importante et il était déterminé à faire quelque chose de lui-même. Sa force de caractère était indescriptible. »

Son manque d'éducation et ses compétences linguistiques de base n'ont pas dissuadé son œil de tigre, il s'est concentré sur le succès. Sidney a gravi les rangs pour devenir sergent de première classe, puis a postulé auprès de l'OCS (école d’officiers), d'où il a obtenu son diplôme en 1960 à l'âge de 26 ans. Le Tigre de Kovno a alors été accepté au sein de la meilleure unité de Forces Spéciales des Etats-Unis, les Bérets Verts, qui a gagné son renom et sa gloire pendant la guerre du Vietnam.

Après être monté en grade de second lieutenant à lieutenant-chef, il passe Capitaine et commande le camp du 5e Groupe des forces spéciales à Long An, au Vietnam, dans le delta du Mékong, où les combats sont particulièrement acharnés. Là-bas, il remporte la première de ses Etoiles d’Argent pour son courage ainsi qu'un Purple Heart (médaille militaire américaine). Lorsqu'il reçoit une balle dans la jambe, le capitaine Sid se fait lui-même un garrot et continue à diriger ses hommes. Il est également blessé d’une balle dans le bras au cours de la même bataille.

Alors qu'il se remet de ses blessures aux États-Unis, le Tigre de Kovno – qui n'avait pas achevé ses études primaires ni son secondaire – obtient son baccalauréat de l'Université du Nebraska et retourne au Vietnam pour la deuxième fois, il y reçoit une autre étoile d'argent et trois étoiles de bronze. La liste de toutes ses décorations nécessiterait un article en soi.

Poursuivant sa montée en grades, le Tigre de Kovno commanda plus tard le Détachement-A, hautement secret, connu dans le jargon des forces spéciales sous le nom de « Det-A », la Brigade de Berlin. Il s’agissait d’une unité clandestine de bérets verts, en alerte 24 heures sur 24 lors de la guerre froide. Cette unité secrète était composée de membres des forces spéciales formés de manière sélective et qualifiés sur le plan linguistique, qui apportaient à leur mission des compétences culturelles, géographiques et linguistiques essentielles. Leurs missions étaient top-secrètes et ils portaient des vêtements civils, ainsi que des papiers et des pièces d'identité non américaines, à des risques énormes, en particulier s'ils étaient arrêtés par les forces de sécurité soviétiques ou est-allemandes. Ce tigre ne s’est jamais dérobé.

Cela nous amène à un événement marquant dans la vie de Sidney et dans l'histoire du combattant juif. À la fin de la guerre froide, il est devenu commandant des forces américaines à Berlin, capitale de l'hitlérisme, du fascisme et de la tyrannie nazie. Il vivait même dans une villa qui appartenait autrefois au ministre des Finances d’Hitler.

Le major-général Sidney Shachnow a dirigé le centre et l’école spéciales de guerre des États-Unis de 1991 jusqu’à sa retraite, en 1994. Il ne symbolise pas seulement le rêve américain, un survivant de l’holocauste sans le sous devenu icône des Forces spéciales, décoré et général à deux étoiles ; il était aussi un guerrier dans la tradition des guerriers les plus courageux de notre peuple, tels que Gédéon, Yiftah’ le Giladi et Yehouda le Maccabée.

Le major général Sidney Shachnow de mémoire bénie – une légende moderne, l’honneur de son peuple et de son pays d'adoption, survivant de l'Holocauste, ancien combattant de la guerre du Vietnam et l'un des principaux officiers de l'armée américaine à Berlin pendant la guerre froide – est décédé le vendredi 28 janvier 2018 à l'âge de 83 ans, il laisse dans le deuil son épouse Arlène et une famille aimante et proche qui comprend quatre filles, quatorze petits-enfants et six arrière-petits-enfants. Son yartzeit est facile à retenir, car c'est le 19 Tichri, le lendemain de celui de Rabbi Nah’man.

Nous vous saluons, Sidney, et nous ne vous oublierons jamais.
Nous, les Juifs, avons une excellente mémoire, nous n'oublions pas, en particulier des héros comme le Tigre de Kovno.

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