En vol

« C’est votre pilote qui vous parle. Il y a quelques rafales de neige ce soir, nous serons à Boston dans l'heure. » Elle soupira, elle devait reprendre un vol pour Baltimore…

C’est quelque chose de tellement fou qui est arrivé, et je me demande toujours comment…

Ce jour amer de Février, j'étais sous une énorme pression. Mon père était décédé deux jours plus tôt et j'étais en route pour Baltimore avec une fille de sept mois et une terrible grippe. Je me souviens à peine de mon vol depuis Israël, tant j’étais en état de choc et devant faire face avec un bébé très grincheux.

Assise à l'aéroport de New York à deux heures du matin, en attendant ma correspondance, j’ai failli craquer. Je me sentais tellement mal d’avoir raté l'enterrement de mon père. Mais m’envoler pour les Etats-Unis le Chabat avait été hors de question. Cela faisait presque vingt ans que j’étais pratiquante et j’avais appris que « Plus que vous ne gardez le Chabat, c’est le Chabat qui vous garde ». Malgré l'insistance de certains proches biens intentionnés, je ne voulais même pas penser à cette option.

Bon, au moins, j’allais être avec ma famille pour les Shiva (la semaine de deuil). J’étais impatiente de prendre ma pauvre mère dans mes bras. Elle s’était mariée à dix-huit et avait construit sa vie autour de mon père. Lorsque, à quarante ans, il avait décidé de redevenir religieux (comme il y avait été élevé) elle avait foncé avec lui dans de très grands changements dans sa vie, en particulier l'observance du Chabat.
C’est mon père qui m'avait inspirée.

Mon vol pour Baltimore fut finalement annoncé. Je me levai et me rendis directement vers la porte d'embarquement, pour remettre mon billet à l’hôtesse fatiguée. Comme elle me fit signe de passer, je commençai à lutter avec mon bébé, la poussette, mon sac et un gros bagage à main. Soudain, deux adolescents vinrent à mon secours. Tandis que nous avancions vers l'avion, je me dis que la fille me semblait familière. « Êtes-vous originaire de Baltimore ? » La questionnai-je. Elle me regarda bizarrement. « Non » dit-elle. D'accord, je pensais sombrement, j’essayai juste d'être amicale.

J’étais attachée, mon bébé avait enfin trouvé le sommeil et l'avion commença à rouler sur la piste. Derrière le rugissement du moteur, j'entendis la voix profonde du pilote, « Bonjour, Mesdames et Messieurs. C’est votre pilote qui vous parle. Il y a quelques rafales de neige ce soir, mais nous devrions être à Boston dans l'heure. »

« BOSTON ! A-t-il dit BOSTON ? » Je commençai à paniquer, le cœur. « Au secours ! » Je hurlai. « Je suis sur le mauvais vol ! Je dois me rendre à Baltimore ! »

Alors que l'hôtesse accourut vers moi, j'arrachai ma ceinture de sécurité et attrapai ma fille endormie, qui se réveilla et commença à hurler hystériquement. Tout le monde me regardait, mais je ne m’en souciais pas le moins du monde. Avec seulement 50$ dans mon sac à main, un petit bébé et une grippe affreuse, je n'allais pas me geler Boston, où je ne connaissais absolument personne. Et je ne voulais pas manquer un jour de plus des Shiva de mon père !

Le pilote fut en mesure d'arrêter l'avion et l'hôtesse me fit sortir aussi vite qu'elle le put, en marmonnant des excuses pour la confusion. Je compris que, aussi stupide que je me sentais, ils se sentaient encore pire pour ne pas avoir vérifié mon billet plus attentivement.

Une demi-heure plus tard, j’étais enfin sur le bon vol, dans la bonne direction. Je ne sais pas si le refus de rompre mon engagement de ne pas voyager Chabat est ce qui m'a sauvé mais je ne doute que, en le respectant, j'étais sur la bonne voie, la voie sainte. Et si vous restez sur le chemin que D.ieu vous a donné, Il fera en sorte que vous vous retrouviez vers la bonne destination !

Traduit par Carine Rivka Illouz